AccueilPop culture

Bac : quand le cinéma répond aux sujets de philo 2015

Bac : quand le cinéma répond aux sujets de philo 2015

avatar

Par Louis Lepron

Publié le

“Une oeuvre d’art a-t-elle toujours un sens ?”

Si l’œuvre d’art peut avoir un sens, le Portrait de Dorian Gray a prouvé que l’esthétique était parfois préférable au message. Le film tiré du livre d’Oscar Wilde montre durant tout son dénouement le fameux portrait du héros se dégrader à la mesure de sa débauche. Le visage se déforme, le corps suinte les excès du protagoniste et finit par devenir plus que répulsif. À côté, Le Radeau de la Méduse pourrait passer pour un candide coloriage d’enfant.
Si le portrait se veut représenter de façon sensée les dérives de l’époque et la chute du personnage principal, l’œuvre de Wilde a cependant été qualifiée par les pires adjectifs, le public ne trouvant pas à son goût la décrépitude du tableau et les images qu’elle véhicule.

Cependant, la seule puissance du tableau réside dans le dégoût qu’il procure. Aussi, l’adaptation du classique de la littérature britannique montre bien la prise de conscience que peut occasionner l’art, surtout quand il met en lumière la monstruosité. Jamais le tableau n’a autant fait réagir que lorsqu’il a atteint la laideur la plus absolue, représentant le héros à la limite de la putréfaction. Il en va de même pour les œuvres cinématographiques d’un réalisateur tel que Lars Von Trier qui pousse le spectateur dans ses retranchements, montrant les aspects les plus sombres de la société dans un univers hypnotique.
Alors même que l’esthétique est travaillée, les plans parfaitement cadrés, le sens des œuvres dérange, démange. Qu’il soit salué par la critique ou publiquement descendu par les médias, le travail du réalisateur ne laisse personne indifférent. Si la beauté séduit l’œil, le propre de l’art n’est-il pas d’éveiller des réactions critiques par son sens ? Vous avez dix minutes.
Aline Cantos

À voir aussi sur Konbini

“La politique échappe-t-elle à une exigence de vérité ?”

Une semaine après l’aller-retour de Manuel Valls à Berlin pour la finale de la Ligue des champions, voilà un sujet qui titille l’actualité. Mais qu’en dit le cinéma ? Prenons un monstre de la pop culture, peut-être l’une des œuvres les plus sous-estimées de ces 20 dernières années, Starship Troopers.
Une première lecture laisserait entendre qu’il s’agit d’un film de science-fiction voyant des extraterrestres se faire buter. Non, surprenez votre correcteur, apprenez-lui des choses – à vos risques et périls : le film de Paul Verhoeven est une ode à la critique des régimes totalitaires et fascistes pour un résultat complètement anti-militariste.
La politique mise en place par la Fédération, cette supra-entité terrestre dont l’unique objectif est de défoncer toute vie n’étant pas humaine, échappe à la vérité. Le concept est remplacé par une vitrine de spots télévisés de propagande appelant les jeunes à rejoindre l’Infanterie.

Si Starship Troopers ne fait pas dans la nuance lorsqu’il s’agit de critiquer les gouvernements, la saga Hunger Games réussit tant bien que mal à décrypter les liens entre vérité au sommet du pouvoir et responsabilité. Faut-il tout dire ? Hunger Games dit non.
Que ce soit les rebelles ou le Capitole, le nerf de la guerre qui les oppose n’est pas la vérité mais la communication. Celle d’un camp qui manipule Peeta Mellark pour mieux décridibiliser les rebelles, ou celle d’un autre camp qui utilise, façon télé-réalité, les images de Katniss pour mieux incarner la révolution. Et on se souvient encore de Matt Damon dans L’Agence qui, après une défaite électorale, décide d’être transparent (cf. voir la vidéo ci-dessous). Même au cinéma, vérité et politique ne font jamais bon ménage.

Louis Lepron

“La conscience de l’individu n’est-elle que le reflet de la société à laquelle il appartient ?”

