Matt Damon : “Jason Bourne ne peut pas être apaisé”

Matt Damon : “Jason Bourne ne peut pas être apaisé”

photo de profil

Par Charles Carrot

Publié le

En amont de la sortie du nouveau Jason Bourne, on a eu la chance de rencontrer Matt Damon, qui nous a expliqué ce qu’il pensait de la saga et de l’état de son personnage aujourd’hui.

À voir aussi sur Konbini

Ce mercredi 10 août, c’est le retour de Jason Bourne en salles : après un quatrième volet avec Jeremy Renner qui n’avait pas vraiment soulevé l’enthousiasme des foules, Matt Damon revient cette année dans la peau de l’agent secret renégat, devant la caméra de l’éminent Paul Greengrass (qui avait réalisé La Mort dans la peau et surtout La Vengeance dans la peau, brutal et fabuleux troisième opus). Pourquoi ? Comment ? Désormais bien au fait de sa véritable identité, Jason Bourne reprend du service lorsqu’il découvre qu’on lui avait caché des choses avant même qu’il ne devienne amnésique : des informations qui pourraient changer la manière dont il perçoit son propre passé, directement liées aux positions éthiques toujours douteuses de la CIA.

À travers l’Europe et les États-Unis, le personnage retrouve au passage un visage connu (celui de Julia Stiles) mais croise surtout de nouvelles têtes : Vincent Cassel en bad guy sans foi ni loi, Tommy Lee Jones en vieux directeur de la CIA, Riz Ahmed (héros de la série The Night Of) en dirigeant populaire d’un Facebook fictif, et surtout l’étoile montante Alicia Vikander dans le rôle de Heather Lee, jeune recrue ambitieuse des services secrets américains. Mais que pense Matt Damon de ce retour de Jason Bourne ? On a justement eu l’occasion de discuter quelques minutes avec l’acteur à ce sujet :

Konbini | Jason Bourne semble de plus en plus froid, déterminé, animé d’une rage intérieure. Quand on y réfléchit, est-il vraiment un héros, un “gentil” ? Serait-il un personnage sympathique dans la réalité ?

Matt Damon | Oui, carrément. Il est très torturé, hanté par les choses qu’il a faites, donc il a une forme d’intégrité et je le vois comme un mec bien, en fin de compte.

Ce cinquième film de la franchise essaie-t-il de dire des choses sur le monde d’aujourd’hui ? Entre la scène de la manif à Athènes, la surveillance informatique omniprésente, ce Facebook fictif qui joue un rôle important dans l’histoire…

On veut toujours que les films de la série aient l’air vrais, qu’ils soient cohérents avec les gros titres du monde dans lequel nous vivons. Même si le monde de Jason Bourne dépeint une version exagérée de la réalité, on voulait qu’il soit très contemporain dans l’esprit.

À force de découvrir des scandales gouvernementaux, Jason Bourne est-il devenu une force politique dans cet univers, une sorte d’Edward Snowden, ou n’agit-il que par intérêt personnel ?

Je ne pense pas qu’il se verrait comme une force politique, comme un activiste ; mais il est vrai qu’il est extrêmement méfiant vis à vis des institutions sous toutes leurs formes. Il déclare à un moment dans le film qu’il n’est que dans son propre camp ; c’est sa manière d’évoluer dans cet univers, en suivant uniquement cette philosophie personnelle.

Cela ne le rend pas un peu… égoïste, d’une certaine façon ?

Non, je pense qu’il est surtout préoccupé par les choses qu’il a faites, c’est simplement ça qui le travaille.
Au début du film, il souffre beaucoup sur le plan mental et émotionnel. Cela fait un moment qu’il fuit, qu’il vit à l’écart et il ne reprend du service que pour trouver des réponses qui pourraient l’apaiser.

Comment vivez-vous le fait d’être associé aussi profondément au personnage de Jason Bourne, au point que celui-ci devienne quasiment indissociable du nom de Matt Damon ? Êtes-vous condamné à tourner des films Jason Bourne pour l’éternité ?

Condamné, non [rires], jamais. Bien au contraire : le personnage et la franchise m’ont libéré en un sens. Ils m’ont placé sur une “shortlist” prestigieuse à Hollywood, cela m’a donné accès tous les réalisateurs avec qui je voulais tourner et permis de faire tout un tas de films incroyables. Je n’arrive pas à imaginer comment aurait été ma carrière sans ce personnage, donc je ressens toujours une gratitude intense pour ce rôle. Et puis, en vrai, j’aime beaucoup regarder les films Jason Bourne et ça ne me gêne pas du tout de continuer à l’incarner. Je trouve que c’est un personnage cool et je suis content des films qu’on a faits, surtout avec deux réalisateurs aussi bons que Doug Liman [réalisateur de La Mémoire dans la peau, ndlr] et Paul Greengrass [qui réalise ce volet].

Pourquoi le quatrième volet avec Jeremy Renner a-t-il été moins bien accueilli que les autres, selon vous ?

Je ne sais pas trop. Je vois ce qu’ils voulaient faire avec ce volet, il essayaient de développer une branche parallèle et d’étoffer l’univers de la série. Peut-être que les spectateurs se sont sentis induits en erreur par la présence du nom “Bourne” dans le titre [le film s’appelle The Bourne Legacy en VO et Jason Bourne : l’héritage en France, ndlr], peut-être que les gens pensaient que je serais dans le film et que cela en a déçu certains… Je ne suis pas certain des raisons.

Jason Bourne est très sérieux en général, mais il ne défronce pas les sourcils de tout ce cinquième volet. Est-ce qu’il y a de la place pour un peu plus d’humour ou d’ironie dans la franchise ?
[ATTENTION, SPOILER DES PRÉCÉDENTS FILMS] C’est vrai que Bourne n’a pas souri depuis la mort de Marie Kreutz, le personnage interprété par Franka Potente. Dans le premier film, il a des moments joyeux avec elle, ils rigolent ensemble, il a l’air plus humain. À partir de sa mort, il agonise, devient beaucoup plus sombre, et c’est vraiment une caractéristique de la série. James Bond occupe déjà un créneau plus léger, on lui laisse cette capacité à faire des blagues après une action. Ce sont deux franchises bien différentes, et la nôtre est un peu plus sérieuse.

L’attitude de Bourne est-elle également liée à l’état du monde dans lequel il vit, un monde peut-être plus sombre en 2016 qu’en 2002 ?

Je ne sais pas s’il pose un jugement, s’il se dit que le monde est pire aujourd’hui. Je pense que sa vie est pire, en tout cas. Il a vécu avec ses démons pendant une décennie supplémentaire, il n’est toujours pas en paix avec lui-même, c’est lui qu’on trouve dans un sale état au début du film. Indépendamment du contexte extérieur, intérieurement il ne va pas très bien.

Est-ce qu’il sera finalement apaisé un jour ?

C’est marrant, vous savez : alors qu’on n’avait pas encore fait le dernier film de la série, la conclusion du troisième volet suggérait justement qu’il avait peut-être enfin atteint la paix intérieure. Mais on s’est immédiatement rendu compte que si on voulait continuer l’histoire, Jason Bourne ne pouvait pas être apaisé. La première chose que le spectateur doit croire, c’est que cinq minutes après sa disparition à la nage, à la fin de La Vengeance dans la peau, ses démons reviennent de plus belle. Sinon, il n’y aurait pas de film à raconter ! Il sera apaisé quand on arrêtera de faire des films Jason Bourne [rires].