Hervé Mathoux : “Ma plus belle sensation, c’est de ne pas avoir vu passer ces 10 ans”

Hervé Mathoux : “Ma plus belle sensation, c’est de ne pas avoir vu passer ces 10 ans”

Image :

De gauche à droite / ligne du bas : Sydney Govou, Hervé Mathoux, Dominique Armand, Pascal Dupraz – ligne du haut : Eric Carrière, Jocelyn Gourvennec, Pierre Menes, Laure Boulleau, Olivier Dacourt, Habib Beye, Alain Roche

photo de profil

Par Lucie Bacon

Publié le

Dix ans qu’il présente le Canal Football Club, chaque dimanche sur Canal+.
Il nous confie avoir présenté toutes les émissions, n’en avoir loupé aucune, “je ne sais pas ce que c’est un arrêt maladie”, alors forcément, on est allé lui poser quelques questions sur une des émissions désormais les plus iconiques du PAF footballistique. Hervé Mathoux nous raconte ces dix années au CFC. 
Football Stories ⎪ Dix ans, ça passe vite ?
Hervé Mathoux ⎪ Complètement. Beaucoup de gens me demandent quel est mon meilleur souvenir. Et je dis qu’en fait mon plus beau souvenir, enfin en tous cas ma plus belle sensation, c’est de ne pas avoir vu passer ces 10 ans, je n’en reviens pas quoi. Ça me paraît être hier le lancement. Personnellement, c’était la première fois que je voyais une émission naître, partir de rien je ne l’avais jamais fait, et c’est très sympa aussi. On a des difficultés, on a des virages, on tente des trucs, on change, jusqu’à arriver à avoir développé quelque chose qui soit suffisamment un paquebot pour qu’on avance. On fait en sorte de rester vigilants, de rester éveillés, ce n’est pas parce qu’on a un gros bateau qu’on doit lâcher la barre.


Justement, comment on se renouvelle en 10 ans ?
On évolue. Comme un humain finalement, on mûrit, on change sans avoir le sentiment de changer. Après, ce qui nous fait changer de manière plus évidente, c’est le changement de casting, les arrivées et les départs de consultants. Ce sont les choses les plus visibles. Et ensuite ce qui nous fait évoluer, c’est l’actualité. Un journal de 20 heures évolue dans sa formule, mais globalement, ce qui a du talent, c’est l’actualité, et l’actu nous propose sans cesse son récit.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
Je ne dirais pas d’une chose en particulier, juste d’être là au bout de 10 ans et de pouvoir en parler, de pouvoir se dire qu’on a construit quelque chose d’important chez Canal et dans la place du sport à la télé. Je ne suis pas satisfait, mais content que ça existe. 
Est-ce que vous vous souvenez de la dernière pensée que vous avez eue juste avant de prendre l’antenne la première fois, en août 2008 ?
Franchement non, je n’ai pas eu une pensée particulière. Mais je me souviens que quand on lance une première émission, on ne se projette pas sur 10 ans, et même pas sur la deuxième émission. La première, c’est l’aboutissement de semaines de réflexions, donc on se dit “ça y est , on y est”. Je ne me souviens pas d’une idée précise, mais j’avais une conjonction de choses à penser : la chaleur, la convivialité, dire que c’est en clair, qu’il y a toutes les images de L1… On avait chargé mon sac de plein de trucs, et c’est que le lendemain de la première qu’on se dit “ah ça y est, on l’a sorti”, et hop, il faut préparer la deuxième. La première, c’est comme un premier match de L1, j’en parlais avec des entraîneurs justement, le match de la première journée, c’est le match qui est préparé pendant des semaines, alors que les journées suivantes, elles sont préparées seulement sur une semaine. Une émission, c’est un peu pareil, la première naît de plusieurs mois de réflexion, les suivantes d’une semaine. J’ai le souvenir de beaucoup d’attente, un peu de stress, mais je n’ai pas le souvenir d’avoir été super flippé. 
Il y a toujours un petit stress avant chaque émission ? 

