Métier de l’ombre : Emma Franco, spécialiste des tatouages au cinéma

Métier de l’ombre : Emma Franco, spécialiste des tatouages au cinéma

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Par Lucille Bion

Publié le

Travailleuse acharnée, Emma Franco est la maquilleuse qui a réalisé les tatouages de Compte tes blessures et de Brice 3. Rencontre avec une pro indispensable sur les plateaux. 

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Emma Franco vient de Chartres. Après avoir fait une formation d’arts plastiques, comme une évidence, elle s’est lancée dans le maquillage en suivant les cours de l’ITM, l’Institut technique du maquillage de Paris. Elle n’a que 26 ans mais s’est déjà fait une belle place dans le cinéma et à la télévision. Assistante maquilleuse sur Des gens qui s’embrassent et Supercondriaque, elle a aussi participé à La Lisière de Simon Saulnier, qui l’embarquera cet été sur le tournage de son premier long-métrage : Capture.

Ce fut une année chargée pour Emma Franco, qui commence à devenir indispensable sur les plateaux. Elle ressort à peine de deux films aux registres très différents : elle a travaillé sur les tatouages de Compte tes blessures et ceux de Brice 3la suite du carton de James Huth avec Jean Dujardin.

Petite artisane du cinéma, elle pratique un métier de l’ombre stressant, compliqué et pour lequel elle doit faire face à beaucoup d’imprévus. Portrait d’une jeune qui s’arrache pour rendre les films meilleurs.

Un travail d’équipe

Lorsqu’un réalisateur veut que l’un de ses personnages ait un tatouage, il fait appel à un concepteur. Pascal Larue, maquilleur spécialisé dans les effets spéciaux, a ainsi conçu les faux tatouages de Compte tes blessures et de Brice 3. Emma Franco et lui ont essayé de trouver des solutions pour arriver à la meilleure esthétique :

“Mon travail intervient après la réflexion. Je dois rendre le tatouage joli et cohérent sur la peau. C’est-à-dire qu’il faut le concevoir par rapport au corps de la personne, à la taille de son bras, de ses muscles. Je n’ai pas juste à mettre un coup de crayon : il faut toujours faire attention à ce que l’emplacement soit le même, pour qu’il n’y ait pas de défaut à l’image, en fonction de la lumière”, explique la maquilleuse.

Si la jeune artiste est capable de passer du très grave au très léger, du drame à la comédie bêtasse, Emma est surtout une grosse bosseuse. Sur le tournage de Compte tes blessures, elle passait entre une heure et une heure et demie à poser les tatouages de Kévin Azaïs, chaque matin :

“Kévin a été un atout immense. C’est le plus merveilleux des comédiens que j’ai pu avoir, on a vraiment formé une équipe. On était les premiers à se lever aux aurores. Il m’a beaucoup soutenue et beaucoup aidée. Il y a des matins où j’étais très fatiguée et je me plantais de quelques centimètres dans la pose, mais il m’a beaucoup guidée grâce à son regard extérieur.”

Pour le tournage, le duo résidait dans le même logement afin de gagner du temps pour se préparer. Le soir, Emma et Kévin étaient toujours en train de s’occuper des tatouages. L’équipe du film venait alors leur tenir compagnie, un verre à la main. Une ambiance cool qui venait atténuer un rythme infernal qu’ils parvenaient à tenir en s’épaulant mutuellement.

Entre budget limité et contraintes techniques

Emma n’a pas repoussé que ses limites : elle faisait aussi face à des contraintes techniques et budgétaires jamais clairement définies. L’experte des pinceaux explique qu’elle est un peu limitée en France, avec des choix de produits restreints. Son désir de progresser est rapidement rattrapé par une triste réalité qui ralentit inévitablement son travail.

Par curiosité, la maquilleuse s’est tournée vers Londres et commande maintenant la plupart de ses produits dans la capitale british. En France, elle se fournit chez Paris Berlin. Ce n’est pas du maquillage qui ressemble à de l’eye liner ou du crayon, assure-t-elle, c’est du “maquillage à l’alcool”, comme on dit dans le jargon.

“En fait ça s’appelle un ‘tatouage transfert’ : je pose le tatouage sur la peau, je l’humidifie et il se transfère sur la peau. Sauf qu’il peut s’abîmer. J’ai donc tout un stock du même exemplaire sur moi, pour faire face aux éventuels problèmes. L’encre est très fragile et peut vite s’abîmer avec le frottement des vêtements ou la transpiration. Une fois le tatouage posé, il y a encore des retouches à faire. Je le recolle sur la peau grâce à des ‘colles chirurgicales’ puis le matifie pour le rendre le plus crédible possible.”

En ce qui concerne Brice 3, les obstacles étaient surtout météorologiques, le tournage se déroulant principalement à la plage. Elle était donc confrontée au vent et au sable, ce qui rendait difficile la conservation des tatouages – notamment celui que Gregor d’Hossegor (Alban Lenoir) avait sur le torse. Dans une scène, relate-t-elle avec un sourire en coin, l’acteur devait ouvrir violemment sa combinaison, pour dévoiler son tatouage. Un geste viril qui un coup sur trois fichait en l’air son travail. Une bosseuse acharnée, on vous dit.

Les coulisses à travers quelques images :

Les tatouages d’Igor d’Hossegor (Bruno “Cherche pas t’as tort” Salomone) et de Gregor d’Hossegor, grands rivaux du héros obsédé par le jaune dans Brice 3 :

Pendant le tournage de Compte tes blessures, les tatouages sur les mains étaient ceux qui s’abîmaient le plus vite : 

Pendant que Kévin Azaïs se faisait maquiller, Emma nettoyait les tatouages pour que tout soit clean. Le duo s’est soutenu et a très bien fonctionné. Les grosses pièces étaient posées la veille, pour gagner du temps de sommeil : 

Emma Franco a passé ses soirées et ses week-ends à préparer des tatouages comme ceux ci-dessus, en cas de pépin :