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Critique : Onoda, un film français fou sur le “dernier soldat restant”

Critique : Onoda, un film français fou sur le “dernier soldat restant”

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Par Arthur Cios

Publié le

Preuve s’il en fallait que le cinéma français peut s’aventurer sur d’autres terrains, et en japonais dans le texte.

Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur.

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Onoda, c’est quoi ?

Onoda, c’est une anomalie. Dans le système de financement du cinéma français, et dans le modèle actuel, Onoda est une anomalie. Une chose dont on est fier et heureux qu’elle existe, d’autant plus quand, sur le papier, cela semblait impossible. On imagine bien le pitch du réalisateur français Arthur Harari quand il est allé voir des producteurs pour essayer de vendre son projet alors qu’il n’a qu’un film à son actif :

“Alors, pour mon deuxième long-métrage, j’aimerais faire un film français, mais entièrement en japonais, où l’on suit un soldat sur trente ans bloqué sur une île des Philippines et qui pense que la guerre du Pacifique n’a jamais pris fin. Tout le casting sera soit japonais soit philippin, tous les dialogues aussi, et cela durera 2 h 45 avec du tournage uniquement en extérieur.”

Impossible, et pourtant. L’objet filmique est là, et il raconte bien l’histoire vraie d’Onoda, un soldat qui se retrouve à devoir surveiller militairement une petite île philippine, Lubang, près de Luzon, en 1944 pour empêcher tout soulèvement de population ou invasion. Et tout cela dans l’espoir qu’on vienne les chercher, lui et son équipe de trois autres militaires.

Il a reçu pour ordre de ne jamais se rendre et d’attendre l’arrivée de renforts. L’officier de renseignement a scrupuleusement obéi. La délivrance n’arrivera qu’en 1974, plus de 30 ans après. Trente ans de débrouille dans la jungle, sans voir le monde changer, seul au monde, loin de tout. Mais lors de la défaite des troupes nippones, il se retranche dans les montagnes avec trois de ses hommes afin de poursuivre le combat.

Pourquoi c’est bien ?

Déjà, par son ampleur et son propos, Onoda impressionne. Un fait incontestable, même pour les rares qui seraient plus réticents. Voir un cinéaste français partir aussi loin, raconter une histoire si éloignée de la nôtre, mais qui est finalement universelle, est un plaisir sans fin. Et cela va plus loin. Le film est généreux, d’une pureté folle, et est capable de nous faire passer du rire aux larmes, du dégoût à la surprise, en un rien de temps.

Le récit a un rythme particulier, puisqu’une fois les personnages présentés, Harari fait abstraction de l’histoire et se concentre sur les moments de vie de ces soldats bloqués. Et ce, malgré une durée assez impressionnante, sans jamais ennuyer le spectateur. Le montage donne l’impression qu’on vit des tranches de quotidien en temps réel, pour mieux s’accrocher à ce qu’eux vivent, à cette fausse réalité horrible mais qui leur va pourtant.

Car l’intérêt du personnage central, c’est l’ambiguïté permanente entre son envie de ne pas mourir, le besoin de respecter les consignes et le déni de la réalité. L’homme a, à plusieurs reprises, les clés pour comprendre que le conflit auquel il s’accroche est terminé. L’auteur ne montre pas, même si le spectateur se fait une idée, s’il s’agit de bêtise, d’inconscience ou de volonté de ne pas retrouver le monde réel. Onoda ne veut pas de la paix.

Pour cette fresque, Harari fait de l’anti-Apocalypse Now – il s’agit d’une référence évidente. Un film d’aventures sans rebondissements ni cascades spectaculaires. Un huis clos avec quatre personnages sur un territoire immense, un film de survie mais où les protagonistes peuvent partir à tout moment et où la sensation d’être prisonnier n’est pas vraiment là. Un film anti-spectaculaire, mais à la photographie et la mise en scène parfaites.

Sa manière de filmer la moiteur, l’humidité, les corps maigrissants, et de zoomer sur les moindres détails de cette jungle et des visages meurtris laisse transparaître sans jamais le montrer explicitement beaucoup de sentiments contradictoires. Aidé par une couleur atténuée, et un grain à l’image palpable, Onoda est un film visuellement incroyable.

Se pose alors une question : pourquoi cette incroyable épopée n’était pas en sélection officielle ?

Qu’est-ce qu’on retient ?

L’acteur qui tire son épingle du jeu : Kanji Tsuda, impérial en Onoda plus vieux.

La principale qualité : Outre le fait de voir une production française sur ce sujet japonais, sa grande force demeure son ambition, son ampleur, sa mise en scène, sa pudeur et la manière dont son auteur raconte cette histoire.

Le principal défaut : Une mise en place qui peut paraître un peu longue, notamment la première demi-heure.

Un film que vous aimerez si vous avez aimé :Apocalypse Now’ mêlé à ‘Seul au monde’. Enfin, pas vraiment, mais un peu quand même.

Ça aurait pu s’appeler : ‘30 ans, sinon rien’.

La quote pour résumer le film : D’une folle ambition.