Pour les femmes de la Nasa, Gravity est le film le plus irréaliste scientifiquement

Pour les femmes de la Nasa, Gravity est le film le plus irréaliste scientifiquement

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Par Thibault Prévost

Publié le

Interrogées sur leurs films préférés (et honnis), des chercheuses de la Nasa ont rendu hommage à Seul sur Mars… et se sont payé Gravity, jugé irréaliste.

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C’est de notoriété publique, Hollywood est généralement assez mauvais quand il s’agit de représenter fidèlement la science au cinéma. Après tout, il faut bien le reconnaître, la vraie science, précise et réaliste, ça passe mal à l’image. Alors quand on offre à Michael Bay et à ses homologues d’énormes paquets de pognon pour faire des films censés en rapporter encore plus, généralement, on se fout pas mal de calculer la probabilité qu’une comète venue des confins de l’univers connu vienne très exactement terminer sa course dans la tour Eiffel.

À Hollywood, à part quelques exceptions notables (Primer, La Variété Andromède, Contact, Minority Report), la seule équation qui vaille est celle de la rentabilité – équation dans laquelle le spectaculaire prime sur le plausible. Pourtant, ces dernières années, on pourrait croire que la science a enfin réussi à imposer son dogme de précision et de rigueur à l’industrie du blockbuster, avec des films comme Sharknado Interstellar, Seul sur Mars ou Gravity, capables de brasser des millions de dollars et de spectateurs sans leur épargner les monologues sur les orbites elliptiques ou les distorsions de l’espace-temps induites par la théorie de la relativité.

Mais ces films sont-ils pour autant aussi réalistes qu’ils le prétendent ? Pour le savoir, la BBC est allée interroger les premières concernées : un panel de chercheuses de la Nasa, grandes nerds devant l’éternel, qui ont bien généreusement fourni leur classement des meilleurs et pires films de SF jamais produits.

Premier constat : Seul sur Mars (The Martian en VO) a parfaitement rempli sa mission. Le film de Ridley Scott, véritable déclaration d’amour à la Nasa chargée de faire rêver les générations actuelles aux futures explorations martiennes, est loué par les chercheuses pour sa précision scientifique. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de voir Matt Damon en botaniste abandonné sur la planète rouge.

Interstellar est salué aussi, notamment grâce à une modélisation extrêmement réaliste (du moins, en l’état de nos connaissances théoriques) de la structure d’un trou noir, fruit de la collaboration poussée entre Nolan et l’astrophysicien Kip Thorne. Côté classique, Apollo 13 de Ron Howard, sorti en 1995, trouve grâce aux yeux des chercheuses, probablement par empathie (ou peut-être parce que ce film retrace quasiment minute par minute des événements réels).

Sandra Bullock ne porte pas de couches

Du côté des flops, enfin, outre les attendus Armageddon, Mission to Mars ou encore Red Planet, les chercheuses interrogées s’accordent à critiquer un autre blockbuster, plus surprenant : Gravity d’Alfonso Cuaron, qui peut pourtant se targuer d’avoir engrangé plus de 700 millions de dollars au box-office.

Le fait divers de l’espace, qui voit Sandra Bullock et George Clooney aux prises avec l’hostilité de l’orbite terrestre basse, ne convainc pas les femmes interrogées (et ce malgré la virtuosité de son plan-séquence introductif), qui citent notamment “la facilité avec laquelle Sandra Bullock change d’orbite sans problème” (apparemment, Cuaron l’a fait en connaissance de cause, selon son conseiller scientifique interrogé par The Atlantic) ou, plus trivial mais aussi plus révélateur, le fait qu’elle porte de simples sous-vêtements sous sa combinaison spatiale. Car, dans la vraie vie, les astronautes portent… des couches. Désolé de vous décevoir.

D’ailleurs, puisqu’on en parle, les femmes de la Nasa ne sont pas les seules à démolir Gravity : sa majesté Neil deGrasse Tyson, astrophysicien et vulgarisateur ultime de l’autre côté de l’Atlantique, s’était déjà payé le film sur Twitter peu après sa sortie, avec un tel succès qu’il avait promis de ne plus jamais fact-checker publiquement des films au nom de la science. Un voeu parfaitement pieux, puisque Internet regorge de vidéos dans lesquelles on l’entend troller The Martian et Interstellar, et louer la précision scientifique de… Deep Impact.

Gravity est donc bien en course pour détrôner le précédent film jugé le moins précis par l’agence spatiale américaine, un titre qui revenait jusque-là à… 2012. En même temps, quand on part du principe qu’une vieille prophétie maya complètement obscure pourrait mener à la destruction de notre civilisation, on a peu de chance de rester fermement ancré dans la réalité des faits.