Cannes : They, un premier film tout en délicatesse sur l’identité sexuelle

Cannes : They, un premier film tout en délicatesse sur l’identité sexuelle

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

À 28 ans, la cinéaste Anahita Ghazvinizadeh présente à Cannes, hors compétition, son premier long-métrage : They. Avec ce film sur l’identité sexuelle, elle concourt pour la prestigieuse Caméra d’or.

Entre Cannes et Anahita Ghazvinizadeh, l’idylle prend forme doucement mais sûrement. Née en 1989 en Iran, à Téhéran, la jeune réalisatrice a connu la gloire en 2013 en recevant, des mains de l’illustre Jane Campion, le premier prix de la Cinéfondation grâce à son court-métrage Needle. En 21 minutes, elle y brossait le portrait d’une adolescente qui, en pleine discorde familiale, s’apprête à se faire percer les oreilles. Avec 15 000 euros de dotation en poche et la certitude de voir sa prochaine réalisation poser ses valises sur la Croisette, l’ancienne étudiante de la School of the Art Institute de Chicago s’est remise au travail fissa.

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Le Jour J est arrivé

They, son premier long-métrage prend précisément sa source à l’embranchement de ses deux thématiques préférées : la famille et la quête identitaire. On y suit J., 14 ans, un garçon taciturne à la mine diaphane, noyé dans des questionnements relatifs à son identité sexuelle. Ses interrogations sont si fortes qu’il se fait volontiers appeler “They”, ce qui donne son titre au film. They, ils ou elles en anglais : comme pour prendre acte des nombreuses facettes qui le composent. J. patiente donc, soupèse les possibilités et s’accorde le temps nécessaire à sa réflexion, prenant soin d’ajourner sa puberté à l’aide de traitements hormonaux.
Mais l’heure de vérité est sur le point de sonner. La phase fondatrice de son existence a besoin d’éclore, inéluctablement, à l’instar de toutes ces belles fleurs qu’il observe pousser et s’émanciper dans la serre du coin. C’est sur une temporalité écrasée – un bref week-end – qu’Anahita Ghazvinizadeh nous convie ainsi à accompagner J. dans son cheminement. En soignant le cadre et la lumière, jusqu’à une forme d’épure virginale, la réalisatrice adopte une approche davantage théorique qu’émotionnelle. Biberonnée à l’œuvre d’Abbas Kiarostami, elle préfère en effet recouvrir J. d’une chape impénétrable. Pour elle, le secret triomphe sur la révélation. Toujours.

Talent à suivre

Alors qu’autour de J. tout est discuté, commenté, à l’image des problèmes existentiels de sa sœur Lauren, qui cherche une nouvelle résidence d’artiste et fait face aux pépins dentaires de son petit ami d’origine iranienne, la trajectoire intime du personnage principal n’appartient qu’à lui-même. Du moins dans sa globalité. Résultat ? Le spectateur doit constamment aller à la conquête des messages du silence, des regards et de l’indicible. On sait gré par ailleurs à Anahita Ghazvinizadeh de ne jamais faire du (possible) changement d’identité sexuelle de J. un sujet de controverse. Elle l’érige en acquis indiscutable et dépose sur les lèvres des personnages secondaires une bienveillance à toute épreuve, excluant tout antagonisme. Non exempt de défauts, de petits tics arty un peu crispants, They marque clairement l’émergence d’une voix.