“En étant acteur je peux être qui je veux”, Khaled Alouach l’enfant terrible dans De toutes mes forces

“En étant acteur je peux être qui je veux”, Khaled Alouach l’enfant terrible dans De toutes mes forces

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( © Ad Vitam )

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Par Lucille Bion

Publié le

Portrait de Khaled Alouach, la tête d’affiche du film De toutes mes forces, le film poignant de Chad Chenouga, sur le deuil et la culpabilité, qui explore une jeunesse orpheline et difficile. En salles depuis le 3 mai, le film connaît un beau succès. 

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Dans De toutes mes forces de Chad Chenouga, il y a d’abord Yolande Moreau, qu’on a rarement vue aussi parfaite, puis Jisca Kalvanda, la dealeuse au crâne rasé de Divines, toujours aussi poignante. Et pour parfaire ce casting brillant, le réalisateur qui sait assurément s’entourer avec intelligence et révéler le talent de ses comédiens, a déniché un petit nouveau : Khaled Alouach. Avec ce premier rôle au cinéma, il fait de l’œil à la nouvelle génération des jeunes acteurs prometteurs. Ceux que l’on est sûr de revoir très prochainement. Ceux que l’on verra sans doute grandir et évoluer.

Du haut de ses 19 ans, l’ado qui aime se dire arrogant, réalise son rêve de gosse : faire du cinéma. Parisien d’origine algérienne, Khaled a grandi dans une famille, moins familière du septième art que du petit écran. Dans sa jeunesse, il dévorait des séries ou des films américains, zappait sur Buffy contre les vampires ou regardait les œuvres de Quentin Tarantino, quelques Batman, surtout des blockbusters.

Au lycée, il a ensuite pris, un peu par défaut, l’option théâtre pour rattraper ses points de retard au bac. L’obtention de ce diplôme, c’est actuellement sa nouvelle mission impossible. Lui qui se reposait sur ses lauriers et décrochait des notes suffisamment bonnes pour entrer au lycée Victor Duruy (dans le 7e arrondissement de Paris) en filière ES vient de se faire virer… pour manque de travail, nous confie-t-il, avec un petit sourire. 

Cette option théâtre, pour rectifier le tir de résultats trop mauvais, fut le déclic. Sa prof connaissait Chad Chenouga et, pour encourager son élève, organisa un premier contact avec les directeurs de casting. Comme une évidence pour le rôle de Nassim, Khaled décroche le rôle principal. Il devra se glisser dans la peau d’un jeune lycéen aux airs de dandy, qui découvre, au retour d’un week-end entre potes, sa mère morte, à cause d’une surconsommation de médicaments. Partagé entre colère, culpabilité et désespoir, Nassim est alors placé dans un foyer de jeunes et se renferme sur lui-même, loin des autres pensionnaires qui ne lui ressemblent pas. Lui aime lire et mettre des écharpes distinguées. Eux préfèrent se bagarrer et se sentir à l’aise dans des joggings. 

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Le synopsis pourrait ressembler à celui de La Tête haute d’Emmanuelle Bercot mais le film n’a pourtant rien à voir. L’histoire est celle du réalisateur reprenant là où 17, rue Bleue, son film précédent, autobiographique aussi, s’était arrêté. Cette fiction, c’est le récit de sa jeunesse, qu’il a réussi à sublimer, avec un regard d’adulte apaisé. C’est triste, courageux, poignant et magnifique à la fois, et il n’y avait pas 1 000 visages pour incarner cet écorché vif, désormais orphelin. Chad Chenouga a misé sur le bon en choisissant son nouveau poulain, complètement à l’aise dans le rôle : 

“Je me reconnaissais d’une certaine manière dans le personnage. Dans quelle mesure ? Le regard sur soi : on se juge, on a très peur du regard des autres. Moi, j’essaye de ne pas trop montrer mes émotions aux gens, c’est sûrement pour ça que je suis arrogant, pour me protéger.”

 Échapper au reste du monde

Se protéger de quoi ? Des compliments farfelus qu’il reçoit parfois : “On m’a déjà dit que je ressemblais au David de Michel Ange”, explique-t-il en rigolant, mais sûrement lassé de cette fâcheuse habitude du public qui compare tout le monde avec n’importe qui. Des questions intrusives, aussi : “On me demande combien j’ai gagné, combien ça gagne un acteur.” Malaise. “Souvent aussi, on me demande si j’ai mon bac, c’est chiant.

Finalement, derrière l’arrogance, dont il aime par provocation s’habiller, se cache une certaine réserve. Derrière l’image fêtarde que Khaled revendique, se cache un jeune homme pudique, qui s’en sort avec l’humour. Au-delà des banalités qu’il déclame pour se présenter, il semble réceptif et lumineux lorsqu’il s’applique à raconter minutieusement les fous rires qu’il a eus sur le plateau, les blagues de l’équipe du film, sa fascination pour Ryan Reynolds, Jesse Eisenberg, Guillaume Canet ou Neil Patrick Harris, sa lubie aussi, enfant, à vouloir devenir un lion juste après avoir vu son premier dessin animé Le Roi lion. 

Khaled, grande asperge chaussée de Nike, cherche constamment à grandir, nourrir son imaginaire, en regardant les autres jouer. Agacé que la société moderne mette la pression aux jeunes, pas encore assez matures, selon lui, pour se décider à choisir un métier, il conclut, avec les yeux qui brillent :

“Je trouve qu’on est aussi dans une société où l’on te demande d’être de plus en plus jeune : on te demande ce que tu veux faire trop jeune, alors qu’on n’est pas assez mature, on n’a pas forcément touché à tout pour vraiment savoir sur quoi se lancer sur le reste de sa vie. Et en étant acteur, je peux être qui je veux. Je peux tomber amoureux 4 000 fois, je peux être militaire, médecin, alors que je n’aurais pas tellement l’occasion de le devenir.”