Vous êtes ambitieux, très ambitieux. En tête, le visage de votre futur correcteur. La trentaine, des petites lunettes noires sur le nez et une culture cinématographique qui a bouffé tout ce qui a compté d’univers futuristes au septième art. Bingo, vous vous motivez.
1ère étape : ambitieux (donc) que vous êtes, vous choisissez de jouer avec les termes du sujet alors que l’actualité ciné déborde d’intelligence(s) artificielle(s). En tête, vous avez plusieurs choix : un bon vieux Blade Runner ou les récents Transcendance, Chappie et Ex Machina. Vous optez pour Chappie.
Dernier film du Sud-Africain Neill Blomkamp, il s’adapte parfaitement à votre sujet : robot à l’intelligence artificielle ultra-développée, Chappie se façonne, comme un être humain, à son environnement. Ce qui l’entoure détermine son langage et ses gestes, le tiraillant entre l’éducation de son créateur et la violence de ses parents adoptifs, des criminels.

2ème étape : après avoir essayé péniblement de lier la rhéthorique cinématographique de Neill Blomkamp à la pensée bourdieusienne des habitus et de la transmission des savoirs culturels – vous pourrez d’ailleurs citer La vie est un long fleuve tranquille en bonus “film français”), changez de fusil d’épaule et conviez American History X.
Oui, Edward Norton est le reflet, dans la première partie du film, d’une communauté de néo-nazis violents. Mais s’il en est le miroir sanglant, il parvient à s’en détacher. En utilisant le film de Tony Kaye, détournez la conscience : elle est, avant d’être en lien avec la société, individuelle.
3ème étape : ce faisant, vous réussissez, dans votre conclusion et sans trop vous mouiller, à différencier l’environnement des gênes. Boum : chaque être humain est unique, soumis à sa conscience comme à ses infuences. Tout comme n’importe quel film. La métaphore explose aux yeux de votre correcteur : you win.
Louis Lepron

“L’artiste donne-t-il quelque chose à comprendre ?”

“Je connais mes limites, c’est pourquoi je vais au-delà” : voilà ce qu’à affirmé un jour l’artiste tout en excès et passions qu’est Serge Gainsbourg. Dans le biopic qui lui est dédié – réalisé par Joann Sfar –, on retrouve ainsi le personnage romantique, singulier et génial qu’il a incarné toute sa vie durant. Car Gainsbarre, entre deux cuites, a tout de même déterré d’innombrables pépites du fond de sa tourmente : du “Poinçonneur des Lilas”, à “Je suis venue te dire que je m’en vais”, en passant par “Bonnie and Clyde”, … la liste est longue.
Mais Gainsbourg, tout le monde le sait, c’est aussi un type qui ne pouvait rien faire comme tout le monde, incapable d’obéir aux règles établies – ce qui transparait d’un bout à l’autre du film. Un type qui fume dans son lit d’hôpital. Un type qui n’a pas été gâté par la nature, mais dont le charisme lui a permis de séduire les plus belles femmes du monde. Un chanteur à l’arrogance délicieuse qui a enchainé les provocations : chantant La Marseillaise dans une version reggae, arrivant torché sur les plateaux télé, multipliant les chansons à forte connotation sexuelle…
Gainsbourg, c’est un condensé vital, insoumis, transgressif car passionné ; une petite tornade emportant avec elle tout un univers érotique et poétique à la fois puissant et subtil. C’est un artiste de la vie avant tout, ayant ensuite eu assez de génie pour sublimer ce qu’il est à travers ses chansons. Et s’il fut et reste l’objet de tant d’admiration, c’est sans doute parce qu’on aperçoit à travers lui un monde délesté de la trivialité de la vie quotidienne, où seuls le plaisir, le désir, et la beauté ont leur place. En écoutant Gainsbourg, on redécouvre sa propre sensibilité, on entrevoit mieux certaines nuances ; on comprend mieux certains sentiments, certaines sensations et certains fantasmes. Peut-être parce que, comme l’expliquait Paul Klee : “L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible”.
Maxime Retailleau

“Respecter tout être vivant, est-ce un devoir moral ?”

