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Avec Once Upon a Time… in Hollywood, Tarantino sublime le pouvoir du cinéma

Avec Once Upon a Time… in Hollywood, Tarantino sublime le pouvoir du cinéma

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Leonardo DiCaprio stars in ONCE UPON A TIME IN HOLLYWOOD.

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Par Louis Lepron

Publié le

Une critique garantie sans spoilers.

Once Upon a Time… in Hollywood, c’est quoi ?

Rick Dalton (Leonardo DiCaprio) et Cliff Booth (Brad Pitt) sont au cœur du neuvième film de Quentin Tarantino. Le premier est un acteur à succès d’une série, mais il peine désormais à retrouver un nouveau souffle ; le deuxième est sa doublure cascadeur.

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Ils sont le principal vecteur du cinéaste pour aborder la vitrine comme les coulisses du Hollywood de 1969, année charnière d’une révolution culturelle et cinématographique, alors qu’Easy Rider, prémices et symbole du Nouvel Hollywood, vient de sortir dans les salles.

En parallèle de ce duo de personnages fictionnels, on retrouve Sharon Tate et Roman Polanski qui ont emménagé il y a peu à côté de la maison de l’acteur Rick. Le Polonais est alors l’un des cinéastes les plus en vue de la Cité des anges, tout juste auréolé du succès de Rosemary’s Baby (1968).

Entre les hippies, la beauté de Los Angeles et un casting dément (comprenant Margot Robbie, Emile Hirsch, Al Pacino, Dakota Fanning ou encore Kurt Russell et Michael Madsen), Quentin Tarantino pose la valise de son scénario.

Mais c’est bien ?

L’avis de Louis Lepron

Once Upon a Time… in Hollywood n’est pas un Tarantino comme on les pressent, comme on les connaît et comme on les apprécie. Si on y ressent comme toujours l’amour du cinéaste américain pour les films pour mieux les titiller, les torturer ou les sublimer dans ses plans, le réalisateur semble avoir voulu prendre à contre-courant son cinéma et ce pour quoi il est connu : une violence graphique et stylisée, une mise en scène explosive ou encore des bandes originales rendant hommage aux années 1960 et 1970. Ce cahier des charges est ici amoindri par rapport à ses précédentes productions.

Le spectateur peut dans un premier temps se sentir dérouté par un long-métrage qui remplit peu de cases connues et reconnues du cinéaste, que ce soit la construction narrative éclatée (Pulp Fiction), l’art des dialogues jouissifs écrits au couteau (Reservoir Dogs, Inglourious Basterds), le révisionnisme historique (Inglorious Basterds, Django Unchained), et le thème de la vengeance (Kill Bill, Boulevard de la mort, etc.).

Et c’est une bonne nouvelle que de retrouver Quentin Tarantino, 25 ans après la Palme d’or gagnée avec Pulp Fiction au Festival de Cannes, se renouveler et nous emmener paisiblement dans un environnement purement cinématographique : pour la première fois de sa carrière, il raconte une histoire se déroulant à Hollywood. Pour la première fois de sa carrière aussi, Tarantino enlève les apparats parfois grossiers de sa mise en scène, comme pour mieux évoquer avec le plus grand respect le sujet qui lui tient le plus à cœur : son amour du cinéma.

Once Upon a Time… in Hollywood est lent, contemplatif d’une période oubliée, perdue, une carte postale californienne à la fois réelle et fictionnelle et d’un certain rêve américain dont on perçoit les mécanismes. La caméra s’incruste, comme dans un documentaire, dans les arcanes du septième art, entre un DiCaprio (encore) bluffant qui résume à lui tout seul les affres des comédiens qui connaissent la gloire pour mieux effleurer leur propre chute ; Brad Pitt qui joue les ombres du cinéma et la sublime Margot Robbie, en Sharon Tate, qui surgit de la fiction pour mieux rattacher l’œuvre à une réalité historique. On croit tout savoir, on croit tout comprendre, mais on oublie une chose : qu’on est dans une salle obscure et que le projectionniste n’est autre que Quentin Tarantino.

Il était une fois à Hollywood est un nouvel exemple de l’illustration de l’ultime croyance du cinéaste américain : celle que le cinéma a un immense pouvoir. Comme si tout était encore possible, comme si la fiction pouvait exploser la réalité. Et ça, on ne pourra jamais le lui enlever.

