15 ans après Eternal Sunshine Of The Spotless Mind, les souvenirs d’un grand film

15 ans après Eternal Sunshine Of The Spotless Mind, les souvenirs d’un grand film

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Par Constance Bloch

Publié le

Que reste-t-il de ce film culte 15 ans après sa sortie ? On a convoqué nos souvenirs.

19 mai 2004 : Eternal Sunshine of the Spotless Mind sort aux États-Unis. Derrière la caméra, Michel Gondry. Un Français connu pour ses clips inventifs, passé sur grand écran en 2001 avec Human Nature. Trois ans plus tard, il revient à la charge aux côtés de Charlie Kaufman pour le scénario et d’un duo d’acteurs inattendus : Jim Carrey et Kate Winslet. Ce long-métrage raconte la descente aux enfers du personnage de Joel qui a décidé de supprimer littéralement son ancienne compagne de son cerveau.

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À la rédaction de Konbini, on s’est posé la question : 15 ans après, que reste-t-il de ce film culte ? Parce que la force d’une grande œuvre c’est sa capacité à permettre aux spectateurs de se l’approprier, on a voulu partager nos souvenirs.

Dans Eternal Sunshine of Spotless Mind, Jim Carrey et Kate Winslet sont dans un lit (Crédit Image : Focus Features)

Dans Eternal Sunshine of Spotless Mind, Jim Carrey et Kate Winslet sont dans un lit (Crédit Image : Focus Features)

Constance : des amants que tout oppose

La première image qui me vient en tête lorsque je pense à Eternal Sunshine of The Spotless Mind, ce sont les cheveux bleus de Clémentine. Ensuite, je vois ses yeux souvent embués de larmes qui contrastent avec un sourire qui lui mord le visage. Vous l’aurez compris : cette femme excentrique et bouleversante qui se nourrit de paradoxes m’a marquée. On s’y attache irrémédiablement et on en tombe nous aussi un peu amoureux. On ne comprend que trop bien la fascination qu’elle exerce sur Jim Carrey, plus réservé, parfait dans la peau de l’amoureux éploré qui nous renvoie à nos propres déceptions sentimentales. De ces amants que tout oppose émane un amour fascinant : cru, parfois violent et souvent poétique.

Très loin des stéréotypes des comédies romantiques, Gondry donne chair à ses personnages en les rendant tellement réels qu’à la fin du film, on a l’impression d’avoir vraiment vécu quelque chose avec eux. Outre le fait que le duo d’acteurs fonctionne à la perfection, la force d’Eternal Sunshine of The Spotless Mind réside également dans l’aptitude qu’a Gondry à transmettre avec justesse les émotions, sans tomber dans le pathos, à aucun moment.

En nous embarquant dans ce labyrinthe de souvenirs, le cinéaste nous fait réaliser à quel point il est important de ne pas avoir peur de notre passé. Il propose, au-delà d’une superbe histoire d’amour, une réflexion profonde sur la perte d’identité et l’oubli. Et une expérience cinématographique mémorable.

Sarah : un propos universel

On a tous déjà vécu un chagrin d’amour, on a tous déjà voulu oublier une personne et passer à autre chose. Et c’est de ça dont parle Eternal Sunshine of the Spotless Mind, de ces souvenirs qui nous hantent, de ces moments qui survivent dans notre tête. Ou plutôt ceux de Joel. Car toute l’intelligence cinématographique de Michel Gondry réside ici : le spectateur n’assiste pas simplement à une scène du passé de Joel, il la revit avec lui – comme on peut le faire dans notre propre tête.

Jim Carrey et Kate Winslet, dirigés par le minutieux Michel Gondry sur le plateau du film

(Jim Carrey et Kate Winslet, dirigés par le minutieux Michel Gondry sur le plateau du film. © Focus Features)

Dans un premier temps, on ressent sa tristesse, sa colère, son envie d’oublier à jamais sa chère Clémentine. Et puis on se rend compte que tout cela est stupide, que tous ces souvenirs, qu’ils soient bons ou mauvais, font de nous ce que nous sommes aujourd’hui. Et qu’importe que cette relation soit vouée l’échec, qu’importe toute la souffrance que l’on va devoir endurer, ça en vaut la peine.

Theo : un scénario vertigineux

Quatre prix, treize nominations, un scénario extraordinaire et pourtant, vous ne savez toujours pas le prononcer correctement. Si Eternal Sunshine Of The Spotless Mind est un si bon film, ce n’est pas grâce à sa distribution atypique (Jim Carrey et Kate Winslet, à contre-emploi), ce n’est pas non plus grâce à la brillante signature de son réalisateur, Michel Gondry, synonyme de plans qui se retrouvent soudainement sens dessus dessous, bouleversant l’espace-temps du cinéma et repoussant plus loin les limites de l’exercice du story-board.

