NEW WAVE #8 : Arthur Mazet, le gosse insupportablement brillant

NEW WAVE #8 : Arthur Mazet, le gosse insupportablement brillant

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Par Lucille Bion

Publié le

Ils sont jeunes, viennent d’un peu partout et vont prendre la relève du cinéma français. Après Finnegan Oldfield, Stéfi Celma, Rod Paradot, Déborah François, Corentin Fila, Alice Isaaz et Benjamin Siksou, Arthur Mazet intègre la NEW WAVE, avec une performance exquise.

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On l’a découvert tout petit dans le cultissime Nos jours heureux. En grandissant sous les projecteurs, Arthur Mazet a eu le temps d’éclore et de se métamorphoser. Il revient en force cette année, en étant la tête d’affiche de la comédie La Colle.

Ses armes ? L’autodérision, l’humour et la justesse. Précoce et brillant comédien, le jeune Parisien qui a souvent joué l’ado galérien en a beaucoup plus dans le ventre que sa filmographie ne le laisse penser.

Pour cet épisode, qu’il dédicace à son ami Esteban, il ose toucher à l’intouchable : Serge Gainsbourg et sa “Recette de l’amour fou”. Une performance à savourer, juste avant de déguster son interview :

Konbini | Quel âge as-tu ?

Arthur Mazet | J’ai 28 ans.

Quelles sont tes origines ?

Du côté de mon père, j’ai des origines italiennes.

T’as des surnoms ?

Quand j’étais au lycée c’était “Tutur du futur”. C’est un pote, Kévin, qui m’avait donné ce surnom parce qu’on avait un autre pote qui s’appelait Arthur. Mais la plupart du temps on m’appelle La Mazette, en rapport avec mon nom, tout simplement [rires].

Pour le coup, tu fais partie de ces acteurs qui ont commencé très tôt !

Oui, quand j’avais 3 ans, j’ai fait une petite apparition dans La Cité des enfants perdus. Je devais avoir l’un des rôles principaux mais au final, à cause mon âge, mes parents ont décrété que c’était trop tôt et que c’était un travail trop important.

Tes parents sont tous les deux comédiens, ils savaient sûrement ce qu’ils faisaient.

Ma mère, Valérie Drevon, était comédienne mais a tout arrêté pour vivre dans le sud de la France, où elle donne des cours au conservatoire de Cannes. Et mon papa, qui s’appelle Patrick Mazet, est en revanche toujours comédien.

J’ai donc un peu repris le flambeau.

Comment t’es-tu intéressé au cinéma ?

Je me suis vraiment intéressé au cinéma vers 18 ou 19 ans, pendant le tournage de Simon Werner a disparu… Le réalisateur, Fabrice Gobert, se moquait un peu de moi car il me lançait des références de films que je n’avais jamais vus. Il me donnait souvent des indications de jeu en citant un comédien dans un film précis.

Je me souviens d’une scène où je devais courir et il m’avait demandé de foncer comme dans La Mort aux trousses, dans la scène avec l’avion. Et là, je lui dis que je ne l’ai jamais vu et il me fait :

“MAIS POURQUOI T’AS PAS VU ÇA ?!!!” [Rires.]

Mes autres potes comédiens s’y connaissaient vachement : je me sentais mal et j’ai décidé de faire quelque chose. J’ai pris une carte UGC et je suis allé voir des films – tout comme j’ai pris des vieux DVD dans les bibliothèques. C’est comme ça que j’ai bouffé du cinéma, mais c’était un peu extrême… J’y allais beaucoup, beaucoup, beaucoup.

C’est marrant que tu n’aies pas vu les classiques, comme tes parents sont comédiens… Ils ne t’emmenaient qu’au théâtre ?

Même pas. Pour tout te dire, je n’ai jamais été très fan du théâtre. On allait voir de gros blockbusters avec mon père le dimanche, c’était un peu la sortie en famille. Il m’a transmis son goût pour la science-fiction et les films d’acteurs.

