Sur la piste des reliques de Star Wars

Sur la piste des reliques de Star Wars

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Par Ulyces

Publié le

Le lieu de débauche de Jabba le Hutt

C’est précisément sur cette bande de sable qu’un fragment du paysage d’un tout autre monde avait atterri quelques années auparavant. Pendant trente-huit jours au cours du printemps 1982, une équipe de Lucasfilm y érigea une plateforme de bois de près de 10 000 mètres carrés, et versa du sable dessus pour former des dunes qui s’élevaient sur cinq étages au-dessus du sol. Au sommet de ce faux relief, les décorateurs édifièrent ensuite une structure semblable à un yacht, une barge de 30 mètres de long et de 20 mètres de haut. D’un vert automnal, elle possédait de larges voiles en polyester orange.
Le navire apparaît dans une des premières scènes du Retour du Jedi – c’est le lieu de débauche de Jabba le Hutt, parrain du crime monstrueux de l’univers de Star Wars, dans lequel il voyage à travers la planète désertique de Tatooine avec sa clique de chasseurs de primes et de petites frappes. C’est depuis cet avant-poste qu’il attend l’exécution de Luke Skywalker, Han Solo et Chewbacca.
Chaque prisonnier devait s’avancer sur une planche avant d’être offert au « sarlacc tout-puissant », sorte de vagin denté des dunes qui, selon la croyance populaire, les digéreraient pendant de longs millénaires. Vingt-cinq ans plus tard, des restes de ce décor étaient censés joncher la vallée, ou bien être enterrés sous le sable. Nous allions donc déterrer les reliques authentiques de cet univers de fiction.

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Un quartet pour un road trip

Ce voyage marquait également la première rencontre entre Jad, Jilliann et le quatrième passager de notre compagnie, qui s’était présenté à nous en utilisant un alias clairement inspiré de l’univers de Star Wars : Bru Galeen – pseudonyme qu’il semblait utiliser dans sa vie quotidienne. J’avais entamé une première conversation avec Jilliann et Bru au cours d’une convention de fans à San Francisco, quand je commençais moi-même à vouloir me joindre à cet univers tournant autour de la saga de George Lucas. Ils m’avaient parlé de la possibilité d’organiser un voyage dans le parc national de Redwood, au nord de la Californie, où d’autres scènes du Retour du Jedi avaient été tournées, mais cela n’aboutit jamais.
À San Francisco, ils tentèrent également d’interviewer le “vrai” Dark Vador – non pas James Earl Jones, qui prête sa voix au seigneur Sith, ou même le bodybuilder anglais qui portait le costume au cours des tournages. Ils voulaient rencontrer l’homme qui incarnait le personnage dans les pubs M&M’s et les autres manifestations depuis les années 1990, qui s’avérait travailler pour le département des effets spéciaux de Lucasfilm. Jilliann disait qu’il “avait porté le costume plus que quiconque”.

Quelque part sous le sable reposaient les reliques d’un passé factice et futuriste

Pour notre road trip vers la Buttercup Valley, Jilliann, une grande demoiselle de 34 ans qui poursuivait des études de psychologie, était vêtue d’un épais chapeau noir et d’une chemise à quatre poches avec une ceinture cousue au niveau de la taille. Après de longues discussions matinales à l’Econo Lodge où nous avions passé la nuit, elle avait décidé qu’elle garderait ses Keds plutôt que de les remplacer par ses Reebok Pump noires.
Bru, lui, avait 32 ans. Il vendait des ustensiles de peinture et de menuiserie et se trouvait au milieu de la rédaction de son manuel pour construire un sabre laser à partir de pièces d’aspirateur et de plomberie. C’était un homme squelettique, à la chevelure touffue et aux lunettes rondes. Alors que nous nous relayions pour nous reposer, sur cette aire d’autoroute au milieu de nulle part, il s’empara brusquement d’un morceau de métal qui traînait sur le sol, le porta au niveau de ses yeux et, imitant un Stormtrooper dans une scène qui aurait pu se passer sur Tatooine, déclara d’un ton grave : “Regardez, camarades. Des droïdes.”

