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NEW WAVE 2018 : Mathilde Warnier, couteau-suisse

NEW WAVE 2018 : Mathilde Warnier, couteau-suisse

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Par Lucille Bion

Publié le

Ils sont jeunes, viennent d’un peu partout et ils sont la relève du cinéma français. On leur donne la parole dans NEW WAVE. Place à la douce Mathilde Warnier.

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© Konbini

Mordue de Nouvelle Vague et surtout d’Anna Karina, Mathilde Warnier s’est fait progressivement une place dans le cinéma français et étranger. Remarquée sur le plateau d’Au Field de la nuit pour sa répartie face à Nicolas Bedos, elle a ensuite tracé sa route entre la mode et le cinéma dont elle partage la passion avec sa sœur jumelle.

Après avoir fréquenté les milieux de la production, de la mode et de la télévision, la jeune femme pluridisciplinaire jure que le métier d’actrice est ce qui l’épanouie le plus. Avant de découvrir son profil atypique, voici sa reprise élégante et téléphonée, à son image, de “Validée” de Booba.

Konbini | Où et quand es-tu née ?

Mathilde Warnier |Je suis née à Rosny-sous-Bois dans le 93, le 2 octobre 1991

As-tu des origines ?

Non. Enfin, j’ai de vagues et lointaines origines anglaises, mais ça date de… longtemps. (Rires)

Où as-tu grandi ?

J’ai grandi à Dreux. En fait, on est cinq sœurs et quand on est nées, ma sœur jumelle et moi, mes parents ont construit un petit pavillon saumon creepy. C’était une enfance assez jolie.

Il faut que tu m’expliques ton parcours : tu es mannequin, actrice, chroniqueuse, tu dessines… Comment doit-on te présenter ?

Ce sont des choses en dilettante. Mon père dessine beaucoup, mais à cause de mes grands-parents qui étaient commerciaux, il n’a pas vraiment pu faire ce qu’il voulait, son père voulait qu’il fasse des maths. Amélie, l’une de mes sœurs est illustratrice et tout le monde dessine un peu.

Mannequin, ça a été pour payer mon loyer pendant longtemps. Mon père a eu des problèmes financiers quand j’étais en deuxième année de BTS et à ce moment-là, soit je retournais à la campagne, soit je restais à Paris mais il me fallait trouver un boulot. Et c’est à ce moment que par je ne sais quel truchement la vie, je me suis fait remarquer chez Field. On m’a proposé de travailler à la télé et dans la situation dans laquelle je me trouvais, je n’ai pas vraiment eu d’autres choix que d’accepter. À vrai dire, je ne voulais pas quitter Paris.

Une année après, j’ai essayé d’écrire. J’avais tellement faim. Je faisais des petits articles à la con, j’allais faire du contenu pub en Suisse. Je faisais des photos avec des copains parallèlement, mais sans être payée, et finalement j’ai été repérée dans la rue. Mais c’était juste pour payer mon loyer, tu vois ce que je veux dire ?

Oui. C’était le cinéma ton truc ?

Oui, c’est ce que j’aimais, sans jamais penser que je pourrais vraiment être actrice. Et je dis bien “pouvoir”. Quand on me l’a proposé, je ne me suis plus jamais posé d’autres questions. Tu vois comme tout est lié ? Tout est simple. Ma vocation, elle est venue à moi toute seule. J’ai eu vachement de chance, je pense. Même si j’ai erré. Et comme tu dis, je suis pluridisciplinaire… Je garde mes premières amours qui sont l’écriture et le cinéma.

Tu as aussi préparé l’École du Louvre ?

Oh non, ça, c’était mon projet : j’avais trop envie d’être historienne de l’art. Je ne savais pas trop quoi faire de ma vie donc j’ai fait une première année en fac de philo à la Sorbonne, pour préparer l’École du Louvre. Finalement, j’ai été un peu déprimée et quand tu arrives à la fac, tu ne sais jamais vraiment quoi faire. J’ai été épaulée par mon ancien prof de cinéma du lycée qui m’a conseillé de travailler dans la production. Il m’a aidée à écrire un peu. Si je me suis retrouvée dans ce BTS audiovisuel, c’est grâce à lui.

Tu sais ce qui t’a attirée vers le cinéma ?

C’est ma sœur jumelle. Au lycée, il y avait une section cinéma dont elle faisait partie dès la seconde. Elle allait tout le temps au ciné-club alors que moi j’étais passionnée d’art pictural. C’est elle qui m’a fait découvrir le cinéma. À partir du moment où on a découvert ça toutes les deux, on n’en est plus jamais sorties. Elle est chef électro, chef opératrice. Moi je suis actrice. Tous nos potes de lycée sont là-dedans aussi… C’est marrant.

Comme quoi, une toute petite section dans un lycée de campagne peut donner une vocation à tellement d’enfants.

Toi, tu t’es surtout fait connaître sur le plateau d’Au Field de la nuit. Qu’est-ce qui t’as poussé à prendre la parole ce jour-là ?