Mais sinon, mes parents ne m’ont pas du tout amené une culture “cinéma d’auteur”.

“Avec mes potes, on a fait un film qui s’appelait Casse à la BNP : je jouais “Arthur l’ordure”, un gros voyou braqueur qui aidait un de ses potes à sortir de prison.”

Maintenant que tu t’es fait une culture, quels sont les trois films à voir absolument selon toi ?

Le film qui m’a fait le plus rire dans ma vie, c’est The Party avec Peter Sellers. J’ai adoré cette comédie.

E.T. est un classique, aussi. Quand j’étais petit, c’est le premier film qui m’a marqué. Je le regardais beaucoup, mais je ne comprenais pas très bien. En grandissant, j’ai eu le déclic et c’est le premier film qui m’a fait pleurer.

Et le dernier… Enter the Void de Gaspar Noé, qui m’a mis une claque cinématographique. Je suis sorti tout bouleversé, mais j’adore sortir d’une séance et m’apercevoir qu’il s’est passé quelque chose en moi.

La légende raconte que c’est en regardant la série Urgences que tu as décidé de devenir comédien. C’est vrai ?

Oui, je me suis rendu compte que le métier de comédien me permettait de faire tous les métiers du monde. En fait, quand je regardais cette série, je me disais que j’aimerais beaucoup être médecin, mais j’ai ensuite réalisé que c’était de la fiction.

Sachant que mes parents font ce métier-là, j’ai pu en discuter avec eux et j’ai compris que c’était ce que j’avais envie de faire.

Ils t’ont encouragé dans cette voie ?

Non, pas du tout. Mes parents ne m’ont jamais poussé là-dedans. Comme ils connaissent bien le métier, ils attendaient de voir si j’étais déterminé à le faire.

Déjà, quand j’avais 8 ou 9 ans, je m’amusais à faire de petits courts-métrages avec mes amis. C’est vraiment là où j’ai pris plaisir à jouer la comédie et incarner des personnages.

Quels genres de films ?

On avait un crew qui s’appelait la “Pierre Bross Prod”, parce qu’on habitait rue Pierre-Brossolette (dans le 5e arrondissement).

Comme on n’avait aucun talent de création, on faisait des remakes de films : on pompait Scream, Le Dîner de cons… On a quand même fait un film, qui s’appelait Casse à la BNP, où je jouais “Arthur l’ordure”, qui était un gros voyou braqueur qui aidait un de ses potes à sortir de prison. Voilà, voilà [rires].

C’était les premiers émois de jeux que j’ai pu avoir. À partir de là, je me suis dit que j’aimerais en faire mon métier.

Mais tu as quand même suivi un cursus scolaire général ?

Oui, j’ai fait un bac général au lycée Lamartine, mais j’ai pris l’option théâtre. Le bac, c’était un peu la condition de mes parents d’ailleurs, pour faire ce que je voulais après.

Heureusement que j’avais cette option d’ailleurs, sinon je n’aurais jamais eu mon bac. Je devais faire un bac littéraire pour pouvoir faire l’option théâtre, sauf que j’avais 3 en littérature et 4 en philo, donc bon… Mais heureusement, j’ai eu 18 ou 19 en théâtre, ça m’a sauvé.

À 15 ans, j’ai trouvé un agent et j’ai commencé à faire des castings pendant les vacances. J’ai ainsi démarré avec Nos jours heureux. C’est mon vrai point de départ en tant que comédien.

C’est là où ça a décollé. Tu te souviens de ton casting ?

Oui, je m’en souviendrai toujours. J’ai d’abord passé le casting tout seul, mais le problème c’est que j’avais aussi décroché une série pour France 2 au même moment. Mon agent m’a donc expliqué que je devais choisir.

