Expo : la Cinémathèque française rend hommage au grand Chris Marker

Expo : la Cinémathèque française rend hommage au grand Chris Marker

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La Jetée 1962)

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Par Marie Jaso

Publié le

À l’occasion de l’exposition hommage Chris Marker, les 7 vies d’un cinéaste qui s’ouvre jeudi 3 mai à la Cinémathèque française, retour sur cinq des innombrables visages d’un artiste inclassable.

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L’homme discret

Si le nom de Chris Marker ne vous dit rien, pas de quoi complexer : l’artiste français, né en 1921, se serait lui-même défini comme “le plus célèbre des cinéastes inconnus”. Quand son ami de longue date Costa-Gavras lui aurait pour la première fois suggéré l’idée de rassembler l’intégralité de son œuvre à la Cinémathèque française, il se serait exclamé, hilare : “On allumera un grand feu !”

Homme discret, Christian Bouche-Villeneuve aimait disparaître derrière d’innombrables pseudonymes (Chris Marker d’abord, puis Palotin Giron, Marc Dornier, Kosinski…) ou la figure féline de son alter ego, le chat Guillaume-en-Égypte. Et pourtant. Disparu en 2012 à l’âge honorable de 91 ans, Chris Marker a de quoi être fier de son nom. 

L’amoureux de l’art

D’abord homme de lettres, Chris Marker aiguise sa plume dans le journal de son lycée de Neuilly, où ses premiers écrits sont remarqués par Jean-Paul Sartre. À 20 ans seulement, il crée la revue Les Cahiers de la table ronde, s’essaie au roman (Le Cœur net en 1949), à la poésie, aux essais et à la traduction, avant de rejoindre la rédaction de la revue Esprit.

La suite de sa carrière embrasse toutes les formes de création. Du septième art (documentaires, essais cinématographiques longs comme courts, séries) à l’art tout court (photographie, création informatique, installations en tout genre, collage papier comme électronique…), le prolifique Chris Marker est sur tous les fronts. Il commente, édite, monte et rythme des œuvres protéiformes qui marqueront le patrimoine français.

L’explorateur

Habité dès le plus jeune âge par une curiosité insatiable, Chris Marker se lance à la conquête d’un monde qu’il refuse de voir lui échapper : Europe, Amérique, URSS, Asie, Caraïbes, Moyen-Orient… Œil sur l’objectif (de son appareil photo comme de sa caméra), il capture des instants volés à travers les pays qu’il explore.

De ses voyages au bout du monde, il revient les pellicules pleines : il partage des photographies saisissantes (notamment de Corée du Nord) et des documentaires réalisés au fil de ses périples (Dimanche à Pékin, Lettre de Sibérie, Description d’un combat (Israël), Cuba Si !…). Riche d’expériences, il dirige même l’édition des guides de voyages Petite Planète.

Le cinéaste

Premier film composé presque exclusivement de photographies, La Jetée (1962) a marqué le septième art. Unique travail fictionnel de Chris Marker inspiré du travail d’Hichcock pour Sueurs froides, le court-métrage raconte le souvenir et l’amour dans un futur hypothétique post-Troisième Guerre mondiale.

Œuvre singulière et majeure dans l’univers de la science-fiction, elle influencera de grands noms du cinéma par la suite, à l’image de Terry Gilliam qui s’est essayé à recréer le film dans L’Armée des douze singes en 1995.

L’activiste

Fort de convictions et attiré par la Résistance, l’artiste s’enrôle dans un régiment français en 1944. Après la guerre, il devient membre de l’association de gauche Peuple et culture, dont il dirige les premières publications.

S’il a subi la censure de l’État français pendant onze ans pour le pamphlet anticolonialiste Les statues meurent aussi – court-métrage documentaire coréalisé avec Alain Resnais en 1953 –, il semblerait que rien n’entrave la détermination de Chris Marker à raconter l’Histoire telle qu’elle s’est réellement déroulée.

Aux côtés d’autres cinéastes témoins des grandes révolutions du XXIe siècle, il participe au cinéma collectif et raconte : le Paris de l’après-guerre d’Algérie (Le Joli Mai, 1962), la bataille d’Okinawa (Level Five, 1966), les manifestations américaines contre la guerre du Vietnam aux côtés des Black Panthers (Loin du Vietnam, 1967), l’émergence des mouvements révolutionnaires (Le fond de l’air est rouge, 1977), la révolution en Guinée-Bissau (Sans soleil, 1982), la chute du Mur de Berlin (Berliner Ballade, 1990), la guerre des Balkans…

Embarqué caméra à l’épaule dans les rues parisiennes pendant Mai 68, il contribue aux Ciné-tracs (films courts constitués d’images fixes) sur les évènements et poursuit son engagement avec la création du Slon, groupe de production et de distribution très actif dans le cinéma militant. Il s’embarque dans les collages contestataires, raconte un activisme naissant (Chats perchés) et réalise une série de courts-métrages de contre-information (On vous parle de…).

Artiste accompli et passionné, il restera avant tout un homme inspirant. Jamais il ne cédera à la loi du silence.

L’exposition Chris Marker, les 7 vies d’un cinéaste se tiendra du 3 mai au 29 juillet 2018 à la Cinémathèque française. Plus d’informations sur le site officiel.