J’étais étudiante en BTS audiovisuel et Au Field de la nuit bougeait ses émissions dans des lycées, et notamment dans mon BTS. Mon tuteur m’avait demandé de poser des questions sur le livre de Nicolas Bedos que je n’avais pas beaucoup aimé, contrairement à ce qu’il faisait à la télévision.

Je n’avais rien calculé, j’avais préparé des questions vachement plus franches à mon ami Félix qui se trouvait à côté de moi sur le plateau, mais il ne les a pas posées. Les conséquences qui ont suivi m’ont complètement dépassée. C’était violent pour une jeune fille de 20 ans. Je n’ai jamais voulu revoir cette vidéo. Il y a des choses vraiment limites qui se sont passées sur ce plateau… Je n’osais pas sortir de chez moi, on appelait ma famille, etc. Ce n’est plus moi de toute façon, ça fait 7 ans.

Oui, c’était un moment clef mais tu n’en es plus du tout là maintenant : tu es passée au grand écran… Raconte-moi comment ça s’est fait ?

Moi, j’ai toujours voulu raconter des histoires. Sauf que, comme tu dis, je fais plein de trucs différents mais je n’ai jamais trouvé le vecteur qui m’amène à raconter la bonne histoire. Puis on m’a demandé d’être actrice mais j’ai d’abord hésité car je n’avais pas l’habitude de raconter des histoires en les vivant. En même temps, c’était un challenge incroyable donc je me suis inscrite dans une agence pour passer des castings et j’ai décroché mon premier rôle.

J’ai beaucoup appris et surtout, j’ai appris ce que je voulais faire et ce que je voulais raconter. Ce métier me passionne terriblement. Aujourd’hui, je raconte des histoires et ça débloque mon écriture. J’essaye d’écrire un projet en ce moment et je vois la différence par rapport à avant : j’avais mille idées, mais je n’y arrivais pas, ce n’était pas approfondi. J’arrive désormais à comprendre comment faire ma petite cuisine personnelle, ça m’aide à raconter des histoires qui viennent de moi. (Rires)

Tu t’en souviens, de ton premier casting ?

Bon, j’ai eu plusieurs vies. C’était il y a très longtemps… quand j’avais 18 ans et que j’étais stagiaire assistante de prod’. Ma tutrice, Judith Lou Levy jouait dans L’Apollonide – souvenirs de la maison close de Bertrand Bonello, et j’ai passé des castings pour ce film. On m’a demandé de me déshabiller et j’ai commencé à paniquer (Rires). J’ai compris dans le regard de la directrice de casting que je devais mimer l’acte de se déshabiller, qu’il se passe quelque chose… Moi, j’étais juste hallucinée !

C’est vrai que pour un premier casting, c’est intimidant !

Oui, d’aller chez les gens aussi, c’était étrange. C’est une intimité assez particulière. Mais c’était marrant. Sinon, après j’ai décroché mon premier rôle dans À toute épreuve, grâce à mon agent. Ce n’était pas spécialement mon cinéma mais j’ai appris plein de choses.

C’est avec La Fouine, c’est ça ?

Oui et ce n’est pas un mauvais acteur, tu sais. Je me souviens qu’il était très stressé.

Après, j’ai fait Caprice d’Emmanuel Mouret. Là, je tourne pas mal dans des trucs, plutôt en anglais.

Tu veux tourner à l’étranger ?

Ça fait un moment que je passe des trucs… J’avais un tout petit rôle dans la série The Night Manager de Susanne Bier. J’avais une scène avec Tom Hiddleston, le vampire plutôt pas mal d’Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch, mais j’ai été coupée au montage.

J’ai aussi tourné un pilote YouTube il y a deux ans, ça s’appelait Making It mais ironiquement, ça ne s’est pas fait non plus. Pour l’instant, c’est à peu près tout dans l’historique de mes fails.

Là, je viens de tourner The Widow, une série pour Amazon et c’est un beau rôle avec Kate Beckinsale. J’adore jouer en anglais. Je viens de décrocher un rôle dans un très beau film autrichien, je devrais tourner cet été.

Sinon, bientôt je serai à l’affiche de Curiosa et Engrenages, pour la France.

Cette année, on t’a vu dans Les Garçons sauvages, un premier long-métrage très en marge du cinéma français. Qu’est-ce qui t’a plu ?

Tout, quand j’ai lu le scénario, je voulais trop le faire ! J’ai beaucoup travaillé avec mon coach. Je jouais un garçon, donc c’était délicat. En fait, ça me faisait penser à tous les films que j’aimais, les films de Guy Maddin, Walerian Borowczyk, c’est du Cronenberg avec la beauté d’un Buñuel, il y a Edgar Allan Poe aussi… C’est hyper organique. J’adore cette croisée des chemins. Me dire qu’un film comme ça peut exister dans le panorama du cinéma français, c’est incroyable ! Ecce Films permet à beaucoup de films d’exister.

Crédits :

  • Autrice du projet et journaliste : Lucille Bion
  • Réalisation : Raphaël Choyé
  • Monteur : Simon Meheust
  • Cadreurs : Simon Meuheust, Luca Thiebault, Mike Germain
  • Son : Manuel Lormel et Paul Cattelat
  • Créa : Terence Milli
  • Photos : Benjamin Marius Petit