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James Franco : artiste ou mégalo ?

James Franco : artiste ou mégalo ?

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Par Constance Bloch

Publié le

Acteur, producteur, réalisateur, scénariste, écrivain, peintre, étudiant et même prof de fac… À 35 ans, le talentueux James Franco est sur tous les fronts et squatte l’actualité. Portrait.

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Ce ne sont pas moins de trois films, dans chacun des trois grands festivals européens, que présente l’omniprésent James Franco cette année en tant que réalisateur. Interior. Leather Bar à Berlin (en section Panorama), As I Lay Dying à Cannes (pour Un Certain Regard), et Child of God à Venise (en Sélection officielle). Cela, sans compter ses nombreuses apparitions en tant qu’acteur. On le verra notamment dans le premier film de Gia Coppola, Palo Alto, qui n’est autre qu’une adaptation d’un recueil de nouvelles écrit par…James Franco. Retour sur le parcours d’un hyper-actif aux multiples facettes.

Des débuts schizophrènes

C’est la métamorphose de James Franco pour le rôle-titre du biopic Il était une fois James Dean pour TNT, réalisé par Mark Rydell en 2001, qui a valu des critiques élogieuses à l’acteur et a véritablement propulsé sa carrière. Pour sa prestation, il reçoit un Golden Globe du meilleur acteur dans un téléfilm et des nominations aux Emmy Awards et au Screen Actors Guild Award. Pas mal pour un début. Mais l’acteur n’est pas seulement abonné à de grands rôles. Il débute dans la série Freaks and Geeks, et on le voit notamment dans le teen movie Dangereuse séduction avant qu’il n’apparaisse dans de grosses productions, comme Spider Man de Sam Raimi, ou encore aux côtés de Robert de Niro dans Père et Flic de Michael Caton-Jones.

Il continue de se diversifier en tournant aussi bien dans les comédies loufoques de Judd Apatow, En cloque, mode d’emploi (2007) et Délire Express (2008), que dans Harvey Milk (2008) de Gus Van Sant aux côtés de Sean Penn. Sa prestation lui permet d’ailleurs de décrocher l’Independent Spirit Award du meilleur acteur dans un second rôle. Rien ne semble alors lui résister. De plus en plus courtisé – et médiatisé, il est choisi par Danny Boyle en 2010 pour interpréter Aron Ralston dans le drame 127 heures, ce qui lui vaut encore une fois de remporter l’Independent Spirit Award du meilleur acteur, d’être nommé à l’Oscar, au Golden Globe et au Screen Actors Guild Award. Banco. La même année, l’égérie de Gucci trouve tout de même le temps de jouer – entre autres – aux côtés de Julia Roberts dans Mange, prie, aime. Aujourd’hui il continue de s’imposer en tant qu’acteur incontournable du paysage cinématographique américain, plus récemment à l’affiche de Green Hornet de Michel Gondry ou de Spring Breakers d’Harmony Korine, dans lequel il campe un rappeur-gangster déjanté. Cette année, il est annoncé entre autres dans le biopic Lovelace aux côtés d’Amanda Seyfried.

Cependant, dès le début de sa carrière, James Franco ne se contente pas de son statut d’acteur. Avide d’expériences et bourré de créativité, il décide dès 2005 de passer derrière la caméra. Il se lance dans la réalisation de petits films indépendants, dont la plupart ne seront pas distribués en France (Fool’s Gol et The Ape, Sal) publie un recueil de nouvelles et expose ses oeuvres à de multiples reprises – sculptures, dessins, peintures, photos… En véritable touche-à-tout, il s’essaie même à la musique en 2011 en sortant un EP avec Kalup Linzy et comme si ce n’était pas suffisant, il monte Daddy son propre groupe avec Tim O’Keefe en mars dernier. Parallèlement, il poursuit l’écriture de scénarios et produit plusieurs films. Dans sa boulimie créative, on le verra début novembre sur la chaine américaine Ovation dans son émission “James Franco presents”, pendant laquelle il exposera sa vision du monde de l’art en général.

Il réussit à combiner incroyablement bien ses multiples facettes, le glamour et les grands rôles hollywoodiens avec ses aspirations artistiques. A priori tout lui sourit, hormis quelques échecs cuisants, comme par exemple sa prestation d’hôte aux Oscars aux côtés d’Anne Hathaway en 2011, qualifiée comme l’une des pires cérémonies de l’Histoire par le Hollywood Reporter. Peut-être le pas de trop, à force de vouloir être partout.

James Franco par James Franco

En effet, James Franco ne semble jamais satisfait, comme s’il était en perpétuelle recherche de renouvellement ou de renaissance.