Comme j’étais déjà confirmé sur la série, je devais oublier Nos jours heureux. J’étais vraiment dégoûté. Mais au final les deux réalisateurs, Éric Toledano et Olivier Nakache, ont fait un forcing de ouf auprès de leur premier assistant, pour faire en sorte que le plan de travail puisse me permettre de faire les deux.

Ils m’avaient vraiment en tête pour le personnage de Guillaume et je suis ravi qu’ils aient tenu bon et qu’on ait pu le faire.

Après ce rôle d’ado, un peu loser, est-il arrivé que l’on te propose des rôles similaires, dans des comédies ?

C’est vrai que dans les rôles que l’on me propose, de manière générale, on me voit souvent comme le mec un peu timide, réservé, pas très bien dans sa peau. Mais je pense que c’est un truc que je dégage naturellement.

Maintenant, comme j’ai un peu grandi, on me propose d’autres rôles – notamment dans Elle, de Paul Verhoeven. Ça change un peu de registre, je suis très content.

Je viens de terminer le court-métrage d’un jeune réalisateur qui m’a vu là-dedans et m’a proposé un rôle assez similaire. C’est assez cool de sortir un peu de cette zone de confort. Le mec pas bien, un peu geek, je sais que je peux le faire. En vieillissant, ça devrait changer.

Comment tu choisis tes rôles ?

Pour l’instant, ce qui m’intéresse le plus, ce sont le scénario et le personnage. Ce sont ces deux facteurs qui vont m’encourager à travailler avec un réalisateur.

J’aime beaucoup incarner des personnages qui ont une vraie et jolie évolution. Dans Nos jours heureux, au début, on ne sait pas trop où mon perso va aller, mais à la fin ça devient le mec un peu beau gosse. Je sais qu’on s’y attache.

Il me semble que La Colle c’est ton vrai “premier rôle” au cinéma. Tu devais avoir un rythme beaucoup plus intense !

Oui, exactement. C’était un peu une surprise, car je suis allé au casting pour un truc complètement différent. Le directeur du casting me voit et me parle de ce film qui se passe au lycée. Moi, j’avais 27 ans quand on l’a tourné, alors que dans le synopsis ils ont écrit que j’avais 16 ans !

J’ai passé les essais et ça l’a fait. C’était très marrant de retourner à cette époque lycéenne. J’ai décroché mon premier premier rôle, c’était une super expérience. C’est très grisant, mais ça donne envie d’y retourner.

Par contre, j’ai vraiment flippé. Comme j’ai toujours fait des seconds rôles où je n’avais qu’une dizaine ou une vingtaine de jours de tournage, là, faire un mois entier où tout est autour de ton personnage, ça m’a fait vraiment bizarre. J’ai même cru que je n’y arriverais pas.

C’était un gros délire. Une super équipe. On a tourné un mois à Bruxelles, c’était très intense, surtout avec l’histoire qui fonctionne sur le principe de répétitions :

C’est l’éternelle polémique des acteurs de 30 ans qui jouent des lycéens de 15 ans.

Exactement. Pour le moment je peux surfer là-dessus mais au bout d’un moment ça ne marchera plus [rires].

“J’ai été livreur de kebabs, barman, serveur…”

Comment tu bosses ? Tu fais toujours du théâtre ?

Non. En fait, quand j’avais 13 ou 14 ans je prenais des petits cours de théâtre au Centre 6, mais j’ai plus appris en travaillant, à 15 ans.

Vers 20 ans, je me suis ensuite dit qu’il fallait que j’aie un parcours académique. Je suis allé aux conservatoires du Xe et du XIXe. Je suis resté un petit peu, sans vraiment trouver la passion. Mais je ne suis peut-être pas tombé sur les bons profs. J’ai quand même appris quelques trucs sur le jeu théâtral.

J’imagine que ta mère t’a filé deux ou trois conseils aussi !

Justement, elle m’avait aidé à la préparation des concours du conservatoire.

