AccueilArchive

Une activiste indienne met fin à 16 ans de grève de la faim

Une activiste indienne met fin à 16 ans de grève de la faim

avatar

Par Kimberley Richards

Publié le

Irom Sharmila n’a pas mangé pendant 16 ans pour protester contre une loi qui donne l’immunité judiciaire aux militaires de sa région. Elle a rompu son jeûne cette semaine.

À voir aussi sur Konbini

En 2000, dix personnes ont été assassinées par des soldats dans le village d’Irom Sharmila, dans le nord-est de l’État indien du Manipur. Protégés par la loi AFSPA (Armed Forces Special Powers Act) qui autorise les militaires à tirer sur les citoyens sans justification dans les zones dites “sensibles”, les responsables de la fusillade n’ont pas été poursuivis. Révoltée par la mort de ces innocents, celle que l’on surnomme la “dame de fer du Manipur” a alors débuté une grève de la faim pour protester contre l’AFSPA. Elle avait 28 ans.

Aujourd’hui âgée de 44 ans, c’est en larmes qu’elle a mis fin à son jeûne, en mangeant du miel devant des journalistes, le mardi 9 août. Elle a annoncé que sa décision ne mettait pas fin à sa lutte contre l’AFSPA puisqu’elle va se présenter aux prochaines élections :

“J’ai changé de stratégie. Certaines personnes pensent que c’est étrange de ma part de me lancer dans la politique. Ils disent que la politique est corrompue, mais notre société l’est aussi. Je veux me présenter contre le gouvernement. […] J’ai incarné la révolution. Je veux être Premier ministre désormais. Je n’ai pas de connaissances académiques de la politique. Mon niveau d’éducation est très bas. Tout ce que j’ai, je veux le mettre au service du bien, de la société.”

Chargement du twitt...

Traduction : “La première bouchée de nourriture d’Irom Sharmila en presque 16 ans.”

Depuis le début de sa grève de la faim, Irom Sharmila a régulièrement été arrêtée et poursuivie en justice pour tentative de suicide. Placée sous tutelle judiciaire dans une chambre d’hôpital de l’État du Manipur, elle a été nourrie de force par voie nasale, via un tube.

Des charges qu’elle a toujours combattues, comme lors d’une comparution devant un juge en 2013 :

“J’aime la vie. J’aime la vie. Je ne veux pas la perdre. Je veux juste la justice et la paix. Je proteste contre l’AFSPA. Si l’AFSPA est annulée je remangerais.”

Chargement du twitt...

Traduction : “Irom Sharmila met fin à 16 ans de grève de la faim aujourd’hui. Ma sculpture en sable sur la plage de Puri avec le message : ‘Nous saluons ta décision.'”

Depuis l’annonce de la fin de son jeûne le 26 juillet, sa décision a largement été commentée. Certains critiquent l’activiste et accuse sa relation avec son fiancé d’être la vraie raison de cet arrêt. Interrogé par le journal indien The Telegraph, son frère a aussi exprimé sa déception :

“Je ne suis pas heureux d’apprendre qu’elle arrête sa grève de la faim. Ce qui me déçoit le plus c’est qu’elle n’ait consulté aucun de nous, sa famille, avant de prendre cette importante décision. Je n’ai pas encore réussi à l’annoncer à ma mère parce que je ne sais pas comment elle va réagir, elle a toujours encouragé ma sœur à aller jusqu’au bout, jusqu’à ce que l’AFSPA soit abrogée.”

Chargement du twitt...

Traduction : “Ceux qui disent que Irom Sharmila aurait dû continuer son jeûne sont les bienvenus pour le continuer à sa place. Des intéressés ?”

Des soutiens ont en revanche exprimé leur gratitude pour l’héroïsme dont Irom Sharmila a fait preuve et l’attention internationale qu’elle a réussi à attirer sur l’AFSPA.

Chargement du twitt...

Traduction : “Une vraie héroïne de notre nation, Irom Sharmila, l’Inde est bénie d’avoir une guerrière comme toi.”

Pour Amnesty International Irom Sharmila est une “prisonnière d’opinion” :

“La décision d’Irom Sharmila de mettre un terme à sa grève de la faim donne à l’Inde une nouvelle chance d’ouvrir le dialogue et de reconnaître que l’AFSPA met le Manipur à la marge depuis plus de 35 ans.”

Un rapport, publié par l’ONG en 2015 pour les 25 ans de l’AFSPA dans l’État du Jammu-et-Cachemire, stipule qu’entre 1990 et 2011, 43 000 personnes ont été tuées par des militaires, dont plus de 13 000 civils.