Lorsqu’il comprend que sa belle gueule et son sourire Colgate agacent par leur omniprésence, il s’empresse de s’autoparodier et expose sa facette LOL sur les réseaux sociaux. On le découvre dans plusieurs parodies (Justin Bieber, Selena Gomez), dans des vidéos avec sa grand-mère sur sa chaîne Funny or Die, ou encore très peu à son avantage sur ses photos Instagram retouchées de façon grossières sur Paint. Ainsi, il accroit considérablement son capital sympathie et montre sa maîtrise de l’art du marketing.

Lorsqu’il cherche à se créer une identité d’artiste intello, il redevient étudiant. D’abord à Columbia, en études de cinéma, puis à la prestigieuse TISCH de NYU en 2008 (à 30 ans !) et comme une dernière médaille à son tableau, il finit par préparer un doctorat à Yale et même par y enseigner. Même si ce n’est pas la première star à retourner sur les bancs de la fac (on se souvient de Natalie Portman diplômée en psychologie à Harvard en 2003), ce qui frappe dans son cas, c’est le cumul frénétique de ses cursus universitaires. James Franco chercherait-il à échapper encore une fois à son statut d’éternel beau gosse ? Tout cela ne finit-il pas par sonner faux ? D’où vient ce besoin de se prouver et de prouver aux autres qu’il peut finalement tout faire ?

Originaire de Palo Alto, en Californie, James Franco a grandi au sein d’une famille d’écrivains et d’universitaires. Ses parents se sont rencontrés à la prestigieuse université de Stanford ; sa grand-mère maternelle Marjorie écrit des romans pour jeunes adultes et sa mère, Betsy, est auteur et actrice. Aîné d’une fratrie de trois garçons, son petit frère Dave Franco est également acteur. Dans son recueil de nouvelles autobiographique Palo Alto, il raconte la jeunesse dorée californienne, tout en précisant lors d’interviews que les histoires sont romancées. En début d’année, il publie A California childhood, un livre compilant ses photos d’enfance, ses poèmes, ses dessins et ses nouvelles. Encore une fois, une tentative pour prouver qu’il est depuis son plus jeune âge un artiste, un vrai ?

En ce qui concerne sa vie privée, on en sait finalement très peu. Si on lui a prêté plusieurs relations avec de jeunes actrices, d’Ashley Benson à Lindsay Lohan, rien n’a jamais été officialisé. De nombreux doutes sur ses orientations sexuelles subsistent, qu’il élude régulièrement, comme il y a encore quelques semaines lors d’une interview accordée au Daily Beast.

James plus Franco

Il n’y a pas doute sur le fait que James Franco est talentueux. Nous sommes allés voir son film As I Lay Dying (Tandis que j’agonise), une adaptation du célèbre roman de Faulkner, qui comme lui, est un objet singulier et intriguant, mais surtout inabouti. En s’emparant de l’histoire du périple d’une famille pauvre du Mississippi partie enterrer la mère dans sa ville natale, James Franco prend des risques. Flirtant avec l’expérimental, le film compte beaucoup de réussites. Le jeu des acteurs est frappant de justesse, notamment celui de Tim Blake Nelson, brillant dans son interprétation du père de famille dur et presque déshumanisé. La puissance visuelle est indéniable et montre une maîtrise du cadre et de la lumière. Pour retranscrire l’ambiance du roman qui ne compte pas moins de quinze narrateurs, James Franco choisit d’utiliser – peut-être à l’excès – le split screen, l’écran divisé en plusieurs parties. Lors de quelques moments de grâce (la scène du torrent), il réussit à atteindre sa quête évidente de poésie. Cependant, le long-métrage souffre de longueurs et de quelques maladresses scénaristiques, notamment lors des quinze dernières minutes qui manquent de subtilité.

Comme les romans de William Faulkner, le visionnage du film est une sorte d’épreuve dont on ne sort pas totalement indemne. Par moments dur, déroutant et parfois onirique, il y règne une opacité et un mystère qui n’a pas pour but d’être percé, et qui mérite très certainement un deuxième visionnage.

BANDE ANNONCE  – AS I LAY DYING

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Avec As I Lay Dying, James Franco assoit sa crédibilité en tant que réalisateur, et marque sa volonté d’entrer dans la cour des grands. Mais peut-être que pour enfin acquérir la reconnaissance du milieu qu’il cherche tant et concrétiser ses aspirations artistiques, davantage de sincérité sera nécessaire. S’il veut créer des œuvres réellement puissantes et abouties, il faudra qu’il se mette à nu et nous montre enfin qui est vraiment James Franco.