We Love Words : les créations des trois gagnants du Duel Pop

We Love Words : les créations des trois gagnants du Duel Pop

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Par Harmony

Publié le

Au mois de mars nous avions lancé, avec le site communautaire d’auteurs We Love Words, un concours d’écriture “Duels pop”. Pour participer il suffisait de confronter deux icônes pop à travers un dialogue, une nouvelle, un article… Parmi les 60 contributions proposées, le jury a retenu trois créations.

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#1 Batman vs Spider-Man par 2XR

L’incarnation de la Chauve-Souris contre l’avatar de l’Araignée, le Chevalier Noir de Gotham contre le Justicier de New-York, Batman contre Spider-Man, DC Comics contre Marvel.

Deux icônes de la pop culture, deux maisons d’édition mondialement connues et reconnues. Le premier a 75 ans cette année, le second a dépassé la cinquantaine l’an dernier. La lutte cordiale entre les deux éditeurs dure depuis plus d’un demi siècle. Une lutte globale, qui s’ étend au niveau mondial à travers de nombreux médias. A travers leurs écuries de personnages hauts en couleurs, leur rivalité a marqué le monde à jamais. Les dommages collatéraux sont énormes : des centaines de milliers de lecteurs émerveillés, le monde mis en danger des milliers de fois sur papier – une petite pensée pour New-York qui est passée plus d’une fois à quelques secondes de l’apocalypse – et depuis quelques années les budgets cinéma d’honnêtes citoyens, se ruant dans les salles pour en prendre plein les yeux, réduits à néant.
“Batman ou Spider-Man ?”
Cette question à laquelle tout fan de comics a droit un jour, résume à elle seule la rivalité entre DC et Marvel. Difficile de choisir entre deux légendes qui ont bercé notre enfance, deux mythes modernes aux valeurs admirables et similaires. Mais quand a commencé ce combat ?
1939, Batman apparaît pour la première fois, le premier combattant monte sur le ring. Epoque trouble, pleine de mystères et de découvertes, la Seconde Guerre Mondiale arrive, suivie de la Guerre Froide. Le nucléaire, la recherche spatiale, l’espionnage à haute échelle s’impriment dans l’imaginaire collectif et dans les angoisses. Les éditeurs de comics y répondent en créant des Dieux vivant parmi les hommes. Nous voilà dans l’Age d’Or des comics. Les héros sont beaux, courageux et innocents.
1962, Spider-Man voltige dans New-York. Le challenger arrive à son tour et porte le premier coup. En un peu plus de 20 ans, DC a crée Superman, Green Lantern, Wonder Woman, Flash et bien sûr Batman. Marvel y répond avec les 4 Fantastiques, Spider-Man, les X-Men et les Avengers. Les lecteurs sont vite séduits par la fraicheur apportée par les héros adolescents relégués auparavant au rang de sidekicks. C’est ainsi que Batman, justicier expérimenté, héros de comics, de feuilletons radio et bientôt télé, se voit pour la première fois concurrencé par un adolescent loser mordu par une araignée.
Flash est le premier à arriver dans l’Age de bronze en étant modernisé. Nous sommes à présent dans les années 70 et une trêve se créé entre les deux rivaux avec la création des premiers crossovers. La censure est de moins en moins forte, la réalité gagne la fiction, le monde des super-héros n’est plus noir et blanc mais gris. Batman et Spider-Man finissent par se salir les mains.
Leur popularité est toujours en hausse et le combat fait rage.Les années 90 amènent l’Age Moderne, l’ère des héroïnes aux tenues courtes et aux seins surdimensionnés, des héros bodybuildés et à moitié robots. Tout le monde sombre dans la dépravation. Marvel remonte, uppercut. DC suit et remonte à son tour, les coups s’enchainent. Séries, films, Spider-Man ouvre le bal, Batman sublime le genre au cinéma. Le KO n’est jamais loin mais ces héros n’abandonnent jamais.
Le vainqueur ? Incontestablement le public. Marvel et DC rivalisent d’inventivité pour maintenir l’intérêt, tous les coups n’atteignent par leur cible. Mais leur concurrence permet de garder une qualité constante. Après tout, n’est ce pas le véritable sens de l’existence de ces héros immortels ? Les enfants comme les adultes rêvent devant leurs exploits et s’inspirent de leurs valeurs. Peu importe qui gagnera, le match restera gravé dans l’histoire.

