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Quand les marques de mode décident d’adopter des noms chelous

Quand les marques de mode décident d’adopter des noms chelous

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Par Perceval Vincent

Publié le

Des noms de marques, on en lit plusieurs centaines par jour, et à force, on n’y fait plus du tout attention. Mais certaines maisons de mode décident désormais d’adopter une stratégie avec un nom qui interpelle !

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À l’heure du “tout marketing”, bien choisir le nom que va porter sa marque est un élément décisif pour imprégner durablement les esprits. Et comme dans tous les secteurs, il y a des tendances. “Aujourd’hui, on revient à une authenticité qui est du ressort de la simplicité et de l’immédiate perceptibilité”, confie ainsi Catherine Veillé, directrice générale Ipsos Insight Marques qui ne s’étonne plus de voir apparaître sur le marché des marques comme Vetements qui résument cette tendance peut-être un peu prétentieuse du “simple et vrai”. Vetements vend… des vêtements.

Mais ce qui est de plus en plus frappant dans les jeunes labels qui se lancent aujourd’hui, c’est surtout leur volonté d’utiliser un langage jusqu’alors familier dans leur dénomination. Retour sur ce phénomène avec quatre maisons qui, on en est sûrs, sauront marquer les esprits de leur simple nom !

Fils de Butte

Pour ceux qui ne l’ont pas compris, nous ne décoderons pas le jeu de mots à l’origine de Fils de Butte mais une chose est sûre : une fois entendu, impossible de l’oublier tant le second degré nous fait esquisser de belles mimiques. On a là un nom bien fleuri pour une marque de vêtements parisienne mais surtout un outil de communication bien rodé pour conquérir un marché ultra-concurrentiel. “Le choix de Fils de Butte nous est apparu comme une évidence. Le jeu de mots nous permet de nous démarquer de par son côté subversif et il était facilement mémorisable. Mais surtout il nous a fait rire !”, nous confie ainsi François, cofondateur de cette marque lancée en 2014 pour raviver la flamme créative des quartiers nord de Paris.

“Fils de Butte est un reflet efficace de notre ADN. C’est d’abord un nom empreint d’humour qui fait écho à notre attachement à la Butte Montmartre et au XVIIIe arrondissement, lieu où nos T-shirts et sweatshirts sont confectionnés directement dans notre atelier boutique du 15 rue Hermel”, poursuit-il ensuite. Mais attention, avec un nom pareil, tout n’est pas toujours rose : “Fils de Butte n’est pas toujours un nom facile à porter car il peut choquer les esprits les plus sensibles et cela a parfois été un frein pour certains acheteurs. C’est pourquoi nous labellisons notre collection de prêt-à-porter FDB-PARIS. Cette variante nous permet d’être moins clivants tout en continuant de revendiquer notre attachement à Paris et à la fabrication française. Grâce à ça, nous comptons parmi nos clients beaucoup de mères qui achètent des T-shirts pour leur fils !”, termine-t-il.

J’ai mal à la tête

Plus en poésie mais tout aussi impromptu, J’ai mal à la tête est ce genre de marque de fringues qui n’est pas là pour nous donner une migraine mais qui cherche avant tout à surprendre “de son nom jusqu’à ses collections“. Pour la petite histoire, la marque tient son nom du livre posthume de Fernando Pessoa, Le Livre de l’Intranquillité, et d’une citation en particulier : “J’ai mal à la tête et à l’univers tout entier.” Encore faut-il connaître l’ouvrage en question, mais c’est pour les deux créateurs, à l’origine de la marque, la prose idéale permettant de souligner leur passion de la lecture mais aussi leur rencontre, forte de deux univers distincts entre le monde de la musique pour Roman et celui de la mode pour Anja.

Le nom de la marque est aussi un moyen de faire un pied de nez aux sujets parfois encore tabous de notre société et d’exprimer un véritable ras-le-bol. “Dans un monde où on prône de plus en plus l’égalité entre hommes et femmes, nous pensons que le succès d’une marque passe aussi par la prise de parole et un engagement. Le nom de notre marque en est un symbole de par son paroxysme“. Avec J’ai mal à la tête, on oublie donc la notion de genre ou de restriction et on se félicite enfin d’avoir trouvé notre marque spéciale gueule de bois !

PTIT CON

Pierre Perret chantait déjà en 1992 “On est toujours le con de quelqu’un” et autant dire que son refrain trouve une résonance certaine dans cet appel à la bêtise lancé dernièrement par Thibault Courtois d’Aubery via sa marque PTIT CON. Dans une ambiance street à l’allure de canaille, le créateur replonge dans son enfance pour nous pousser avec légèreté à l’irrévérence de l’insouciance. Porter un sweat ou un T-shirt avec un doigt d’honneur devient ainsi un jeu d’enfant, symbole de ces p’tits cons qui ne s’arrêtent jamais de faire valoir la seule loi qu’ils connaissent : la leur. “Le doigt [d’honneur], c’est le signe d’une défiance légère et comique, qui s’accompagne souvent d’une langue tirée et d’un sourire“, confie ainsi Thibault, avant de se pencher sur son histoire.

Ma maman disait toujours de moi que j’étais un ‘ptit con’, mais ce terme, venant d’elle, était plein de bienveillance, avec un petit sourire et je ne pense pas être le seul à qui cela soit arrivé.” Avec PTIT CON, l’idée est donc de redonner vie à l’enfant qui sommeille en nous, parfois oublié mais qui n’est jamais très loin, pour mieux nous rappeler que rien n’est grave quand c’est pris avec légèreté. Alors, allez lui dire qu’il n’a peur de rien avec ce nom et Thibault vous répondra que “c’est justement prendre ce risque qui réveille l’enfant insouciant et motivé qui est en nous“.


Bijoux de famille

Au Moyen Âge, les bijoux étaient un symbole de richesse qu’il était bon de savoir dissimuler en période de disette. Mais faute de lieux pour les stocker, il n’était pas rare qu’ils se retrouvent au chaud dans une culotte… Par extension, l’expression “bijoux de famille” vient caractériser les attributs masculins, symboles de virilité et de richesse. Il fallait donc oser, me direz-vous, pour appeler sa marque ainsi. Mais en soi rien de quoi effrayer Julie Pasquet qui y voit ici un moyen de rendre hommage aux nombreux amis et membres de sa famille qui l’ont encouragée et l’encouragent encore dans le développement de sa marque de bijoux. Quant à son côté second degré ; le nom de la maison permet de souligner la dimension purement décalée de ses créations.

Le nom de ma marque est un véritable outil d’appartenance : si ça ne te fait pas rire, tu ne vas pas aimer mes bijoux, donc passe ton chemin !” lâche ainsi la créatrice. Une franchise dans les propos que l’on retrouve aussi dans son travail. “J’aime les doubles lectures, qu’un sens en cache un autre, comme dans mes designs. J’aime un collier qui paraît classique et qui en se rapprochant, ‘What the Fuck ?’ C’est un print crevette ! J’aime que les gens soient choqués, interloqués, amusés“.