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On est allés voir Whiplash avec un batteur de jazz

On est allés voir Whiplash avec un batteur de jazz

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Par Thomas Andrei

Publié le

Quand quelqu’un, ton mentor, te dit que tu n’es qu’une merde, bien sûr que tu veux lui sauter à la gorge.

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K | Et la référence à Charlie Parker ? 
Ah ! Cette anecdote n’existe pas. Je ne me souviens pas des détails exacts de l’histoire, mais ce film est basé sur une fausse anecdote. Jo Jones n’a jamais envoyé de cymbale au visage de Charlie Parker. Je crois qu’il en a lancé un à ses pieds pour l’effrayer un peu, pour avoir le dernier mot, mais c’est tout.
K| Ah.

K| Tu as déjà saigné en jouant ?
(rires) Ça arrive. Tes mains peuvent saigner lorsque tu manques un temps, ton doigt tape contre le snare. Ça coupe, tu saignes, ça arrive. Mais dans le film, les mecs ne devraient pas se retrouver aux urgences ! C’est bien pour le film, mais en vrai ça n’existe pas. Je veux dire, regarde mes mains [il montre ses mains], j’ai beaucoup joué, j’ai des cals. Mes mains sont un peu rongées. Une baguette ne va pas me faire mal. Alors que le personnage principal saigne de là [il montre l’endroit entre le pouce et l’index].
K| Au cours de tes études, est-ce que tu as déjà eu un prof qui, sans être un psychopathe comme J.K Simmons, était quand même dur et méchant ?
Le truc c’est que la batterie est un univers assez détendu. Tous les profs étaient plutôt cool. Mais j’ai aussi étudié le piano, et j’ai eu ce prof qui était violent. Je finissais régulièrement les cours en larmes. J’étais jeune, mais quand même. C’était de la violence psychologique, tout simplement. Tu passes beaucoup de temps à quelque chose qui te passionne vraiment. C’est ton obsession. Alors quand quelqu’un, ton mentor, te dit que tu n’es qu’une merde, bien sûr que tu as envie de lui sauter à la gorge.
Mais c’est assez drôle parce qu’après que j’ai arrêté les cours avec lui, il m’a vu jouer de la batterie à un concert. Ce qui était mon instrument principal, bien sûr. Il me disait tout le temps que je devrais arrêter la musique, que je n’avais rien à y apporter. Quand il m’a vu jouer il m’a dit : « D’accord, tu peux continuer ». Donc j’ai eu des profs difficiles, mais pas comme celui du film. Ça n’existe pas.

Tu travailles une partition pendant quatre heures tous les jours. Tu la joues, tu l’écoutes. Même quand tu enlèves tes écouteurs, tu l’entends encore.

C’est très facile de considérer les profs comme des mentors, des dieux, des gens qui savent tout. Le prof a toujours raison.

K | Même quand tu ne joues pas, tu as l’impression d’entendre des percussions en permanence. Comme un tintement. Est-ce que la batterie te reste en tête quand tu es à l’école à jouer tout le temps ?
Oui, totalement. Surtout dans cette atmosphère d’école. C’est intense. Tu travailles une partition pendant des heures tous les jours. Tu la joues, tu l’écoutes. Même quand tu enlèves tes écouteurs, tu l’entends encore. Mais c’est la même chose que lorsque tu as une chanson dans la tête.
K | Qu’est-ce qu’ils écrivent tout le temps sur les partitions ?
Ce sont des annotations, les temps, le rythme, 1,2,3,4. Pour savoir où tu en es. Les partitions du Big Band comme celles-ci, tu travailles dessus tout le temps. Tu notes tout, tout ce à quoi tu as besoin de faire attention. Il faut que tout soit bien organisé, carré. Ça devient naturel.
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K | Quand le prof dit qu’ils ne sont pas dans le bon tempo. Ils n’y sont vraiment pas ? Tu peux l’entendre facilement ?
En quelque sorte. Honnêtement, si un gars me dit que je ne suis pas dans le tempo sans me donner d’indications, sans compter, 1,2,3,4, etc, c’est que le gars n’a pas de tempo lui-même. Il fait plus ça pour asseoir son pouvoir. Si ton mentor te dit que tu fais mal quelque chose, tu le crois.
Quand tu arrives super jeune, à genre 19 ans, dans une école de musique, la tête pleine de rêves, tu vois les profs comme un moyen direct de réussir. C’est très facile de les considérer comme des mentors, des dieux, des gens qui savent tout. Le prof a toujours raison.
K | Est-ce que tu as vu de meilleurs films qui parlent de batteurs ?
Ben, il n’y en a pas beaucoup. Ce sont surtout des documentaires. Je veux dire, Whiplash est très divertissant, mais en tant que batteur tu ne devrais pas aller le voir en croyant que tu vas apprendre quelque chose. Quand tu vois un batteur, surtout le plus âgé dans le film, balancer ses bras dans tous les sens en faisant semblant de jouer, ça fait mal au cœur.
Il y a aussi une polémique autour du fait que le film montre la musique sans aucune passion. Pas d’amour, pas de passion. Toute la relation du héros à la musique est fondée sur la peur. La peur n’a jamais aidé personne à faire de la musique.
K | Mais au moins, si tu entrais dans une pièce et que tu voyais ce jeune mec jouer de la batterie comme dans la première scène, est-ce que tu te dirais : “Ce gamin a quelque chose” ?
Non, pas vraiment.
Kinkajous ont sorti leur premier EP éponyme en octobre 2014. Ils ont également joué pour des artistes tels que Gilles Peterson sur sa tournée Worldwide Show et pour Lauren Laverne sur BBC6. Leur premier single, « Limb », a été propulsé par un clip surprenant.
Article rédigé par Thomas Andrei pour Konbini UK, et traduit de l’anglais par François Oulac.