#2 Miss Smith vs Miss Jordan par Jc Delbert

Sortant d’un vernissage en plein Williamsburg, Brooklyn, Miss Stan Smith fait une rencontre explosive. Sur le trottoir d’en face, munie d’un poste radio, Miss Air Jordan. Entre les deux icônes, le torchon brûle depuis que la plus jeune a pris la scène sportive d’assaut.

 “Hello Air” lâcha Stan, le regard déjà menaçant.
“Salut Stan, tu es de retour? C’a été ton lifting?” rétorqua Air.
“Visiblement, tu n’as pas grandi. La classe, cela ne t’évoque toujours rien?”
“Je t’emmerde Stan. Tu n’as aucun style et tu me parles de classe?! Venant d’une meuf qui n’a de succès qu’auprès des bobos français, laisse-moi rire !”
“Quel manque de maturité. Tu n’es pourtant plus si jeune Air?! Ton style ne répond qu’à ton besoin d’artifices pour tenter de rester au top. Tu me fais de la peine. En réalité, tu ne supportes pas que je puisse prendre quelques rides tout en restant belle et naturelle. Mais les fans, eux, ne s’y trompent pas.”
Vexée, Air s’emporta :

Je ne doute pas que tu ais des fans. D’ailleurs, tu les prends de plus en plus jeunes! Une vraie cougar cette chère Stan! Mais moi, au moins, je suis toujours sportive !

Sereine, Stan répliqua :

En effet, je suis plus ouverte. J’aime l’art contemporain, la peinture, le théâtre et la musique ! J’ai même eu un léger penchant pour le métal. J’ai découvert d’autres cultures, et je te conseille d’en faire autant… parce que le hip-hop et le basketball, ma p’tite Air, c’est bien joli, mais tu ne feras pas toute ta vie avec ça !
Arrête avec tes leçons de morale ! C’que tu es jalouse ! Tu n’as jamais supporté ma liberté, ma capacité à changer de style. La réalité, c’est que tu n’évolues pas avec ton temps Stan, alors que moi, je lui impose ma tendance ! Tu es nostalgique d’une époque révolue depuis 40 ans et tu me hais parce que j’ai su prendre le relais ! Méfie-toi, d’ici peu, je vais venir faire un tour dans tes salles d’expos, et je me ferai un malin plaisir de leur montrer la dernière mode à tes bobos prétentieux !

Et alors que les deux chaussures s’apprêtaient à en venir aux mains, une silhouette interrompit les débats.
Résidente du quartier, la doyenne, All Star vint à leur rencontre :

Ecoutez les filles, j’en ai croisé des p’tites pétasses qui se rêvaient Super Star. Et j’peux pas m’empêcher d’vous rappeler quelques fondamentaux.

Fixant de son regard expérimenté les deux bélligérantes, All Star poursuivit sèchement :

Toi, Stan, t’as bien failli t’appeler Robert Haillet. Et toi, Air, si t’avais pas pris 20 cm au lycée, personne t’aurait donné ta chance. Alors, estimez-vous heureuses d’être devenues ce que vous êtes car vous le devez à votre public ! C’est un privilège de marquer autant de gamins rêvant de devenir artiste ou sportif ! Tous ces passionnés qui vous permettent de payer vos fringues et votre botox !

Et All Star conclut en s’éloignant :

Et n’oubliez pas, la patronne, c’est moi. A la prochaine crise, je vous vulcanise.

Stan, gênée, enlaça Air, sa meilleure ennemie.
Elles firent la paix et s’en allèrent… l’une à droite, l’autre à gauche…

