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On a vu l’horrifique Ghostland, le film qui a fait sensation au festival de Gérardmer

On a vu l’horrifique Ghostland, le film qui a fait sensation au festival de Gérardmer

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(Capture d’écran de la bande-annonce de Ghostland)

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

En salles le 14 mars prochain, Ghostland de Pascal Laugier a remporté trois récompenses au festival de Gérardmer : le grand prix du jury, le prix du public et le prix SyFy. Nous avons vu le film en avant-première mondiale : voici nos impressions.

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Il s’agissait, sans nul doute, du moment le plus attendu de la 25e édition du Festival international du film fantastique de Gérardmer. Présenté en avant-première mondiale (et en compétition), Ghostland, le quatrième long-métrage de Pascal Laugier, a en effet créé l’événement en terres vosgiennes. Il faut dire que le cinéaste français, 46 ans, bénéficie d’une attention toute particulière au sein d’une large partie du public gérômois, toujours friand de sensations fortes.

Depuis sa deuxième réalisation, Martyrs, dont la brutalité jusqu’au-boutiste et la radicalité avaient suscité de nombreux débats au moment de sa sortie, la réputation du monsieur est faite. D’aucuns l’adulent, en France et au-delà, quand d’autres s’évertuent à le tacler sur son usage systématique de la violence.

Son dernier-né, Ghostland, ne devrait clairement pas trouver de consensus. Et c’est probablement ce qui fera grimper la curiosité autour de son scénario bardé de mystères – dont on essaiera au maximum de taire les détails, pour ne pas gâcher la surprise aux aventureux. L’ouverture se fait en tout cas dans l’habitacle d’une voiture.

Une direction artistique superbe…

Il y a la mère au volant, incarnée par la chanteuse Mylène Farmer (pour qui Pascal Laugier avait réalisé le magnifique clip de “City of Love” en 2015), et ses deux filles. L’une d’elle parle de littérature. Elle rêve de devenir écrivaine, voguant au rythme de ses pensées et de sa passion pour Howard Phillips Lovecraft, chantre du roman fantastique. C’est ainsi que l’automobile sillonne les routes où défilent les jolis paysages d’une région reculée – le film a été tourné au Canada. Après un arrêt dans une supérette, elle finit sa course à destination, face à une maison décatie. La leur.

À la suite du décès d’une tante, elles ont en effet hérité de la grande bâtisse vermoulue. À la croisée des maisons de Massacre à la tronçonneuse et Conjuring, les lieux sont d’emblée saisissants. Poussière, toiles d’araignées, mobilier vieillot, bibelots bigarrés. Tout est là. Encore mieux : chaque encoignure est peuplée par une colonie de poupées aussi flippantes que sublimes.

Sur ce terrain, la direction artistique est absolument superbe. Le soin apporté aux décors se révèle d’ailleurs être l’une des grandes forces de Ghostland. Le spectateur n’aura ainsi aucun mal à être happé par son atmosphère sinistre, qui présage évidemment d’une menace imminente. Laquelle ne tarde pas à pointer le bout du nez. Deux tueurs garent bientôt leur camionnette de confiseries, descendent et sèment la terreur sur leur passage, engendrant un traumatisme ineffaçable.

… pour un spectacle inconfortable

Avant de lancer sa projection, Pascal Laugier a affirmé qu’il adorerait voir ce nouveau film être projeté dans un vieux cinéma new-yorkais, au milieu de la nuit, entre un porno et un slasher. Il le sait, son œuvre va tacher, irriter, crisper, peut-être choquer. C’est son dada que de pousser le spectateur dans ses retranchements en lui imposant un spectacle âpre, malaisant et inconfortable. Le genre, il le perçoit comme ça.

À la périphérie de la cruauté de ces agresseurs résident pourtant des sous-textes fantasmatiques intéressants, des invitations vers l’imaginaire, vers la féérie mortifère, vers l’adieu à l’enfance. Quand il investit ce terrain-là, armé d’un décorum (encore une fois) magnifique où trône impeccablement Mylène Farmer, Ghostland est efficace.

En revanche, les instants de psychologie font défaut à l’entreprise. Le cinéaste préfère effectivement l’absence de mots et l’avalanche de maux. En dépit de ses accalmies, sur lesquelles on se s’appesantira pas (nous ne spoilerons rien), Ghostland est bâti sur une accumulation de séquences bestiales et sauvages. Et c’est là que le bât blesse.

Pourquoi passer autant de temps à scanner les corps cabossés de ces héroïnes ? Objétisées par leurs bourreaux, les sœurs vont littéralement, sous le regard douteux du réalisateur, se transformer en poupées, en machins désarticulés qu’on tabasse et qu’on chiffonne à outrance. Pascal Laugier insiste frénétiquement, avec un premier degré de tous les diables, sur la douleur, les plaies, les tuméfactions, les effets sonores.

Certains trouveront la démarche radicale. D’autres la jugeront complaisante (à raison), tant les séquences sordides se répètent, à grands coups de jump scares – lesquels sont usés jusqu’à la corde dans une stratégie, certes artistique, d’asphyxie et d’étourdissement.

Très vite, on finit par faire le tour du propriétaire, comprenant que les enjeux sont finalement minces et que l’attraction ne dure que le temps de son entame. En cours de route, il n’y a presque plus rien dans le coffre. Ne reste que l’attente d’un dénouement que les connaisseurs du genre verront sûrement venir.