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Rapport RSF : 65 journalistes ont été tués cette année, 326 emprisonnés

Rapport RSF : 65 journalistes ont été tués cette année, 326 emprisonnés

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Par Théo Mercadier

Publié le

Selon le bilan annuel de Reporters sans frontières, le nombre de journalistes tués a baissé en 2017, mais on ne peut pas vraiment se réjouir pour autant.

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Le mois de décembre est le mois de tous les bilans, et certains sont nettement moins légers que “les 10 chatons qui nous ont fait craquer cette année”. En 2017, 65 journalistes ont été tués, 326 restent emprisonnés, 54 sont actuellement retenus en otage et deux portés disparus. C’est l’ONG Reporters sans frontières (RSF) qui révèle ces chiffres dans son rapport annuel, qui met en avant une tendance de fond : cette année a été la moins meurtrière pour les journalistes depuis quatorze ans.

Faut-il se réjouir pour autant ? Oui et non. D’une part cette chute du nombre de journalistes décédés s’explique par le travail de prévention réalisé par les ONG, les “formations à la sécurité physique”, le développement de “normes de protections” pour les indépendants et, plus généralement, d’une prise de conscience des États. OK.

Mais d’autre part, moins de journalistes meurent car… moins de journalistes sont présents sur les zones sensibles. “Les pays devenus trop dangereux se vident de leurs journalistes”, constate RSF, qui pointe du doigt l’Irak, la Syrie, le Yémen ou encore la Libye. Et ceux qui décident de rester sont bien souvent forcés de changer de profession pour se mettre à l’abri, comme au Mexique, où les cartels descendent des reporters en pleine rue en toute impunité. Et parfois, fuir ne suffit pas, souligne RSF :

“Edwin Rivera Paz croyait de son côté s’être mis à l’abri en quittant son pays. Ce journaliste hondurien avait fui son pays par peur de représailles, après l’assassinat de son collègue Igor Padilla. Réfugié au Mexique, dans l’État du Veracruz, il a été froidement abattu par des hommes armés, en plein jour, le 9 juillet 2017. Aucune information sur l’avancée de l’enquête n’a été rendue publique tant côté mexicain que hondurien.”

Locaux, étrangers, free-lance et fixeurs

Qui sont ces journalistes tués ? La plupart (58 %) sont originaires du pays où ils meurent pour avoir fait leur métier. Les autres sont des journalistes indépendants, des collaborateurs de médias ou des reporters étrangers, venus couvrir les conflits. Christopher Allen, journaliste free-lance américain, est ainsi mort, tué d’une balle dans la tête au Soudan du Sud alors qu’il était en reportage embarqué (“embedded”, dans le jargon du milieu) avec un groupe de rebelles.

RSF rappelle également les dangers que courent les fixeurs, ces “invisibles du reportage” qui mettent leur carnet d’adresses à disposition des reporters et les orientent sur les terrains dangereux. En juin dernier, la mort du fixeur kurde irakien Bakhtiyar Haddad jetait une lumière crue sur les dangers de ce métier de l’ombre du journalisme et provoquait l’émoi des membres de la profession.

Le bilan de RSF met également en avant une tendance inquiétante : le nombre de femmes journalistes tuées a doublé cette année, passant de cinq à dix. On se souvient de la vague d’indignation provoquée par la mort de Daphne Caruana Galizia, journaliste d’investigation maltaise qui passait sa vie à mettre au jour “la corruption, les trafics illicites, les pots-de-vin et les comptes bancaires offshore à Malte”. Le 16 octobre, sa voiture avait explosé.

Et puis, il y a tous ceux envoyés derrière les barreaux, 326 cette année. RSF pointe du doigt les responsables politiques marocains pour l’emprisonnement de cinq journalistes qui enquêtaient sur révoltes de la région du Rif, “sujet jugé extrêmement sensible par le pouvoir”. Font aussi figure de mauvais élèves la Chine, “où le manque de transparence des autorités sur le sort des journalistes ne permet pas toujours d’établir aisément des statistiques”, et la Russie, où “la pression s’intensifie contre les médias indépendants et les journalistes d’investigation qui enquêtent, à Moscou ou en région, sur des sujets tels que la corruption”. Six journalistes et un blogueur y sont actuellement emprisonnés.

En novembre, RSF avait participé au lancement de la plateforme Forbidden Stories, dont l’objectif est de poursuivre les enquêtes entreprises par des journalistes tués ou emprisonnés :