#3  Gainsbourg vs Vallotton par Marion Danan

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Salle d’attente du Service des Admissions et de Révision du Statut d’Icône de l’au-delà. 3 h du matin. Seulement 2 des fauteuils-club en cuir de la salle d’attente sont occupés. Serge Gainsbourg, vautré, pas rasé, un peu bourré s’allume une Gitane. Son voisin de siège se racle la gorge :
– « Euh excusez-moi mais je crois que le lieu est non-fumeur… » ?
– « ouais mais moi j’ai une accréditation, ça va avec mon statut », dit Serge en disparaissant dans un nuage de fumée.
« -bien ma veine, presque un siècle pour être convoqué et je me retrouve avec le clodo de service… »  S’exaspère l’homme toussotant.
« -Hey dis donc pauv’ type, c’est moi que tu traites de clodo? T’sais pas qui je suis, hein » ?
– « Eh bien non ! Désolé …Ceci dit si votre si prestigieuse réputation est glorifiée par cette allure négligée, j’en déduis que nous ne sommes pas de la même génération … je dois dater d’avant vous. A mon époque, l’on avait l’élégance de se raser … et de mettre des chaussettes » !
– « Hey gamin ! C’est toi le petit nouveau ici … moi j’connais tout le monde et toi je t’ai jamais vu même là-bas, en bas…pourtant entre les émissions, les concerts, les bars, les boites, la vie, les filles, crois moi j’en ai croisé des figures… mais la tienne jamais ! Alors c’est quoi ton truc » ?
– « Je peins, je grave, je me suis essayé à la photo… j’ai connu quelques succès au début 1900… voire une certaine gloire… mais il semblerait que cette exposition au Grand Palais ait donné encore plus de crédit à ce que j’ai laissé en héritage… Felix Vallotton au fait !, et vous êtes »?
– « Serge Gainsbourg, auteur, poète, compositeur… me débrouille pas mal avec les mots et les notes, une chance vue ma gueule ! Ça m’a permis certains succès auprès des plus belles femmes… »
– « Ah les femmes… c’est un sujet qui m’a beaucoup inspiré…peut être le seul qui m’ait vraiment animé, » lâcha Vallotton nostalgique .
« -Alors là tu m’intéresses… je pensais qu’avec ton air de sarcophage et ton costume du dimanche, t’allais me parler horticulture…. Je te sers un verre ? dit Gainsbarre en sortant une bouteille de whisky de derrière l’accoudoir ».
– « Eh bien oui pourquoi pas….merci ! »
Après quelques gorgées, Vallotton repris :
– « J’ai adoré toutes ces heures, à lire leurs corps, leurs courbes, leurs chairs… J’ai vu tant de femmes s’offrir à moi au nom de l’art… je dois bien l’avouer maintenant… j’en ai profité… si vous imaginiez les mises en scènes…vous me prendriez pour un fou pervers ».
– « alors là mon p’tit bonhomme, tu serais surpris de mes capacités d’imagination…Maintenant que l’ambiance est plus festive, je peux te le dire, j’ai fait chanter à ma fille de 13 ans une chanson parlant d’inceste… Crois-moi, j’en ai fait grincer des dents . Et si les femmes m’ont toujours hanté, moi je les ai sacrément troublé ! »
– « Quelle date, votre gloire ? »
-« J’ai commencé à avoir la côte avec la gente féminine début des années 60 jusqu’à ce que je bascule ici début des années 90… 30 ans ! Ça t’en ouvre des perspectives, hein ? »
– « En effet… sans doute de belles années, j’imagine que le public était plus ouvert qu’à mon époque ? Bien que, pour vous faire une confidence, mon plus grand regret ne soit pas l’accueil du public mais celui de ne pas avoir eu de véritable talent pour la littérature… je n’ai pas eu la même subtilité avec les mots que celle dont j’ai jouit dans la peinture. Par paresse ou par lucidité, j’ai renoncé à cette forme d’expression ».
– « Alors là tu me la coupes, moi c’est tout le contraire… figure toi que j’ai commencé par dessiner et peindre… j’ai tout détruit ! Une chiotte ! Alors qu’en imageant avec des mots, ça faisait mouche tout de suite, t’imagine » ?!
Felix se mit à rire… un rire pincé mais franc :
« – Finalement, et si ça ne saute évidemment pas aux yeux, nous nous ressemblons beaucoup. Je serais curieux de vous entendre un de ces jours…et de pouvoir vous montrer mes toiles ou certaines de mes gravures… Peut-être aurions-nous pu collaborer…quel dommage ces contraintes temporelles »…
« – Attend, rien n’est bouclé… figure toi que si le comité nous fait poireauter ici à 3h du mat’ c’est qu’ils sont sur un gros dossier… Steve Job vient d’arriver, il nous trouvera bien un « iQuelque-chose » pour mêler nos vices et nos talents ! »