À voir aussi sur Konbini

Ça dépend. Globalement non, quand je suis dans une zone de confort, et c’est devenu ma zone de confort, je ne suis pas spécialement stressé, mais il y a quelques secondes avant l’antenne un petit voile de concentration qui s’empare de moi. Parfois, je me dis que je suis totalement détendu et dix secondes avant l’antenne, je me rappelle que c’est moi qui le fais, et que si je ne ile fais pas, il n’y a personne qui le fera ! 

Quand vous vous êtes lancé dans le journalisme, vous saviez que vous vouliez faire de la télé ? 

Non, je ne me posais pas la question. Je rencontre beaucoup de jeunes aujourd’hui qui veulent faire de la télé, car ils ont un modèle énorme avec plein de chaînes, ils disent qu’ils veulent faire de la télé mais en vrai ce qu’ils disent c’est “je veux passer à la télé”. À mon époque, il devait y avoir des gens comme ça aussi mais ce n’était pas mon cas. Je voulais être journaliste, et la radio m’a tout de suite séduit. J’ai ensuite découvert la télé par le biais du reportage, et ce qui m’a plu, c’est la richesse qu’apportaient les images dans le reportage télé, par rapport à la radio. Quand j’ai voulu faire de la télé, c’était pour partir avec un caméraman et faire des images. 

Donc jamais vous n’aviez imaginé être à la tête d’une grosse émission ?

Non.

Vous avez conscience d’être à la tête d’une institution aujourd’hui dans le monde du foot ?

Pas du tout…

Car ça l’est, comme a pu l’être Téléfoot à une époque, je pense.

On a conscience que l’opinion qui s’exprime sur le plateau compte. Un invité qui dit quelque chose sur notre plateau, qu’il avait éventuellement déjà dite dans un média d’une moindre importance, c’est repris beaucoup plus. Finalement, il l’a dit à partir du moment où il l’a dit chez nous. On se rend compte qu’une critique ou qu’une moquerie qui est dite sur notre plateau au CFC a beaucoup plus de poids que si elle est dite, même de façon plus virulente, sur une antenne plus confidentielle. On a conscience que c’est une caisse de résonance importance, il y a une forme de légitimité sur les gens qui écoutent.

Il y a un invité dont vous êtes le plus fier ? Une fois où vous vous êtes dit que l’émission avait été super avec lui…

Ça arrive très souvent… 

Chargement du twitt...

Mais il y a des moins bons clients que d’autres !

Oui bien sûr ! Si je prends des exemples récents, Buffon c’était génial, car il y a la combinaison du mythe du personnage, de la sympathie, de l’empathie. Meunier, c’était super. Abdou Diallo c’était super aussi car on a le sentiment de faire découvrir quelqu’un qui en vaut la peine. Oui, ça m’arrive assez souvent de me dire que c’était un beau moment, heureusement ! 

Et des flops, il y en a eus ?

Il y en a eu, relativement peu, mais il y en a eu quelques uns oui…

Pas de noms ?

Non, car je n’ai pas envie d’être méchant. Déjà, les joueurs qui viennent nous font ce cadeau de venir. Même si on peut considérer ça normal, ils font l’effort de venir, je trouverais ça discourtois de les pointer du doigt, ils quittent leur zone de confort, ils se retrouvent seuls, intimidés d’être sur un plateau. Et on a eu un joueur qui je ne citerai pas qui est quasiment allé vomir avant l’émission, il y a des joueurs qui nous ont avoué avoir flippé comme jamais, qui sont revenus plus tard et qui étaient meilleurs. 