Ce qui est bien, quand tu as des parents dans le milieu, c’est qu’ils te comprennent. Mon papa venait d’une famille sans bagage artistique, à part mon grand-père qui était peintre. C’était assez mal vu quand il leur a dit qu’il voulait devenir comédien. À 18 ans, il s’est barré de chez lui et il s’est débrouillé pour faire ce métier.

C’est ça qui était bien pour moi, je n’ai pas eu le : “Ce n’est pas un vrai métier, trouve autre chose.”

Tu fais des petits tafs à côté ?

Oui, on a tous commencé comme ça. Moi j’ai débuté super jeune, mais quand je travaillais un peu moins, j’ai été livreur de kebabs, barman, serveur… Mais après tu peux avoir d’autres passions qui peuvent t’enrichir. Moi j’aime bien notamment la photo. Pour l’instant, je n’en ferai jamais mon métier, mais c’est un hobby que je développe à côté.

Quel genre de photos ?

J’ai fait une série sur les vélos cassés dans Paris, très simple, en noir et blanc.

J’ai photographié pas mal de carcasses de vélo, complètement défoncées. Un jour, j’avais trouvé un vélo sur un panneau de sens interdit, qui était accroché tout en haut. Je ne sais même pas comment le mec a réussi à faire ça.

Le mec a dû rentrer très tard… [Rires.]

As-tu d’autres talents cachés ?

Je connais la fable du Corbeau et du Renard en verlan-argot.

Tu peux nous la faire ? [Rires.]

Alors ça fait…

“Tre-maî beau-cor sur un bre-a chéper

Nais-te dans son ceub un mage-fro.

Tre-maî na-re le sé-ru à la dob alléché

Lui int’ à peu près ce gage-lan :

Et jour-bon…”

[Attends, c’est quoi déjà ? Rires]

“Et jour-bon Sieu-mon du beau-cor,

T’es lijo smako avec tes chlaps et ton sonblou,

T’es le keum des keums du bois de boubou

Vous êtes le nix-phé des hôtes de ces oibs.

Le beaucor narco il s’y oicre ziva

Il pignetré sur sa chebran

Et pour trémon sa belle voix

Vréou un gelard keubé ça comme,

Si, si, ça comme

Et laisse béton le magefro le blaireau.”

C’est mon père qui l’avait écrit pour son one man show, Ouf. Au parcours libre du conservatoire je l’ai faite, pour les concours.

Dans quoi on va te voir, maintenant ?

Je viens de terminer Farandole, un court-métrage d’un jeune mec qui s’appelle Matthieu Boulet. Ça se passe dans un cadre médiéval, donc c’était rigolo, j’avais des combats à l’épée.

J’ai une nouvelle série pour France 3, Crimes parfaits. J’ai un rôle principal aux côtés d’Isabelle Gélinas avec en guest stars Gérard Darmon et Frédéric Diefenthal, le tout réalisé par Didier Le Pêcheur.
J’ai également un projet de long-métrage d’Esteban Carvajal Alegria, un ami de longue date que j’avais rencontré sur Simon Werner a disparu…

Une série qu’on a faite en pensant bien fort à Polo <3

Crédits :

  • Autrice du projet et journaliste : Lucille Bion
  • Direction artistique : Arthur King, Benjamin Marius Petit, Terence Mili
  • Photos : Benjamin Marius Petit et Jordan Beline (aka Jordif, le roi du gif)
  • La team vidéo : Adrian Platon, Simon Meheust, Maxime Touitou, Mike “le Châtaigner” Germain, Félix Lenoir, Mathias Holst, Paul Cattelat
  • Son : Manuel Lormel et Axel Renault
  • Remerciements : aux brillants actrices et acteurs qui ont participé, à Rachid et la team Konbini, aux SR, à Benjamin Dubos, Raphaël Choyé et Anis Aaram, les agents et attachés de presse : Matthieu Derrien, Karolyne Leibovici, Marine Dupont, Pierre Humbertclaude, Nina Veyrier.