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NEW WAVE #10 : Niels Schneider, le Québécois passionné

NEW WAVE #10 : Niels Schneider, le Québécois passionné

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Par Lucille Bion

Publié le

Ils sont jeunes, viennent d’un peu partout et vont prendre la relève du cinéma français. Après Finnegan Oldfield, Stéfi Celma, Rod Paradot, Déborah François, Corentin Fila, Alice Isaaz, Benjamin Siksou, Arthur Mazet et Zita Hanrot, Niels Schneider conclut en beauté notre série New Wave, avec un dernier épisode complètement WTF.

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Découvert dans les films de Xavier Dolan, notamment Les Amours imaginaires, Niels Schneider a souvent mené sa carrière en incarnant des personnages désirables. C’est le réalisateur français Arthur Harari qui a révélé tout son potentiel avec Diamant noir en 2016. Le combo cheveux gras plaqués et part animale semble avoir séduit la petite famille du cinéma français, qui lui a remis le César du meilleur espoir cette année.
 
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, le Franco-Canadien a eu, quelques mois plus tard, l’honneur de faire partie du jury de la Semaine de la critique, pendant le dernier Festival de Cannes. Pour rendre hommage au pays dans lequel il a grandi, Niels Schneider reprend Nique les clones de Nekfeu avec son accent québécois. Une dernière marrade pour clore notre série New Wave :
 

Konbini | Quel âge as-tu ?

Niels Schneider | 30 ans

Quelles sont tes origines ?

Je suis né à Paris mais j’ai des origines russes du côté de ma grand-mère, vers Saint-Pétersbourg. “Schneider”, je crois que c’est alsacien mais pourtant, du côté Schneider, mon grand-père est un vrai Parisien.

Tu as des surnoms ?

Ah non, non, non. Niels, c’est trop court pour faire des surnoms, mais quand j’étais gamin on m’appelait Nilsou ou Nini, ce qui me rendait assez dingue. J’étais assez réactif à ça [rires].

Tu as grandi dans le milieu artistique ?

Ma mère a fait énormément de sculpture et mon père, Jean-Paul Schneider, était danseur classique jusqu’à l’âge de 30 ans, où il s’est pété le genou dans un accident de voiture. Il a ensuite fait beaucoup de théâtre, à la fois comme metteur en scène et comme comédien. Il collaborait souvent avec Nicolas Bataille [un grand metteur en scène et comédien français, ndlr]. Mon père est ensuite parti à Montréal où il a fondé une école de théâtre. Il nous a donc fait lire des textes assez jeunes, à mes frères et moi. On a toujours eu des instruments de musique dans la maison.

Tu joues d’un instrument ?

Un peu de piano et de la guitare, mais j’ai un frère batteur, c’est un vrai musicien. J’ai un autre frère qui s’appelle Aliocha et qui vient juste de sortir un album :

Tu as la double nationalité franco-canadienne. Où as-tu grandi ?

Je suis parti de France à 8 ans. En fait, mon père voulait partir un an ou deux, pour voir autre chose. Il hésitait entre l’Australie et le Québec. Et c’est le Québec qui a répondu le premier. C’était aussi dans le but d’apprendre l’anglais. La première année, on s’y est beaucoup plu. Nous nous réunissions tous les ans, en nous demandant si on rentrait ou non. Et eux, tu vois, ils sont restés.

Tu as fait tes études en France ou au Canada ?

J’ai fait mon CE1 et mon CE2 en France et tout le reste au Québec. Là-bas, il n’y a pas le bac comme en France, ça s’appelle un DEC, un diplôme d’études collégiales. Après, j’ai fait un an en scénarisation à l’université et j’ai ensuite bossé dans une boîte de prod’. J’y produisais des clips et j’ai commencé à jouer à ce moment-là.

On va revenir sur tes débuts au cinéma : comment as-tu décroché ton premier rôle ?

C’était un casting sauvage. J’avais rencontré un agent mais, au Québec, on voit souvent les mêmes têtes et tu es obligé de passer par un conservatoire. Du coup, c’était mon rêve.

À l’époque, je faisais du skate et pour l’audition de Tout est parfait, ils cherchaient quelqu’un avec un profil comme le mien. C’était l’histoire d’un suicide collectif. Pendant le casting, je devais me mettre en scène devant une webcam et envoyer un dernier message à mes parents [rires]. J’avais pompé l’histoire d’un auteur, si je me souviens bien, qui s’était pendu. Enfin, j’avais bricolé un truc…

Tu savais que ça avait marché sur le coup ?

Non, du tout. J’ai passé quatre ou cinq essais. Il y avait du monde. Je ne m’y attendais pas, mais j’espérais très, très fort.

“Quand Xavier Dolan est venu me voir, il m’a présenté sa carte de visite : ‘Dandy Films’. Vraiment mignon”

Et ensuite, tu as rencontré Xavier Dolan ?

Voilà, en fait il est venu à l’avant-première du film. Je m’en souviens très bien, il m’a dit qu’il allait tourner un long-métrage qu’il finançait lui-même, en mode :

“Ça va être dément, tu vas voir. J’pense qu’on va aller à Cannes.”

