Le grand Michael Lonsdale est mort

Le grand Michael Lonsdale est mort

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Par Louis Lepron

Publié le

Un acteur français aux 1 000 visages, qui avait joué dans un James Bond.

L’acteur Michael Lonsdale, 89 ans, est décédé lundi après-midi après soixante ans d’une riche carrière au cinéma comme au théâtre, a annoncé son agent à l’AFP. L’acteur à la chevelure et à la barbe blanches est mort à son domicile à Paris, a précisé son agent Olivier Loiseau. En soixante ans de carrière, il a incarné plus de 200 rôles au cinéma, jonglant entre les films expérimentaux et populaires.

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Cet acteur à la foi chrétienne chevillée au corps a obtenu en 2011 un César du Meilleur acteur dans un second rôle pour son interprétation de Frère Luc, moine libre et héroïque assassiné à Tibhirine, dans Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois (Grand Prix à Cannes en 2010). Il apparaissait encore en 2015 dans un film de Bouli Lanners, Les Premiers, les Derniers, puis l’an dernier dans le court-métrage pour l’Opéra de Paris, Degas et moi, d’Arnaud des Pallières.

Sa longue carrière l’a vu aussi bien jouer sous la direction de François Truffaut, dans Baisers volés en 1968, qu’incarner le méchant dans Moonraker, un James Bond de 1979, ou encore jouer au père de famille dans Munich. Né à Paris le 24 mai 1931 d’une liaison entre un officier anglais et une Française, Michael Lonsdale, parfaitement bilingue, a été élevé à Londres puis au Maroc.

Revenu à Paris en 1947, sans certificat d’études ni baccalauréat, il fera des rencontres déterminantes qui lui permettront de monter sur les planches, travaillant notamment avec l’actrice Delphine Seyrig ou encore le metteur en scène Samuel Beckett.

Retour sur six films qui ont marqué sa carrière et l’histoire du cinéma.

Baisers volés (1968)

C’est avec François Truffaut et ce film en forme de roman d’apprentissage que le timide comédien sort de sa chrysalide. La veille du tournage, le réalisateur lui donne deux pages du scénario. L’acteur, qui se définit comme un “instinctif”, vit cela comme une “délivrance”. Sa règle est de ne “jamais jouer les mots” mais de “jouer la situation”.

Il incarne un marchand de chaussures prospère qui engage un détective privé pour savoir pourquoi personne ne l’aime. Improvisées à la veille de mai 1968, les séquences sont tournées comme des sketchs. Tout en retenue, il est odieux en mari que sa femme, Delphine Seyrig, trompe avec le jeune détective, Jean-Pierre Léaud.

Out 1 : Noli me tangere (1971-1974)

À l’origine, ce film de Jacques Rivette durait 12 h 40. De quoi refroidir plus d’un diffuseur. Ramené à 4 h 20 (tout de même), cet ovni de la Nouvelle Vague, diffusé à la télévision 20 ans après sa réalisation sous la forme de feuilletons, était considéré par Éric Rohmer comme “un monument capital de l’histoire du cinéma moderne”.

Le scénario (qui tient sur une page) emprunte à L’Histoire des treize de Balzac, mais repose surtout sur l’improvisation dont raffole Michael Lonsdale. Il se régale en incarnant un metteur en scène avant-gardiste et inquiétant.

Une sale histoire (1977)

Autre ovni cinématographique, Une sale histoire de Jean Eustache : Michael Lonsdale raconte, face caméra et lors d’un monologue de 20 minutes, une histoire de toilettes publiques et de voyeurisme. Son personnage, plus vrai que nature, détaille avec un faux détachement son basculement dans la perversité. Drôle et sulfureux, le comédien aborde l’air de rien une kyrielle de sujets tabous.

Moonraker (1979)

En parallèle de ses expériences cinématographiques, l’acteur qui aime les grands écarts s’inscrit au générique du James Bond Moonraker. “J’aime bien être là où on ne m’attend pas, lance-t-il alors. Cinq cents millions de spectateurs, c’est pas mal !”

Il y incarne le très cruel et très riche Hugo Drax, génial inventeur de la navette spatiale Moonraker. Cultivé, raffiné tout autant que brutal et intransigeant, Michael Lonsdale y déploie sa palette d’interprétation, la douceur de sa voix ne rendant que plus inquiétante la mégalomanie de son personnage.

India Song (1975)

Son cri, celui d’un homme dont on refuse l’amour, a rendu célèbre Michael Lonsdale dans ce texte de théâtre transformé par Marguerite Duras en création radiophonique puis en long-métrage. Lui en ancien vice-consul de France à Lahore amoureux fou, elle (Delphine Seyrig) en Anne-Marie Stretter, femme de l’ambassadeur, attirant tous les désirs masculins.

Nous sommes dans les années 1930, pendant la mousson d’été, la nuit est étouffante, la bande-son de Carlos d’Alessio lancinante. “Ce qu’on faisait avec Marguerite [Duras], ce n’était plus vraiment du cinéma, c’était une telle ambiance d’amitié, une confiance totale”, expliquait l’acteur, qui avait rencontré l’écrivaine en 1968 en montant L’Amante anglaise au théâtre.

Des hommes et des dieux (2010)

Après deux nominations (en 1996 pour Nelly et Mr. Arnaud et en 2008 pour La Question humaine), Michael Lonsdale reçoit, à 79 ans, le premier César de sa carrière (du Meilleur second rôle) pour son interprétation de Frère Luc, l’un des huit moines français du monastère de Tibhirine en Algérie, assassinés en 1996. Devant la caméra de Xavier Beauvois, il parvient à incarner la profonde humanité de ce cistercien, médecin respectueux de l’islam.

Konbini avec AFP