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Entretien : Stéphane Ceretti, le Français derrière les effets spéciaux Marvel

Entretien : Stéphane Ceretti, le Français derrière les effets spéciaux Marvel

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(© Marvel Studios)

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Par Arthur Cios

Publié le

Le Frenchie a bossé sur Les Gardiens de la galaxie, Doctor Strange, Les Éternels ou encore Ant-Man.

À Hollywood, parmi les nombreux métiers de l’ombre, l’un des plus importants sur les gros blockbusters à la sauce Disney, Marvel et compagnie, est celui de directeur des effets spéciaux. C’est lui qui va définir l’esthétique du long-métrage, de sa conception à la finalisation des scènes de baston. Un pilier qui est malheureusement souvent mis de côté.

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Figurez-vous que derrière la direction des effets spéciaux de vos Marvel préférés, ou en tout cas de ceux dont le travail visuel est le plus impressionnant, se cache un Français : Stéphane Ceretti. Après avoir fait ses armes sur plusieurs gros films hollywoodiens, il est devenu l’une des têtes pensantes de plusieurs Marvel – des Gardiens de la Galaxie aux Éternels en passant par Doctor Strange, Ant-Man et la Guêpe ou encore Avengers Endgame.

Nous avons eu l’occasion de discuter au téléphone avec l’artiste au moment de la sortie du second Ant-Man en vidéo, fin 2018, en direct de son bureau de Los Angeles, sur sa carrière et l’influence de son travail sur les films.

Konbini| Bonjour Stéphane. Vous avez commencé chez BUF, la meilleure école d’effets spéciaux de France.

Stéphane Ceretti | BUF était clairement la meilleure école d’effets spéciaux. J’ai commencé en 96, et j’ai travaillé 12 ans là-bas. La chance que j’ai eue, c’est que j’ai pu travailler sur beaucoup de films américains.

Mon premier film, c’était Batman et Robin [rires]. J’ai fait quelques films de Christopher Nolan (Batman Begins et Le Prestige), mais aussi les deux derniers Matrix, Harry Potter et la Coupe de feu, l’Alexandre d’Oliver Stone, et plus encore.

Tu n’étais pas encore directeur des effets spéciaux ?

Non, mais c’est arrivé vite, mine de rien. J’ai d’abord été animateur, bien sûr. Mais à partir des Matrix, j’ai principalement été directeur des effets spéciaux — chez BUF, en tout cas. J’étais là un peu au début, avant que ça devienne vraiment très gros.

Tu sais, à l’époque, on était entre 15 et 20, max. Au moment où je suis parti, ils étaient 200.

T’as fait quoi après ?

Je me suis lancé en solo. Disons que mon expérience chez BUF m’a permis de rencontrer des gens qui bossaient pour des studios américains et qui m’ont aidé à me développer à Londres d’abord, puis à Los Angeles après. Mes clients sont devenus des collaborateurs, en fait.

Comment t’as commencé à bosser avec Marvel ?

Hum… Le premier film Marvel sur lequel j’ai bossé, quand j’étais Londres, c’était le premier Captain America. J’étais second superviseur des effets spéciaux, mais c’est là que j’ai rencontré pas mal de gens. Notamment la responsable des effets visuels de Marvel, avec qui ça s’est très bien passé. Donc j’ai commencé à faire de plus en plus de films Marvel, comme Thor : Le Monde des ténèbres.

Mais mon premier film comme superviseur, c’est Les Gardiens de la galaxie. Ont suivi Docteur Strange, puis Ant-Man et la Guêpe.

Explique-nous un peu ton job. À quel moment tu arrives sur le projet, et pour combien de temps ?

Quand on est superviseur des effets spéciaux, on bosse de la préproduction jusqu’à la fin. Donc cela te prend deux ans environ. C’est pour ça qu’on ne les fait pas tous, qu’on alterne en gros.

On commence très tôt : on discute avec le réal, le production designer, les producteurs du film, les scénaristes et on travaille sur les aspects visuels du film assez tôt. Surtout pour Les Gardiens de la Galaxie et Doctor Strange, parce qu’on avait tout à imaginer. On imagine l’aspect visuel au fur et à mesure de l’écriture du scénario, on voit ce qui est possible ou non, on donne des idées aux scénaristes et réals, etc.

Ce n’était pas différent pour Ant-Man et la Guêpe, le premier ayant déjà posé les bases visuelles ?

Disons que pour Ant-Man et la Guêpe, même si c’est une suite, on avait beaucoup de choses à jouer. Il y avait le “quantic realm”, très peu exploité dans le premier, contrairement à ici, mais aussi les nouveaux personnages : Ghost, la Guêpe…

Là aussi on a commencé très tôt. On a dû imaginer des gags visuels, les effets de certains nouveaux pouvoirs, etc. Ça demande beaucoup de travail de recherche en avance, et surtout de trouver un langage visuel. Tout ça, avec en plus le facteur comique, parce que c’est une comédie.

Donc concrètement, ça se passe comment pendant la phase d’écriture ?

Au début, en interne, il y a le département des développeurs visuels, qui font ce qu’on appelle des “key frames”, à savoir des reproductions en dessins des moments clés. On part de là. Après, ils voient avec les production designers ce qui est faisable et si tout le monde est OK avec le rendu visuel.

Puis on fait la même chose avec le script et le story-board, de manière plus concrète. C’est là qu’on arrive. On visualise comment le film sera à peu près. On brainstorme à ce moment-là.

Ant-Man and the Wasp | VFX Breakdown | DNEG from DNEG on Vimeo.

Tu parlais d’éléments comiques. Tu penses à quoi ?

Par exemple, pour la course-poursuite dans San Francisco, on a essayé de trouver des gags et des moments plus tendus en jouant avec les changements de taille. On a aussi pensé au fait que le costume d’Ant-Man avait des problèmes, etc. Une fois qu’on commence à avoir un scénario qui se construit, c’est assez facile de trouver tout ça…

Donc la plupart de ces moments marrants, ce n’est pas le scénariste ou le réal, c’est toi ?

Ouais, on est là pour la partie visuelle des gags… On a des bornes avec le scénario qui raconte des choses, mais les combats et les scènes d’action, c’est nous. Elles ne sont pas telles quelles dans le scénario, ou dans l’esprit du réalisateur — enfin, ça dépend. Mais généralement, c’est nous qui chorégraphions tout ça.

Mais le réalisateur dans tout ça ?

Le réalisateur est bien sûr tout le temps là. Mais nous aussi, en fait. Même le monteur du film est là avant qu’on commence à tourner, pour qu’on sache comment on devra faire. On est un peu la tour de contrôle de ces départements. Il y a tout un aspect technique, mais aussi créatif.

Du coup, t’es aussi sur le tournage ?

Ah bah oui ! Je suis tout le temps avec le réal et je suis son consultant. S’il veut changer un truc, il me demande à chaque fois. On discute tout le long. Il y a tellement d’effets visuels dans ce genre de films que je suis tout le temps là.

Puis je commence à bosser la postprod pendant le tournage – parce qu’on scanne tout : les acteurs, le paysage et autres, pour pouvoir travailler les plans. On gagne du temps, même si ça te prend au moins deux ans.

Article publié le 23 novembre 2018, mis à jour le 30 août 2019 puis le 30 octobre 2021.