Il avait une espèce de prétention hyper touchante et naïve propre à la jeunesse. Je me rappelle qu’il avait une carte de visite : “Dandy Films”. Vraiment mignon. Il m’a ensuite dit qu’il avait déjà donné le rôle à quelqu’un. Tant mieux pour lui, écoute ! [Rires.]

Je trouvais ça un peu étrange. Je ne comprenais pas sa démarche : venir me dire que je devais jouer dans son film, mais qu’en fait, ça ne se fera pas parce qu’il avait déjà quelqu’un. Il a quand même insisté pour que je lise son scénario. Je l’ai trouvé hyper bien, j’étais très impressionné par son écriture, pour quelqu’un qui n’avait que 18 ans. Après on s’est recroisés et il m’a dit que finalement, il avait viré l’autre acteur et qu’il me prenait.

Tu ne crois pas que c’était un coup de bluff, franchement, en essayant de créer de la frustration ?

Peut-être, tu peux avoir raison, il peut être un peu vicieux, comme ça… [Rires.]

La légende raconte que vous avez fait un petit périple ensuite.

Ouais, après J’ai tué ma mère on a fait un road-trip avec Monia Chokri et Xavier : pour Laurence Anyways, qu’il préparait, il y avait une scène à tourner aux États-Unis, donc on est partis faire du repérage. Comme avec Monia, on avait tous les deux notre permis de conduire et qu’on ne bossait pas, on est devenu ses chauffeurs.

Quand on est rentrés, son producteur a appelé pour nous dire qu’il n’avait pas réussi à boucler le financement de Laurence Anyways… Mais Xavier voulait absolument tourner quelque chose, rapidement après J’ai tué ma mère. Je pense qu’il avait peur d’être paralysé après le succès de son film. Il fallait vraiment qu’il refasse quelque chose, tout de suite.

Tandis qu’il m’avait envoyé faire la promo de J’ai tué ma mère en Belgique, parce qu’il a très peur de prendre l’avion, il en a profité pour écrire Les Amours imaginaires, en seulement 10 jours. Quand il a achevé le scénario, il m’a appelé pour me dire de rentrer, afin qu’on tourne. J’étais à côté du producteur, un peu confus par cette nouvelle, qui s’est écrié :

“Mais il raconte n’importe quoi, je n’ai pas d’argent.”

Je crois qu’on a ensuite tourné tous les extérieurs en faisant croire au fournisseur de caméras qu’on avait de l’argent, alors qu’on n’avait pas une thune pour le payer. Et puis, je ne sais pas comment, il a ensuite trouvé de l’argent et on a fini le film.

Trop cool.

Quand tu penses à la jeunesse qu’il y avait dans ce film, et à l’ampleur qu’il a maintenant, c’est dingue.

Xavier Dolan t’a permis d’accéder à une certaine exposition médiatique, c’est là que tu as commencé à tourner en France ?

J’ai déménagé presque un an et demi après Les Amours imaginaires. Si j’ai vécu plus longtemps au Québec, finalement j’ai tourné dans plus de films français. En France, j’avais très envie de faire du théâtre : j’ai d’ailleurs joué Roméo et Juliette.

Grâce à ton père, j’imagine ? Il t’emmenait au théâtre ?

Oui, forcément, ça a joué. Enfant, j’allais souvent voir mon père jouer, mais je n’ai pas eu le déclic tout de suite. Quand tu as cinq ou six ans, c’est hyper impressionnant de voir son père sur scène, en costume. Voir les coulisses du théâtre… Quand j’ai déménagé à Montréal, je n’y suis pas retourné pendant longtemps, et puis j’ai commencé à en faire en tant qu’amateur. C’est ce qui m’a donné envie de m’y intéresser.

Selon toi, quel film t’a révélé ?

Diamant noir, d’Arthur Harari.

Avec un César à la clé.

Le César a joué, mais je pense que déjà à la sortie du film, on a pu m’envisager dans un registre un peu plus large, avec des personnages un peu plus forts. Mon personnage est tout l’opposé de ce que j’ai pu incarner dans Les Amours imaginaires. Ça m’a fait beaucoup de bien. J’étais très concentré sur ce film. C’était un tournage très heureux.

J’ai un niveau de stress tellement élevé que je n’arrive pas à me regarder dans mes films”

Entre le César et ta participation au jury de la Semaine de la critique, à Cannes, ça a été une bonne année pour toi…

J’ai été hyper gâté cette année, c’est sûr. Je t’avoue que j’ai eu des difficultés à réfléchir, en me disant, comme ça, que j’avais franchi un cap. Je ne me sentais pas forcément plus légitime. Quand tu es à Cannes pour simplement voir des films dans un jury, ce n’est pas pareil que quand tu représentes un film au festival, en compétition ou pas.