Il y a eu un fou rire mémorable ? 
Il y en a deux qui me reviennent. Le fameux fou rire avec Valbuena qui s’en va du stade et où il ressemble un peu à Tintin. Et puis le jour où on avait décidé de faire le classico la nuit, où Pierre (Ménès, ndlr) avait mis deux chocos dans les yeux. L’image de Pierre avec son bonnet de nuit et deux gâteaux dans les yeux…


Et des grands moments de solitude ?
Pas tant que ça. Il y aurait pu en avoir un le jour où on a reçu Zidane et où il est arrivé pour des raisons indépendantes de sa volonté avec un retard de 1h15. On avait une émission très longue donc on a tenu et je pense que les gens ne s’en sont pas aperçus, heureusement qu’il est arrivé quand même car derrière il ne nous restait rien à dire.
Si vous deviez changer une chose dans l’émission, ça serait quoi ?
(Il réfléchit) Peut-être le décor car j’en ai un peu marre. Ça fait 10 ans que c’est le même… Je changerais la durée, j’en rajouterais un peu mais c’est impossible hélas, devant nous on a le rugby, derrière on a le match, et j’ai aussi conscience que le rythme de l’émission fait son succès, mais quand on me donne 15 secondes de plus, je suis aux anges. Les gens ne se rendent pas compte, ils nous reprochent toujours de ne pas parler de ci, de ça, mais les contraintes horaires sont énormes.
Qui ferait un bon consultant au CFC ? Il y a un joueur actuel que vous voyez bien plus tard dans l’émission ?
Il y en a quelques uns qu’on a repérés, mais je ne veux pas mettre la concurrence sur la piste… 
On veut des noms cette fois ! 
On les connaît tous mais il y a des surprises, des gens qu’on imagine bons consultants et qui finalement ne le sont pas, il ne suffit pas de bien parler, il faut avoir envie de le faire. Je vais en citer un qu’on a recruté, c’est Rémy Vercoutre. Si je dis Jallet je ne vais surprendre personne, on le surveille mais je ne sais pas s’il en aura envie. Et puis il y a parfois d’autres joueurs moins connus qui sont bons, aujourd’hui dans les consultants, il y a à la fois des joueurs qui ont eu des carrières prestigieuses mais d’autres se sont révélés, ils sont hyper intéressants alors qu’on ne les soupçonnait pas peut-être, mais on reste à l’affut. 
Est-ce que la redistribution des droits TV remet en cause l’existence du CFC (Canal + perd  la L1 à partir de 2020)
C’est une question qui n’est pas d’actualité pour moi, on a une saison et demie devant nous encore, ce qui paraît court mais qui est long quand on a le nez dans le guidon. On se posera la question quand elle se posera vraiment. Personnellement dans la vie, je ne freine pas quand je suis à un mètre du mur, mais je me dis que tant que j’ai de la marge pour voir ce qu’il faut faire, j’attends. 
Avec la récupération de droits comme ceux de la Premier League, est-ce une émission qui pourrait s’internationaliser ? 
On verra, on a toujours été au gré de ce qu’on pouvait faire. Il y a 2 ou 3 ans, on mettait des buts anglais le week-end. Plus on peut piocher dans un catalogue large, plus on le fait avec plaisir. On a toujours reçu des joueurs qui évoluent en Angleterre et en Espagne aussi, c’est parfois plus facile de travailler d’ailleurs avec ces gens-là qu’avec la Ligue 1.
Après dix ans, on n’a pas envie de faire autre chose ?
(Il sourit) On a envie de faire autre chose, tout en continuant à faire cette chose. 
Dernière question : qui vous verriez pour vous remplacer un jour ? 
Ouh laaaaaa. 
Qui serait un bon Hervé Mathoux, ou qui présenterait le CFC aussi bien que vous? 
Je ne sais pas, mais je pense qu’on n’est jamais la bonne personne pour désigner son propre successeur. Peut-être qu’il n’existe pas encore… J’espère ! 
Une émission spéciale 10 ans du CFC aura lieu dimanche sur Canal+, avec Corentin Tolisso invité. Un best-of de l’émission sera également proposé.