Dans les roues de Bilook, militant cycliste, et des autres justiciers à vélo

Dans les roues de Bilook, militant cycliste, et des autres justiciers à vélo

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Par Bruno Lus

Publié le

Des cyclistes 2.0 font la loi dans les rues. Caméra embarquée sur le guidon ou le casque, ils traquent les incivilités sur la route et épinglent les coupables en vidéo sur les réseaux sociaux. De quoi attiser des tensions.
Vous sortez ! C’est une piste cyclable monsieur !” La moto stationne sur la voie Georges-Pompidou à Paris. Furieux, le passager descend et menace : On va sortir. Mais toi, refais ça encore une fois, avec ta caméra, et je te mets une grosse gifle dans ta gueule.” Cette vidéo, postée sur Facebook par un cycliste qui se surnomme lui-même “le casse-couilles roulant”, est symptomatique : le torchon brûle entre pro-vélo et pro-bagnole.

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Marre de se compter parmi les premières victimes de la route ! Alors qu’ils ne sont responsables que de 4 % du trafic de la ville, les cyclistes représentent 10 % des accidents constatés. 230 d’entre eux, rassemblés sur une liste Twitter, s’arment désormais de GoPro pour filmer leurs trajets. Une mode venue de Grande-Bretagne. À coups de vidéos et de photos chocs, ils affichent les plaques d’immatriculation et les visages des fous du volant sur les réseaux sociaux. En plein Far West citadin, les automobilistes et motards pètent les plombs contre ces shérifs nouvelle génération. Y a des embouteillages, j’ai un entretien, cassez-vous !”, ordonne dans une vidéo un scootériste monté sur la piste cyclable et coincé par une bicyclette zélée, avant de lui rentrer dedans. Les cyclistes parlent, eux, simplement d’un moyen de défense.

Cohabitation difficile

“Militant, pas justicier”

Jeter de l’huile sur le feu avec ses vidéos ? Certainement pas. Juste montrer la réalité. Dans la plus populaire – plus de 120 000 vues au compteur – Bilook fait la morale à un conducteur de camion garé sur la piste cyclable. Le ton monte. La caméra n’aide pas. Mais pour Bilook, il n’y a aucune malice, seulement un manque de respect à déplorer”.

Hugo, un ami pro-vélo de Bilook rencontré sur Twitter, nous a rejoints au bar. Il acquiesce :Faire des vidéos, c’est un acte de résistance.” Béret en arrière, l’étudiant volubile m’explique les différentes formes d’action : “Le ‘one shot’, c’est un coup de gueule, une séquence isolée. D’autres font des compilations de situations, du ‘daily observation’. Bilook, par exemple, fait des ‘lives’ : des vidéos longues pendant lesquelles il parle.”
Pour la spécialiste du droit à l’image Agnès Granchet, il est interdit de poster la photo d’une personne sans son consentement, en vertu du respect à la vie privée”. Les plaques minéralogiques ? Une action pénale pour collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite serait peut-être envisageable.
S’il garde pour l’instant ses vidéos privées, Hugo n’en est pas moins impliqué. Je me reconnais militant, mais pas justicier. Je ne vais pas trop loin, même si je peux prendre une heure pour coller des stickers ‘Je me gare où je veux et je vous emmerde’ sur une cinquantaine de bagnoles.” Et pas que : dans la scène coupée d’une de ses vidéos, il frappe le capot d’une voiture qui lui fait une méchante queue de poisson. En retour, des insultes de “bobo”, “collabo” ou des “je te vois, je t’écrase” sur les réseaux sociaux.
Un jeu du chat et de la souris qui pourrait mal finir. “On se moque gentiment”, pouffe Hugo avant de s’éclipser d’un coup de pédales.