Je suis quelqu’un d’extrêmement anxieux, j’ai un niveau de stress tellement élevé que je n’arrive pas à me regarder dans mes films. Là, je n’avais pas de pression. Ta seule mission c’est de regarder des films de manière concentrée, même si on fait la fête le soir. Et puis à un moment, toi, ça te demande deux heures et demie de concentration, mais le mec, lui, a passé cinq ans de sa vie à faire le film. C’est quand même la moindre des choses. Les conversations qu’on a pu avoir avec les autres membres du jury, c’était très enrichissant.

Quand tu as démarré en tant que comédien, quels acteurs ou actrices t’inspiraient ?

Je pense que c’est un peu périlleux, dangereux, de vouloir copier un acteur… Ça me fait toujours marrer les acteurs qui essayent d’imiter Sean Penn et Robert De Niro, je trouve ça assez ridicule. Je pars du principe qu’on a tout à l’intérieur de soi. Après, il y a de nombreux acteurs que j’adore, Philip Seymour Hoffman, la première partie de la carrière de Robert De Niro [rires]. Et aujourd’hui, des gens comme Adam Driver…

Bonnes références ! Tu bosses comment, toi, tu as un coach ?

Aux États-Unis, je crois que c’est assez systématique mais, moi, je bosse tout seul. J’avais des répétitions pour un film de Thomas Vinterberg avec Léa Seydoux, Colin Firth et Matthias Schoenaerts, sur un bateau russe qui s’est échoué, et puis ça n’a pas marché pour une question de timing… Ça m’a vraiment fait chier. C’est un mec adorable, en plus.

Comme c’était en anglais, j’avais un coach. En fait, j’en prends quand il y a des disciplines spécifiques à apprendre pour le film. Sur Polina et Un amour impossible [qui sortira prochainement, ndlr], où il y a des séquences de danse, j’en ai eu un. Tu vois, par exemple, si tu dois monter à cheval et que tu ne sais pas, tu ne vas pas apprendre tout seul dans ta chambre, quoi.

Comment ça, tu ne sais pas monter à cheval ? [Rires.]

Non, mais moi, je sais monter à cheval. J’adore ! [Rires.]

C’était juste pour le dire en fait… [Rires.]

Ouais. Moi, j’ai pas besoin de coach, tu vois ! [Rires.]

 

Enfant, tu t’extasiais devant quels films ?

Mon père était inscrit dans un vidéoclub, c’était génial. On avait toutes les cassettes en illimité. Juste après l’école, on y allait directement et on repartait avec quinze cassettes. Je regardais énormément de films, gamin.

Hook, c’est le premier film qui m’a marqué. J’adorais ce film. Et Rufio, je le trouvais tellement cool quand il descendait de liane en liane avec son espèce de skate. J’étais à fond dans Jumanji aussi.

T’as vu, y en a un nouveau qui va sortir avec The Rock. Ça a l’air assez mauvais…

Ah nooooon. Quelle horreur ! Merde. Quelle horreur !

En ce qui te concerne, pour terminer, quels sont tes prochains projets ?

J’ai tourné un film de genre pour Netflix, La Femme la plus assassinée du monde. Un thriller-polar d’horreur. Ça sortira en février. Cet été, j’ai tourné Un Amour impossible, de Catherine Corsini, avec Virginie Efira. Je serai également dans un premier film de Lou Jeunet, sur Pierre Louÿs, un écrivain et photographe français. Une histoire de passion amoureuse très, très érotique [rires].

Simultanément, je vais tourner une mini-série de Thomas Cailley pour Arte, un polar – encore – de science-fiction. Ça se passe dans une société où la régénération est possible. Du coup on a reporté la majorité à 30 ans mais, avant cet âge, on doit préparer sa régénération. Avant, tu es libre mais l’éternité est devenue la valeur principale : tu ne peux pas fumer, pas boire… C’est hyper angoissant. C’est juste l’enfer. Moi, je suis un mec qui a organisé un suicide collectif, et qui a raté son suicide. Il est bouffé par le remords d’avoir tué tous ces jeunes. Du coup, il se régénère pour se condamner à vivre…

Ça a l’air torturé…

Ouais, complètement. C’est un mec qui monte la pierre en haut de sa colline, qui redescend et qui la remonte toute sa vie.

Une série qu’on a faite en pensant bien fort à Polo <3

Crédits :

  • Autrice du projet et journaliste : Lucille Bion
  • Direction artistique : Arthur King, Benjamin Marius Petit, Terence Mili
  • Photos : Benjamin Marius Petit et Jordan Beline (aka Jordif, le roi du gif)
  • La team vidéo : Adrian Platon, Simon Meheust, Maxime Touitou, Mike “le Châtaigner” Germain, Félix Lenoir, Mathias Holst, Paul Cattelat
  • Son : Manuel Lormel et Axel Renault
  • Remerciements : aux brillants actrices et acteurs qui ont participé, à Rachid et la team Konbini, aux SR, à Benjamin Dubos, Raphaël Choyé et Anis Aaram, les agents et attachés de presse : Matthieu Derrien, Karolyne Leibovici, Marine Dupont, Pierre Humbertclaude, Nina Veyrier.