Qui est India Hair, l’actrice incontournable du ciné indé à suivre ?

Qui est India Hair, l’actrice incontournable du ciné indé à suivre ?

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Par Lucille Bion

Publié le

En une décennie seulement, India Hair s'est bâti une filmographie éclectique avec une simplicité désarmante.

Avec un nom qui a autant de cachet, India Hair était prédestinée à devenir connue. Pourtant, au lycée, elle était persuadée que l’on se moquerait d’elle si elle révélait son désir profond : devenir actrice. 

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Adepte des seconds rôles dans les films indépendants français, la comédienne nommée au César du Meilleur espoir féminin au tout début de sa carrière pour Camille redouble peut se targuer d’avoir donné la réplique à Jean-Pierre Bacri dans Avant l’aube, Vincent Lacoste dans Jacky au royaume des filles, Damien Bonnard dans Rester vertical, Swann Arlaud dans Petit Paysan, Yolande Moreau dans Crash Test Aglaé, Camille Cottin dans la série Mouche et bientôt Roméo Elvis dans Mandibules.

© Poissonsexe

Personnage clé des intrigues les plus audacieuses du cinéma français, India Hair multiplie les apparitions en brouillant les pistes. Inscrite dans une lignée artistiquement et géographiquement riche, elle se forge entre la France et l’Angleterre, chez ses grands-parents, et la culture de ses parents, entre un père franco-américain et une mère anglaise :

“Quand j’étais en Angleterre chez mes grands-parents très cinéphiles, je voyais de nombreux films, de l’œuvre de Kapra aux vieilles comédies musicales. Et puis, il y a toujours eu de la bonne télévision en Angleterre. Ma famille m’emmenait aussi voir des spectacles, des comédies musicales et des ballets. J’ai eu de la chance.”

Grâce à cet éveil précoce et pluriel, elle opte, de manière très protocolaire, pour un bac littéraire avec une option théâtre conséquente qui lui permet de quitter sa Touraine pour intégrer le conservatoire de Nantes, puis de Paris, dans l’espoir de rencontrer des metteurs en scène. Un parcours sans faute qu’elle mène en étant successivement baby-sitter, ouvreuse dans un théâtre, hôtesse ou encore serveuse dans un salon de thé.

“Et là, c’était panique à bord !”

Pour son premier rendez-vous avec la caméra, elle doit composer avec une phobie et l’image étonnante qu’on lui renvoie d’elle. Son agent, trouvé à la sortie du conservatoire, lui décroche une première audition pour une série de France Télévisions où elle devait se glisser dans la peau d’un garçon manqué qui montait à cheval. Ne sachant pas faire d’équitation, ayant peur des chevaux et se considérant comme plutôt féminine, c’est peine perdue.

Elle retentera sa chance pour Avant l’aube, thriller enneigé de Raphaël Jacoulot qui lui demande de lire un texte, puis de l’interpréter. L’exercice, très différent de ses lectures de Molière ou Tchekhov au conservatoire, lui semble très simple et plutôt encourageant. Elle décroche l’audition et fait ainsi le grand écart entre le théâtre et le cinéma. Mais, dès le premier jour de tournage, elle comprend qu’elle a tout à apprendre :

“La première scène que je devais tourner était initialement prévue avec un figurant qui devait m’accueillir à l’hôtel [le lieu principal où se déroule le film, ndlr]. Le problème, c’est que cette personne est tombée malade et les plans ont été chamboulés. Le réalisateur m’a alors annoncé que ma première scène serait directement avec Jean-Pierre Bacri. Et là, c’était panique à bord !

Finalement, lorsque je suis arrivée, j’ai découvert un lieu complètement magique : nous étions au cirque de Gavarnie, en pleine nuit, et il y avait de la neige partout. Jean-Pierre Bacri était très accueillant et m’a rassurée en me disant qu’il serait mon parrain de cinéma. Je m’estime chanceuse d’avoir fait ma toute première scène de cinéma de ma vie avec lui et dans ces conditions.”

Après avoir interprété cette ouvrière dans une usine d’embouteillage d’eau minérale, elle décroche rapidement un rôle secondaire dans Camille redouble. Véritable tremplin pour sa carrière puisqu’elle sera nommée au César du Meilleur espoir féminin pour sa prestation, la jeune actrice croise sur le plateau Denis Podalydès, Jean-Pierre Léaud, Mathieu Amalric, Vincent Lacoste, Noémie Lvovsky – qui lui a inculqué la rigueur et l’abandon de soi – ou encore Riad Sattouf. Dans la foulée, ce dernier lui offre une place dans son film Jackie au royaume des filles et les projets s’enchaînent avec, parfois, un coach pour la préparer :

© Camille redouble

Aujourd’hui, elle est à l’affiche de Poissonsexe, tourné il y a deux ans entre Cherbourg et les Landes. Derrière ce titre atypique, Olivier Babinet prédit, avec poésie, le terrible avenir réservé au milieu aquatique : la disparition de tous les animaux marins, à l’exception de deux petits poissons, Adam et Ève, qui peinent à s’accoupler sous le regard de scientifiques. India Hair y joue une fille aux cheveux roses, insomniaque et qui a du mal à exprimer ses émotions :

“Dès le scénario, j’ai trouvé qu’il avait un point de vue intéressant sur notre avenir, mêlé aussi à du romantisme. La dimension écologique était une thématique importante pour moi. J’ai été élevée à la campagne, par une mère sculptrice animalière qui, depuis que je sais marcher, m’a fait regarder des documentaires et m’a montré des animaux. La nature fait vraiment partie de ma vie.”

Quentin Dupieux et la Mostra

Hasard du calendrier, India Hair sera prochainement dans un autre film qui semble rendre hommage à la faune et la flore sous l’œil décalé de Quentin Dupieux, qui vient d’achever son Mandibules. Si le cinéaste reste très discret sur ce film qui sera présenté à la Mostra de Venise en septembre, la comédienne nous en a confié un peu plus sur le tournage :

“Quentin Dupieux ne parle pas du tout du scénario, mais je peux dire que je joue Céline, une vieille amie d’enfance de Grégoire Ludig, que je retrouve de manière inattendue avec David Marsais. Nous allons passer un moment dans ma villa. Mon frère est Roméo Elvis et on a une bande d’amis avec Adèle Exarchopoulos.

C’était un tournage très marrant et joyeux. Je n’ai jamais fait de journée de tournage aussi courte car il n’a pas de script, ni de chef opérateur, car c’est Quentin Dupieux qui fait tout. C’est très décisif, il fait exactement ce qu’il veut.”

Plus tard, on la verra aussi dans la série Les Hautes Herbes de Jérôme Bonnell et dans le prochain et premier film de Sandrine Kiberlain, Une jeune fille qui va bien, un drame historique sur les débuts d’une comédienne sous l’occupation durant la Seconde Guerre mondiale dans lequel elle tiendra aussi un rôle secondaire.

© Mouche

En une décennie seulement, India Hair s’est bâti une filmographie éclectique avec une simplicité désarmante. Fonceuse, elle pourrait bientôt traverser les frontières et tourner en Angleterre. Du moins, c’est ce qu’elle espère. Et on lui souhaite cette exposition internationale, inscrite dans son patrimoine génétique.