Du voguing à l’activisme queer, le docu Kiki nous fait découvrir la ball culture new-yorkaise

Du voguing à l’activisme queer, le docu Kiki nous fait découvrir la ball culture new-yorkaise

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Par Manon Baeza

Publié le

Ce documentaire magnifique nous fait mieux connaître ce mouvement de la culture queer.

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Presque trente ans après le mythique Paris Is Burning, le documentaire qui nous faisait découvrir la vie des drag-queens de New York durant les années 1980, Kiki explore la ball culture du New York d’aujourd’hui. La ball culture est un mouvement communautaire, social et culturel queer né de manière underground dans les années 1930. Ce mouvement qui offrait une famille de substitution à des personnes discriminées, majoritairement LGBTQ, s’est développé progressivement jusqu’à proposer de véritables structures communautaires dans les années 1960, notamment avec les Harlem Drag Balls.
Sur le plan artistique, le mouvement a donné naissance à la ballroom scene avec des soirées et concours organisés par et pour la communauté queer, qui était à l’époque exclue des clubs, des défilés et, bien sûr, des pages de magazine. Rappelons que le mot “queer” signifie “différent” ; il désigne un courant de pensée qui propose des modes identitaires alternatives s’affranchissant des normes de genre et de sexualité. Une culture qui était mise à l’honneur depuis deux ans à Paris lors du festival culturel et musical Loud and Proud et que l’on retrouve de plus en plus dans la sphère mode. En effet, il n’est pas rare de découvrir sur les podiums, et même chez certaines personnalités, un style qui se veut de plus en plus hybride mêlant références androgynes et ultrasexualisées.

Le renouveau du voguing

Pendant les années 1970 à Harlem, apparaît le voguing, une danse inventée par les drag-queens et les transsexuels noirs et latinos popularisée par Madonna et sa chanson “Vogue”. L’idée était d’imiter les poses des mannequins sur les couvertures de magazines. Depuis quelques années déjà, le voguing renaît de ses cendres, notamment en France avec l’emblématique Lasseindra Ninja et les nombreuses compétitions et soirées organisées que l’on a pu découvrir dans le documentaire Paris is Voguing réalisé en 2016. Kiki a été réalisé par Sara Jordenö, qui a mis près de cinq ans à faire aboutir ce projet, ainsi qu’elle l’explique à Dazed. Réalisatrice, actrice et chercheuse, la Suédoise ajoute que ce tournage a été une vraie expérience humaine pour elle comme pour les personnes qu’elle a filmées et que de réelles relations amicales se sont créées. En effet, Kiki est un documentaire différent, intimiste et raconté par la communauté elle-même.
La bande-annonce présente un film dynamique qui met en avant le pouvoir transformateur de l’affirmation de soi en documentant le quotidien de la “scène Kiki”, une communauté artistique et activiste. La réalisatrice suit la préparation d’une ball room, une manifestation regroupant cette communauté autour de représentations artistiques au sein du Cris Street Pier Village, sur les quais de Manhattan.

Une nouvelle génération new-yorkaise LGBTQ souhaite se faire entendre

Le documentaire s’intéresse autant à la discussion sociale, avec notamment un débat autour des structures familiales alternatives, qu’à la créativité et l’énergie dégagée par la ball culture. Sara Jordenö et sa coscénariste Twiggy Pucci Garcon présentent la ball culture queer comme une porte d’entrée vers une conversation sur l’activisme communautaire et des mouvements comme Black & Trans Lives Matter. Si Kiki présente un monde flamboyant créé par une communauté engagée, son auteure a aussi conscience des difficultés des jeunes appartenant à la communauté LGBT, dont certains se retrouvent SDF, forcés à travailler dans l’industrie du sexe ou quotidiennement harcelés par la police. Tourné un an avant l’élection de Donald Trump, Kiki donne une visibilité à cette communauté souvent marginalisée, qui aurait besoin de trouver un poids politique.
Le titre du film nous fait bien sûr penser à la vie tumultueuse de Kiki de Montparnasse, qui fut un véritable emblème de la vie artistique dans les Années folles. Que ce soit un hommage ou une coïncidence, on vous invite vivement à découvrir l’histoire de la “scène Kiki”.
Le documentaire Kiki a été présenté lors de nombreux festivals internationaux, dont Sundance et Berlin. Il est disponible sur plusieurs plateformes de vidéos à la demande. Pour plus d’infos, rendez-vous ici.