Love Addict, la comédie que les amateurs d’humour devraient fuir

Love Addict, la comédie que les amateurs d’humour devraient fuir

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

En salles depuis mercredi, Love Addict met en scène Kev Adams sous les traits d’un tombeur qui n’arrive pas à résister au pouvoir d’attraction des femmes. Le résultat est purement désastreux.

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Comme c’est souvent le cas pour une avalanche de productions LOL made in France, je n’ai pas eu l’occasion de découvrir Love Addict lors des traditionnelles projections de presse, lesquelles sont consacrées aux journalistes et organisées en amont de la sortie des films.

Nullement froissé par cet écart aux règles, je suis donc allé en salle, ce mercredi, à l’abordage de la première réalisation de Frank Bellocq. J’étais entouré d’une poignée de spectateurs dont les muscles zygomatiques n’ont pas (ou si peu) été sollicités, tristement condamnés à une errance végétative aux confins de ce qui se fait de plus médiocre (ou presque) dans les territoires déjà ravagés de la comédie hexagonale.

Et qu’on ne vienne pas me taxer d’être aigri ou d’être un râleur qui, sciemment, choisirait de passer à côté des vannes les plus “ciselées” qui soient. J’ai été 100 % attentif, comme je le suis à chaque immersion au cinéma. Toujours prompt à être surpris et à rire de bon cœur, même quand l’humour s’enrobe de gras. Mais qu’on se le dise et qu’on le répète : pour que l’hilarité se fasse, tout est question de rythme, d’intelligence d’écriture et de précision de mise en scène. Une combinaison qui fait hélas défaut, dès la première séquence, à cet ouvrage calibré à la gloire de son acteur principal, Kev Adams ; l’éternel ado dont il ne faut surtout pas écorner la coolitude, même quand il est censé se glisser, comme suit, sous les traits du connard sans cœur de ces dames.

Love Addict s’ouvre d’ailleurs sur les habitudes immuables de ce héros prénommé Gabriel. L’intéressé, torse glabre et taillé par des séances assidues de fitness, quitte une chambre d’hôtel cossue dans laquelle il vient d’assouvir ses élans priapiques. La femme est nue. Il la délaisse, en oubliant déjà son nom. Il y en a eu tant avant elle. Interchangeables, consommables, jetables. En fond sonore, on entend : “Si tu m’aimes, prends garde à toi.

On a compris : le mec est chaud bouillant et ne réfléchit qu’avec ce qu’il y a dans son caleçon. Tellement bouillant qu’il se fait virer quelques minutes plus tard par son boss pour avoir couché avec ses filles, sa femme et son assistante. Il tente de le baratiner, comme d’hab, parce que c’est son dada. Mais il finit, sans aucune autre forme de procès, par quitter son open-space au ralenti, recevant en fin de course un soutien-gorge sur le visage, en guise d’offrande.

Marc Lavoine, cerise sur le gâteau de l’embarras

Absolument tout dans l’exposition du personnage – et des situations qu’il provoque – exhale une effroyable paresse, tant dans l’écriture que dans la mise en scène ou la construction, de guingois. Kev Adams récite son texte plus qu’il ne l’incarne. À sa décharge, ses dialogues sont tellement mauvais qu’il serait malhonnête de lui faire entièrement porter le chapeau de ce naufrage. Soyons clairs : on ne peut pas faire croire au spectateur qu’on campe une enflure pour qui la femme est une tranche de steak quand on refuse, a priori, de mettre au placard l’image que l’on s’est forgée.

Kev Adams n’est pas Gabriel. Il ne l’investit jamais. Pas une seule seconde. Car, sûrement, il est dans l’incapacité totale d’écorner son aura. La sympathie qu’il inspire à son public, respectable et méritée s’il en est, masque de fait foncièrement la méchanceté qui aurait dû être l’ADN de son rôle. Bref. Passons. Gabriel essaye en tout cas, par la suite, de se prendre en main : une séance d’hypnose par-ci, un rendez-vous chez une guérisseuse par-là (option “Plongez votre pénis dans du miel d’acacia“)…

Pour guérir de son addiction, il va finir par louer les services d’une transfuge de la psychologie (Mélanie Bernier), reconvertie en minder. Et pas kinder, comme le pense Gabriel. Haha, facepalm et plus si affinités. Cette dernière, elle-même dans l’impasse amoureuse, va le pister H24 afin de veiller à ce qu’il ne drague plus et à ce qu’il puisse redevenir “normal”. Même un élève de CP dissipé devinerait la conclusion de ce récit du premier coup.

Mais bon, il n’est surtout pas question de vous gâcher le plaisir d’une chute (sans surprise). Au rayon du second rôle atomisant de nullité, on demande par ailleurs l’oncle de service, alias Marc Lavoine, en surrégime de cabotinage. Endimanché comme jamais, le monsieur attend depuis deux ans, dans un appartement fastueux avec vue panoramique sur Paris et plateau d’huîtres, le retour de l’amour de sa vie. C’est lui le confident et le complice du héros…

Leurs face-à-face familiaux donnent à ce propos naissance à des répliques qui ne s’inventent pas : “Picard, quand c’est froid, c’est pas bon”, “Quand il y a un fessier, ça fait chier”… Bah quand il n’y a pas d’originalité et de tempo, ça fait chier aussi. Le truc avec le résultat à l’écran, comme souvent ailleurs, c’est que ça confirme qu’une bonne idée, sans engagement approfondi, n’enfante ni un bon film ni une bonne scène.

À titre de comparaison, L’Arnacœur naissait d’un pitch très sympa qui, par l’efficacité d’une écriture plutôt soignée, donnait une véritable impulsion à une comédie de très bonne tenue. Love Addict en est loin. Parce que sa construction est problématique, son allure apathique et ses comédiens en totale roue libre ; avec Marc Lavoine en tête qui, je l’espère, saura nous faire oublier vite cette casquette humiliante de tonton lourdaud.