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(Crédit Image : Focus Features)

Selon moi, Eternal Sunshine Of The Spotless Mind est avant tout le chef-d’œuvre d’un scénariste de génie, nommé Charlie Kaufman. Il tisse ici une histoire d’amour universelle qu’il traite radicalement, jusqu’à donner une touche fantastique à son film, matérialisée dans cette quête de souvenirs d’une histoire d’amour brisée. Après tout, ce n’est pas si étonnant : Charlie Kaufman est aussi l’homme qui embarquait cinq ans plus tôt les cinéphiles du monde entier dans un tourbillon surréaliste intitulé Dans la peau de John Malkovich.

Ici, le tandem Gondry/Kaufman fonctionne encore à merveille. La sensibilité de l’un complète le savoir-faire narratif de l’autre, et de fait la technique pure, pourtant impressionnante, pour laquelle de nombreux spectateurs ont acclamé ce film, s’est progressivement effacée au fil des ans. Mais force est de constater que 15 ans plus tard, cette pépite du cinéma touche toujours aussi juste. Comment dépeindre en images le temps qui passe, les sentiments qui s’effacent et la mémoire de l’autre qui s’égrène ? Rematez-vous Eternal Sunshine Of The Spotless Mind, vous aurez la réponse.

Louis : une chanson emblématique

En 2004, j’ai 16 ans. Eternal Sunshine of The Spotless Mind sort en salles mais je le découvre des mois plus tard, en DivX. Je ne sais pas trop ce que je viens de voir mais j’ai aimé. 15 ans plus tard, le premier souvenir qui me titille le cerveau s’appelle Beck. Pour la bande originale du deuxième long de Michel Gondry, le futur arrangeur de Charlotte Gainsbourg se permet de reprendre The Korgis, à l’origine du génial “Everybody’s Got to Learn Sometime”.

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On enlève les synthés, on rajoute une basse sombre et une batterie moderne mais le principal reste : le thème. Beck donne une tonalité sombre, déprimante, nostalgique à la chanson, en corrélation avec l’histoire. Aujourd’hui, je comprends encore mieux le choix de la chanson. Elle pose une question : peut-on apprendre en oubliant, en faisant table rase du passé ?

À la faveur d’une mise en scène aussi originale et tordue, à l’image des personnages (dont Joel Barish, incarné par un Jim Carrey loin de ses mimiques comiques, qui se bat pour préserver ses souvenirs), Michel Gondry répond à la question en créant une machine à remonter le temps, dédiée à la recherche de l’amour enfoui. Au plus profond de son postulat, fait de bric et de broc, le film est optimiste : oui, les couples peuvent être éternels. 15 ans plus tard, à l’heure où nos souvenirs ont dépassé la sphère du réel pour intégrer aussi la sphère virtuelle, la question a encore plus de résonance.

Naomi : une réalisation contemporaine

La première chose dont je me souviendrai toujours concernant Eternal Sunshine of the Spotless Mind sera sans doute la réaction unanime de mes chers collègues, lorsque j’ai osé leur avouer qu’à 22 ans, je n’avais toujours pas vu ce film. “Mais, Naomi, t’as passé ta vie dans une grotte ? – En fait, t’as raté toute ta vie ?” Bon. Pour ma défense, il y a 15 ans, j’étais bien plus préoccupée par les Destiny’s Child et les blockbusters que par les œuvres de Michel Gondry. Pardon.

Et puis, après notre séance de cinéma collective, j’ai compris. J’ai compris pourquoi Constance avait tant été marquée par l’histoire d’amour entre Jim Carrey et Kate Winslet, finalement si similaire aux relations que nous vivons. Mais ce qui m’a le plus fascinée et impressionnée, c’est le processus utilisé par Michel Gondry, lorsque le personnage de Joel tente de recouvrer la mémoire, ou plutôt de ne pas la perdre.

J’ai été complètement saisie par cette lutte contre lui-même, qui s’opère dans un labyrinthe de souvenirs confus, de strates de mémoires, de plans flous, tournés en arrière ; bref, par ce procédé de réalisation que j’ai trouvé très actuel, et qui m’a d’ailleurs rappelé la façon dont Christopher Nolan nous embarque dans les différentes strates du sommeil dans son Inception (sorti, lui, en 2010). Il est maintenant temps pour moi d’engueuler à mon tour toutes les personnes qui avoueront ne pas avoir vu The Eternal Sunshine of the Spotless Mind.

Article écrit par Sarah Barbier, Constance Bloch, Théo Chapuis, Naomi Clément, Louis Lepron, publié le 28 avril 2014, mis à jour le 20 mars 2019.