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Que Dios nos perdone confirme la vitalité du polar espagnol

Que Dios nos perdone confirme la vitalité du polar espagnol

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

Haletant et viscéral, Que Dios nos perdone de Rodrigo Sorogoyen est un des meilleurs films que vous verrez au cinéma cet été. Il illustre parfaitement l’émergence, depuis quelques années, d’un cinéma de genre espagnol qui fait loucher la concurrence.

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C’est une véritable révélation. Pour son troisième passage derrière la caméra, l’espagnol Rodrigo Sorogoyen a frappé fort avec Que Dios nos perdone, un polar ultra-sombre, en salle ce mercredi, qui a remporté le Prix Sang Neuf à Beaune et le Prix du Scénario à San Sebastian.

Un plébiscite mérité pour cette œuvre dont l’intrigue se situe au cours de l’été 2011, dans une ville de Madrid sous tension. Là, au détour des rues, rôde en effet un impitoyable tueur de vieilles dames que pourchassent sans relâche deux flics chevronnés (Antonio de la Torre et Roberto Álamo, Goya du Meilleur Acteur cette année).

Trame ultra-maîtrisée, refus de la facilité, respect des codes séculaires du film noir (qu’il réussit pourtant à dépoussiérer) ; Rodrigo Sorogoyen mène son navire d’une main de maître, trouvant instantanément sa place dans ce qu’on pourrait considérer, sans sourciller, comme une nouvelle vague du polar ibérique.

Quelques semaines plus tôt, le public français découvrait déjà avec intérêt l’édifiant L’Homme aux mille visages d’Alberto Rodríguez, gravitant autour d’une affaire de détournement d’argent à échelle étatique, et l’excellent La Colère d’un homme patient, le vigilante movie saignant et malin de Raúl Arévalo.

Hollywood sort ses jumelles

“Dans les années 90, le cinéma espagnol s’est redéfini comme un cinéma de genre, davantage tourné vers le fantastique, sous la houlette de réalisateurs comme Álex de la Iglesia ou Paco Plaza”, explique Loïc Diaz Ronda, programmateur du Festival Cinespaña, qui se tiendra du 29 septembre au 8 octobre 2017 à Toulouse. Il n’empêche que le succès des œuvres susnommées, auquel s’ajoute celui de La Niña de fuego de Carlos Vermut ou de Malveillance de Jaume Balagueró, a clairement installé une tendance intéressante, qui renoue avec une tradition espagnole du film noir. Diaz Ronda poursuit :

“Les réalisateurs se sont rendu compte que ces œuvres policières répondaient à un besoin du public. Elles ont cette faculté d’adapter le genre au contexte d’un pays et nous parlent avec acuité de la société.”

La Isla mínima d’Alberto Rodriguez partait par exemple en quête des racines du franquisme et de ses fantômes, avec une virtuosité folle, comme l’avait également fait beaucoup plus tôt le mexicain Guillermo del Toro avec L’Échine du diable. “Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, le cinéma espagnol était très enclavé, continue Diaz Ronda. Quelques cinéastes, comme Juan Carlos Fresnadillo (28 semaines plus tard, Intruders) ou Rodrigo Cortés (Buried), sont cependant parvenus à se frayer un chemin jusqu’à l’étranger dans le domaine de l’horreur. Je crois que ça risque d’arriver pour les polars.”

Et il ne croit pas si bien dire, puisque La Colère d’un homme patient fera l’objet d’un remake américain par Albert Hughes, le réalisateur de From Hell et Le Livre d’Eli.

La certitude est éclatante. Il ne fait aucun doute que l’engouement ne cesse de grimper à l’international pour ce cinéma espagnol passionnant qui se renouvelle sans cesse et ose expérimenter. Diaz Ronda conclut :

“Et ce n’est qu’une partie de ce qui se fait ! Il y a beaucoup de polars espagnols qui n’arrivent pas en France, qui ne trouvent pas de distributeurs, comme Ira de Jota Aronak que nous avions programmé à Cinespaña. Le public ne connaît que les principaux ambassadeurs, à l’instar de Park Chan-wook ou Bong Joon-ho pour la Corée du Sud.”

Une manière de nous certifier que les talents ibériques n’ont pas fini de traverser les frontières, avec des passeports tamponnés de belles surprises.