Face-à-face avec des lieux inexplorés

À l’inverse de Jilliann et Bru, Jad s’était déjà embarqué dans des voyages semblables à celui que nous nous apprêtions à faire. Pour son mémoire de paléontologie, il avait exploré une montagne du Nevada, collectant des fossiles tous les deux ou trois mètres ; il avait ensuite trouvé une place dans une société de conseil environnemental, où il menait des études de terrain pour des particuliers. Cinq mois plus tôt, il s’était rendu dans la Buttercup Valley avec la Star Wars Society de San Diego et était parvenu assez rapidement à déterrer un morceau de mousse condensé de plus d’un mètre de long. Les sages de la société identifièrent la pièce : c’était un bout de la Grande Fosse de Carkoon, le repère du sarlacc. Malgré tout, Jad avait trouvé ce voyage particulièrement frustrant. Cela n’avait rien à voir avec d’autres expéditions Star Wars qu’il avait “vécues comme des face-à-face avec les lieux explorés”.

Lorsqu’il avait visité une rotonde de la banlieue de Naples, en Italie, il était resté seul sur les lieux pendant une heure entière. Il avait superposé des photos tirées de plans du film aux lieux qu’il visitait et retraçait les pas de la Reine Amidala, la mère de Luke et Leia Skywalker, dans La Menace fantôme. Il aurait aimé vivre la même chose lors de son premier voyage à Buttercup Valley. Mais il dut composer avec les desiderata divers de chacun des membres du groupe auquel il appartenait. “Certains étaient vraiment à fond, dautres se contentaient de donner des coups de pied dans le sable. Du coup, ça démotive un peu”, admit-il.

Des décors de Star Wars devenus habitations

Pendant plus d’une décennie, un petit noyau de fans était parti à la recherche de tous les lieux de tournage de la saga Star Wars dans le monde entier. Cartes et guides de voyages fleurissaient sur Internet, à l’instar des photos des paysages que les visiteurs avaient capturées depuis les points de vue où les caméras avaient été posées avant eux. Souvent, le voyageur se mettait en scène sur ces photos, prenant la pose de Luke ou Anakin Skywalker au même endroit où le personnage se trouvait dans la scène qu’il cherchait à reproduire. La plupart de ces voyages avaient suivi la publication d’un article dans Star Wars Insider, le magazine officiel du fan-club de Star Wars.
“Retour à Tatooine” était le carnet de bord de David West Reynolds, un fan qui avait exploré les paysages désertiques de la Tunisie, traquant sans répit les sites qui avaient servi de décor au premier film de 1977. Une fois cet itinéraire mis à jour, d’autres pèlerins suivirent le même exemple. Un collectionneur de jouets du nom de Gus Lopez, célèbre dans la communauté, tient aujourd’hui un guide en ligne des lieux de tournage tunisiens, accompagnés de leurs coordonnées GPS.
Il a aussi compilé de nombreuses informations sur des endroits plus lointains, comme les ruines mayas de la jungle guatémaltèque qui furent utilisées dans des plans d’ensemble pour le premier film, montrant l’extérieur d’une base rebelle sur une lune de la planète Yavin. Mark Dermul, le président de la Star Wars Society de Belgique, tient un site similaire et a organisé des tours dans les glaciers finlandais que l’on voit dans LEmpire contre-attaque. Le guide de soixante-dix pages de Dermul s’intitule La Force en finlandais.

À l’instar des sbires de Jabba qui parcourent la surface de Tatooine, Buttercup Valley regorge de hors-la-loi en tous genres

Dans certains de ces lieux, comme dans la Buttercup Valley, les décors ont été abandonnés, des morceaux de vaisseaux laissés à l’abandon, au bon vouloir de ceux qui souhaitaient s’en occuper. En Tunisie, par exemple, de vrais nomades ont élu domicile dans l’un des villages d’esclaves fictionnel construit spécialement pour le film. Plus tard, une large partie du décor – une décharge intergalactique – a fini entre les mains d’un revendeur de métaux, Kamel Souilah, qui a commencé à écouler les pièces dans une boutique de Nefta. Un Tunisien a même construit un enclos pour ses poulets à partir d’un des dômes vaporisateurs d’humidité qui rend la vie possible sur Tatooine.
Sur les tables de ces marchands, à côté d’objets artisanaux berbères, les touristes peuvent trouver des squelettes en fibre de verre, abandonnés dans les dunes par les équipes de tournage. Gus Lopez confia avoir dû faire expédier plusieurs de ses trouvailles par avion tant il en avait déterré. La plupart des objets qu’il ramena n’était pas aisément reconnaissables, aussi Lopez revisionna les films afin de trouver, au détour d’un plan, à quel film appartenait tel ou tel artefact.

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