Entre froid et effroi, rencontre avec Suzanne Clément à Gerardmer

Entre froid et effroi, rencontre avec Suzanne Clément à Gerardmer

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

Révélée au public français par le cinéaste Xavier Dolan dans Laurence Anyways et surtout Mommy, la Québécoise Suzanne Clément est membre du jury du 25e Festival international du film fantastique de Gérardmer. Konbini est allé à sa rencontre, sur les sentiers de la frousse.

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“J’ai peur du froid”. Suzanne Clément accompagne son aveu d’un petit sourire malicieux. Un comble pour cette native du Québec, qui compte cette année parmi les jurés du Festival international du film fantastique de Gérardmer. Avec des températures oscillant entre – 6 et 0 degrés et un paysage drapé d’un épais manteau neigeux, la comédienne de 48 ans s’accroche donc comme elle peut : “Je m’abrite là où il fait chaud.”

Le mois dernier, elle n’avait encore jamais entendu parler de la ville vosgienne, synonyme depuis 25 ans de grands frissons et de passions cinéphiles. “Quand on m’a proposé de faire partie du jury, je me suis dit que c’était un super beau nom de lieu pour un film d’horreur… Imaginez un long-métrage qui s’appellerait ‘Meurtre à Gérardmer’ !”

Sans forcément être férue de cinéma fantastique, l’intéressée ne boude évidemment pas le plaisir de cette parenthèse, convaincue qu’il est “toujours inspirant de se gaver de films en festival”. Son premier souvenir de vraie terreur cinématographique ? Le cultissime L’Exorciste de William Friedkin.

“Il y a aussi eu Carrie et Halloween, mais celui-ci m’a réellement traumatisée alors que je l’ai découvert très tardivement. Au cinéma, les histoires de possession m’effraient au plus haut point”, précise l’artiste. Tout comme celles qui ont trait à la démence ou à la déraison, riches de plans tournés dans des hôpitaux psychiatriques.

Suzanne Clément avoue aussi avoir un amour infini pour les œuvres sud-coréennes, auxquelles elle adorerait participer un jour : “Dedans, il y a du gore, de l’horreur, du fantastique, de la psychologie, du drame… Pour quelqu’un qui aime l’éclectisme, c’est un bonheur absolu.”

De nouveaux paris horrifiques

“Franchement, j’ai peur assez rapidement au cinéma, même si je suis actrice et que je connais les rouages du métier”, souligne l’actrice. Elle se souvient, amusée, de cette fois où elle a fumé un joint avant de visionner un long-métrage particulièrement flippant, lors d’un festival à Montréal : “Je te jure, ça a décuplé l’émotion. Je me suis mise à fixer le grand lustre accroché au plafond pendant toute la durée de la projection.”

Plus jeune, Suzanne Clément était facilement apeurée, ne supportant pas qu’on coure derrière elle. Même quand c’était sa propre sœur qui la coursait autour d’une table à manger : “Brrr, ça me rendait dingue.” À la bibliothèque, elle se positionnait toujours dos au mur pour étudier, de sorte que personne ne puisse la poignarder ou l’agresser : “Je sais, c’est bizarre. Et, heureusement, c’est vite parti tout ça !”.

Elle s’interrompt soudain, en plein entretien, réalisant qu’un miroir se trouve face à elle (“Je ne supporte pas de voir mon reflet comme ça”), avant de changer l’orientation de sa chaise.

Suzanne Clément est comme ça, spontanée, entière et toujours encline à se lancer de nouveaux défis. Le prochain ? Essayer de s’enfermer chez elle, dans le 11e arrondissement parisien, pour visionner un film d’horreur toute seule. Dans le noir, qui plus est. “Tu as réussi à me motiver… En plus, j’ai récemment installé un vidéoprojecteur ! J’ai aussi bien envie de voir quelque chose d’effrayant dans une vieille salle de cinéma de quartier.”

La comédienne, propulsée dans le sérail du cinéma français depuis les succès de Laurence Anyways et Mommy, a en effet choisi de poser durablement ses valises dans la capitale française : “Je suis bohème depuis des années, et là j’ai signé un bail, je n’ai pas l’habitude de ce genre de choses.” Ne vous étonnez donc pas si vous la croisez entre Belleville et République, en train de fureter dans un rayon de JM Vidéo, l’un des derniers vidéoclubs de l’Hexagone.

Un scénario pour bientôt ?

Sortir de sa zone de confort, c’est en définitive ce qui anime et caractérise Suzanne Clément. Raison pour laquelle, tenez-vous bien, elle a accepté il y a quelque temps un projet horrifique : The Child Remains, de Michael Melski (qui n’a pas encore de date de sortie en France).

“J’avais un peu de temps et j’ai accepté ça. Le film a été tourné au Canada anglais. Je ne l’ai toujours pas vu, d’ailleurs. Mais je me suis super bien amusée. À un moment, il fallait que je tue quelqu’un avec un couteau. Je mourais de rire entre les prises. Et puis c’était jouissif de descendre cet autre escalier lugubre et de pousser cette mystérieuse porte… Je te jure que je le referais demain si je pouvais !”

Le film retrace les aventures d’un couple en quête de calme, qui décide de passer un week-end dans une auberge au passé très étrange. Elle se rappelle aussi de cette séquence dans laquelle elle devait chercher une poupée ensanglantée sous la pluie : “Je hais ça, quand il pleut sur moi dans les films.”

Parmi les choses que la comédienne abhorre, il y a également ce fameux cauchemar récurrent qui frappe à la porte de ses nuits : “Je rêve toujours que j’arrive sur un plateau de tournage sans connaître mes textes, sans maîtriser mon rôle… C’est vraiment affreux !” Dans la réalité en tout cas, elle poursuit son chemin avec brio. Elle connaît parfaitement ses textes et sait varier les plaisirs.

On a ainsi pu la voir dernièrement dans des œuvres très différentes les unes des autres : Espèces menacées de Gilles Bourdos, Numéro Une de Tonie Marshall, Des plans sur la comète de Guilhem Amesland, ou encore la comédie à succès Le Sens de la fête d’Éric Toledano et Olivier Nakache.

Toujours à l’affiche du Sourire de ma mère, Suzanne Clément s’accorde actuellement un peu de temps pour écrire : “Je ne sais pas forcément quoi, je ne me mets pas la pression mais si, idéalement, je peux aboutir à un scénario, c’est bien.” La suite au prochain épisode.