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Entretien : Bouli Lanners, rock star de l’humour belge

Entretien : Bouli Lanners, rock star de l’humour belge

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Par Constance Bloch

Publié le

Je me suis dit “ je ferai un mec dans un groupe de rock et j’adore ça. J’écoute du rock tout le temps, c’est à ne pas rater quoi !“. Le seul truc qui me faisait peur c’était qu’il y avait une partie qui se passait au Canada et je prends jamais l’avion […] j’ai donc suivi des stages à Air France pour des mecs qui ont vraiment la trouille. J’ai fait trois jours avec simulation de vol avec le commandant de bord.

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À son image, l’acteur de 50 ans aime les ambiances à la fois “détendues et rock’n’roll” sur des plateaux où il fait bon vivre. “C’était comme un groupe de rock en tournée“, raconte Bouli Lanners. Surtout la partie filmée dans un endroit ultra-reculé au Canada, où ils sont partis en équipe très réduite, “on était douze en comptant les comédiens“. Il poursuit :

Le soir on faisait des brainstorming, un peu comme les groupes de rock font le bilan après un concert […] on était en immersion totale. Loin de tout avec ce truc assez indien de regarder les nuages, pour voir d’où le vent venait car quand il venait de l’Est il n’y avait plus Internet (rires).

Alter Ego

Âgé de 50 ans, Philippe de son vrai nom, a derrière lui une carrière florissante et un paquet de rôles inoubliables (on retiendra notamment Mammuth et Louise-Michel de Kervern et Délepine). Celui qui préfère se faire appeler Bouli car on l’a beaucoup surnommé “bouboule” est passé maitre dans l’art de l’auto-dérision. Sa personnalité rayonnante a fait que de ses personnages transpire toujours une partie de lui.
Ainsi, il reconnait sans peine plusieurs de ses traits de personnalité chez son personnage un peu bourru imaginé par les frères Malandrin : “On a plein de points communs. Je suis un sanguin, je m’énerve, je monte dans les tours. Ce qui m’a sauvé c’est ma femme, qui m’a permis de me cadrer, d’avoir des responsabilités, de ne pas être uniquement un vieil adolescent, d’assumer des choses“.
Pendant sa jeunesse il traine dans des bars avec des groupes de rock et vit un quotidien rempli de fête. “Si j’avais été un guitariste de rock et si je n’avais pas rencontré ma femme, je serai certainement devenu comme Yvan [son personnage]“, confie-t-il. Bouli Lanners se rêvait donc rockeur : “C‘est la grande frustration de ma vie de ne pas être un guitariste de rock”.  Depuis 40 ans, il répète un rôle écrit pour lui :

Ça fait 40 ans que je joue devant mon miroir, je suis le meilleur air guitariste du monde bien avant que ça ne devienne un concept avec un nom, je jouais de la guitare tout seul devant mon miroir et j’étais super bon. Mais je suis super mauvais guitariste. Encore il y a deux ans j’ai essayé de faire un groupe, on a répété trois fois puis on a laissé tomber, je suis trop nul.

Quand on a perdu nos premiers potes, les enterrements qu’on faisait c’était un peu de cet ordre-là. On pleurait, bien évidemment parce qu’on perdait quelqu’un puis les premières morts te marquent.
Et en même temps il y avait ce côté où il fallait qu’on fume, il fallait qu’on boive, fallait qu’on mette les morceaux qu’il écoutait. Leur rendre hommage mais à travers un truc un peu rock’n’roll. Ça peut paraitre ridicule mais c’était notre façon à nous de faire le deuil. Et je trouve que l’enterrement que les frères Malandrin ont écrit est très juste par rapport à ce milieu.

Autodidacte

Des “vieux potes”, Bouli Lanners en a beaucoup. Notamment des musiciens, avec qui il continue de collaborer au fil des années. Comme sur le film, où ce sont deux de ses amis d’enfance qui ont composé la musique : “Je les connais depuis que j’ai seize ans.” Parmi ses amis fidèles, il y a “Gérard”, avec lequel il crée au milieu des années 90 un festival de films pas vraiment comme les autres : “Le Festival du film lourd et d’essai” qui deviendra ensuite le “Festival de Kannes” (“car il y a une ville près de Liège qui s’appelle comme ça“).
Avec une tendresse non dissimulée, Bouli Lanners se souvient :

On regardait des films d’art et d’essai dans les galeries et on se foutait de la gueule des trucs tellement c’était naze. Donc on s’est dit “faisons le nôtre”. C’était un festival de mauvais films. C’est grâce à ça que je suis devenu réalisateur car il nous en manquait pour la programmation. J’ai donc commencé à réaliser mes premiers courts métrages uniquement pour les projeter dans notre festival. 

Pour la déconne, Bouli Lanners s’essaie donc à la réalisation assez tôt. Il crée de toutes pièces l’un de ses premiers courts métrages intitulé Non Wallonie ta culture n’est pas morte, à base de films Super 8 qu’il achète aux puces. “J’ai toujours eu cette passion, j’ai une grande collection de films de famille et je les utilisais pour faire les miens, raconte-t-il. Il n’y avait pas de tournage, donc je ne connaissais pas la grammaire du cinéma. C’était que du montage, je collais avec de la super glue, et une fois que le film était monté, je faisais les voix et on le projetait.”

De cette façon, il prend goût à la création et à la réalisation. “Mais si mon copain Gérard, mon vieux pote, qui est le mec qui a fait les musiques de Je suis mort mais j’ai des amis, qui est mon coach bassiste, n’était pas venu me chercher un jour en me disant “on ferait pas le festival dont t’avais parlé ?“, je serais jamais devenu réalisateur“, insiste Bouli Lanners. “Comme quoi l’amitié, ça reste toujours, et là on se retrouve encore ensemble sur ce projet, 35 ans après s’être rencontré.”
Depuis, le Belge aux multiples talents a fait beaucoup de chemin. Des dizaines de films en tant qu’acteur, et désormais quatre derrière la caméra. Pourtant, il confie en riant : “Comme je n’ai pas fait d’école, j‘ai toujours ce sentiment d’imposture en tant que réalisateur. Quand j’ai commencé à donner des cours à l’INSAS (Institut Supérieur des Arts), les premières fois je me disais “mais qu’est-ce que je fous là ! J’ai l’impression qu’ils en savent plus que moi, ils vont me démasquer“.”
Pour son dernier bébé, il a réuni un casting quatre étoiles, qui compte à son bord Suzanne Clément, l’une des actrices fétiches de Xavier Dolan, ainsi qu’Albert Dupontel, avec lequel les rôles s’inversent (Bouli Lanners a joué dans plusieurs de ses films).
Les premiers, les derniers est, selon le réalisateur, “un western contemporain” dans lequel il révèle avoir mis ses tripes : “Il y a des petits moments drôles, mais c’est lié à tout ce que j’ai vécu, donc c’est plus profond, c’est mon film le plus personnel. Je suis content car je commence à avoir les premiers retours et je suis rassuré, apparemment le film touche énormément les gens. C’est moins drôle mais plus émouvant.