C’est un sujet de philo qui aurait plu à Brigitte Bardot. Mais un peu moins aux créateurs de Jurassic World, dont la passion réside d’avantage dans le fait de jouer avec les gênes des animaux plutôt qu’à penser à leur confort – ou respecter leurs besoins.
Si la notion de morale varie d’une époque à une autre, de nos jours et dans les sociétés occidentales, force est de constater que le respect des êtres vivants, et notamment des animaux, n’est pas toujours au rendez-vous (alors que certains sont sacrés dans d’autres sociétés).

Dans le dernier né de la saga de dinosaures la plus populaire du septième art, les Hommes, se positionnant en êtres supérieurs, n’hésitent pas à jouer avec les limites de la morale, et avec la génétique des animaux. Le but ? Créer une créature plus forte, plus grosse, plus terrifiante, pour attirer davantage de gens dans le parc, et amasser de l’argent. Cela, au détriment de bon nombre de valeurs (et de la vie même des animaux).
Les propriétaires du parc se prennent donc pour des créateurs tous puissants, guidés par l’appât du gain, et ne respectant ni les dinosaures, ni même les visiteurs, qu’ils mettent en danger. Mais dès le début du film dirigé par Colin Trevorrow, la loi de la nature va vite les rappeler à l’ordre : le “monstre” dont ils ont modifié les gênes sans scrupules, est devenu plus intelligent qu’eux et sa vengeance va s’abattre sur le parc.
A contrario, le personnage interprété par Chris Pratt, a noué une véritable relation de respect avec les féroces velociraptors. Relation qui lui permettra de s’échapper d’une situation très critique, et qui démontre que le respect mutuel triomphe toujours. Il faut donc respecter toutes les espèces d’êtres vivants, et la vie sous toutes ses formes, sans penser que celle de l’Homme est supérieure aux autres.
Sinon, comme le rappelle l’histoire de Jurassic World, un jour ou l’autre, on peut se retrouver à la merci de celui que l’on a, un jour, pas considéré. Et la sentence pourrait être fatale.
Constance Bloch

“Suis-je ce que mon passé a fait de moi ?”

Le cinéma fourmille de personnages au passé lourd de sens. De l’héritage de Dark Vador autrefois Anakin Skywalker aux démons intérieurs de Harvey Keitel dans Bad Lieutenant, le passé des héros du septième art est souvent trouble. Source de force, mais surtout de faiblesses : dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Jim Carrey tente désespérément de s’échapper des stigmates que lui ont laissées son ancien amour, marques indélébiles qu’il ne peut supprimer qu’en effaçant sa mémoire.
Mais parviendra-t-il vraiment, au-delà de ses souvenirs, à s’extirper de l’individu que cette relation a fait de lui ?

Le cinéma ne le permet pas souvent : souvenez-vous que dans Hook, Robin Williams a beau lutter contre son passé, il finit par abandonner. Il redevient Peter Pan et affronte à nouveau Crochet… D’un autre côté, certains protagonistes célèbres deviennent eux-mêmes sans aucune marque du passé : dans Matrix, Neo, “the One”, combat avec vigueur (et style) pour le salut de l’humanité sans qu’on sache quoi que ce soit, ou presque, de ses antécédents. Il devient l’Elu presque par omission, par oubli conscient de sa condition ordinaire, désormais révolue.
Et que dire de Forrest Gump, qui construit peu à peu un personnage de héros national en ayant été persécuté pendant toute son enfance à cause de son léger retard mental ? Le dernier exemple est marquant : Forrest, devenu tour à tour athlète, inventeur du rock, héros militaire, philanthrope et homme d’affaires, a bel et bien trompé l’épée de Damoclès du déterminisme social. Si ça ce n’est pas un beau pied de nez aux entraves du passé…
Theo Chapuis