L’avis d’Arthur Cios

Il arrive un moment, dans la carrière d’un cinéaste établi au style plus que codifié, où chaque film est un exercice périlleux. C’est le cas de Quentin Tarantino. Si ce dernier fait ce qu’il sait faire de mieux (comprendre des bains de sang, des dialogues foutrement travaillés, une mise en scène impressionnante ou des bandes-son imposantes), alors les fans sont déçus que le réalisateur ne se renouvelle pas. Et s’il offre une expérience totalement différente, certains seront pris au dépourvu.

Once Upon a Time… in Hollywood se situe pile entre ces deux offres. Le neuvième long-métrage de QT est un film somme, plongeant le spectateur quelque part entre Pulp Fiction, Inglourious Basterds et Les Huit Salopards — il se situe plus du côté de sa Palme d’Or en réalité, la narration saccadée en moins.

Impossible en revanche de ne regarder ce film généreux (2 h 40 tout de même) qu’à travers le prisme de la filmographie du cinéaste. Car plus qu’un résumé de celle-ci, il s’agit surtout du long-métrage le plus introspectif, intimiste voire fétichiste qu’ait pu pondre Tarantino.

Ce dernier prend un malin plaisir à nous faire l’éloge du cinéma de son enfance, celui qui l’a fait tomber amoureux de cet art, pile au moment où la couleur devenait la norme, et où Hollywood perdait son innocence. Du cinéma de Steve McQueen qui croise la figure de Bruce Lee. Celui des vieux westerns, série B, et même — première pour l’auteur — des productions télévisées policières des années 1960.

Que ce soit à travers le haut de la pyramide hollywoodienne (Sharon Tate et Roman Polanski), un acteur qui sent la déchéance (Leonardo “Rick Dalton” DiCaprio) ou même le bas de l’échelle sociale du septième art (le cascadeur Brad “Cliff Booth” Pitt), l’amour et la volonté de préservation de cet art reste au centre de l’œuvre. Les longues séquences sur les tournages de Rick en sont la preuve. Tarantino s’amuse à retourner certaines séquences des faux westerns comme s’il s’agissait de son propre film (on est dans du méga-mêta).

Pour cela, il faudra remercier l’incroyable travail de reconstitution, autant du côté du Los Angeles de 1969 que des plateaux de tournage, qui est sublime, et magnifie l’Hollywood tel que pouvait le fantasmer le Quentin Tarantino qui avait 7 ans en 1969.

Avec tout ceci, difficile de ne pas se laisser embarquer dans la nostalgie de l’artiste, qui préfère te prendre par la main pour t’emmener sur Hollywood Boulevard plutôt que de construire des intrigues explosives comme il en a l’habitude.

Mais l’autre grande force est son casting, parfait de bout en bout. Lui qui a tant réhabilité des losers d’Hollywood dans ses films précédents (Kurt Russell, Michael Madsen, John Travolta) ramène cette fois un casting AAA, en l’occurrence Brad Pitt et Leonardo DiCaprio. Leur interprétation est phénoménale, tout en retenue pour Pitt, tout en émotion pour DiCaprio. Et c’est sans parler de Margot Robbie, nouvelle muse d’un Tarantino la sublimant à chaque plan.

Peut-être qu’on aurait aimé une patte visuelle plus marquante, une intrigue plus poignante, ou encore une réalisation plus frappante. Mais l’expérience est trop innovante et intéressante de la part du réalisateur américain pour ne pas être au final ébahi par ce Once Upon a Time… in Hollywood, qui marquera au fer rouge la filmographie de Tarantino.

Qu’est-ce qu’on retient ?

L’acteur qui tire son épingle du jeu : Leonardo DiCaprio. Et Brad Pitt aussi. Mais surtout DiCaprio.

La principale qualité : le voyage temporel et fictionnel façon Tarantino.

Le principal défaut : l’intrigue aurait gagné à être plus costaude sur sa première moitié.

Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Pulp Fiction et, d’une tout autre manière, The Artist.

Ça aurait pu s’appeler : Le Bon, la Brute et les Truands

La citation pour résumer le film : “Quentin Tarantino présente sa déclaration d’amour aux Hollywood d’antan avec l’aide d’un duo Brad Pitt/Leonardo DiCaprio au sommet de son art.”