The Big Short : comment les traders sont devenus des gangsters à Hollywood

The Big Short : comment les traders sont devenus des gangsters à Hollywood

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Christian Bale plays Michael Burry in The Big Short from Paramount Pictures and Regency Enterprises

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Par Arnaud Pagès

Publié le

A l’occasion de la sortie de The Big Short, mercredi, Konbini se penche sur la figure du trader au cinéma, devenu aussi terrifiant et fascinant que n’importe quel gangster.

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Souvenez-vous, nous sommes en 2007. Le marché immobilier américain est sur le point d’imploser, jetant des millions de personnes au chômage, brisant la vie de millions d’autres qui perdent leurs maisons et accumulent des dettes qu’ils ne pourront jamais rembourser. Scandale financier majeur. Cette crise n’est pas le fruit de l’instabilité naturelle des marchés. Elle est le résultat de pratiques illégales rendues possibles par la promesse de gains mirobolants qui se comptent en centaines de milliards de dollars.

Les banques, aveuglées par le profit, n’hésitent pas à commercialiser massivement des produits financiers dits “toxiques” et à distribuer des prêts importants à des ménages qui n’avaient pas les moyens de les honorer. Détruisez les fondations d’une tour, et c’est la tour elle même qui s’effondre. C’est exactement ce qui s’est passé en 2007, et c’est ce que décrit The Big Short : Le Casse du siècle, d’Adam McKay, en salles mercredi 23 décembre.

Mensonges, tricheries, arnaques

Le film nous plonge dans ce nid de magouilles ou règne l’immoralité la plus totale, truffé de produits bancaires “synthétiques” frauduleux, de garantis bidons, de traders corrompus, de fausses notations sur la fiabilité des marchés, de termes techniques incompréhensibles. Mensonges, tricheries, arnaques. 

Pas étonnant dès lors que l’image du trader soit écornée. On accuse cet acteur-clé du système de tous les maux – alors qu’en général, il demeure un simple bras armé des vrais décideurs. Héro sanctifié du capitalisme dans les années 80, son image a longtemps été celle d’un homme à qui tout avait réussi, intelligent, riche, à l’aise avec les femmes. Comme dans 9 semaines et demie, ou Mickey Rourke affiche un train de vie luxueux et séduit Kim Basinger. Si il est taré, c’est sur l’oreiller que ça coince et pas dans une salle de marché.

Certes, en 1987, Oliver Stone dresse un portrait au vitriol du monde de la finance dans son film Wall Street. “Greed is good” (“L’avarice, c’est bien”), la devise du trader Gordon Gekkho incarné par Michael Douglas, laisse déjà planer un gros doute sur la moralité des marchés. Mais il faut attendre les années 2000 pour que la représentation cinématographique du trader s’assombrisse vraiment.

Bad boys cools gagnant des millions

En 2000, Les initiés de Ben Younger et American Psycho de Mary Haron creusent ce sillon. A l’écran, le trader boit, passe son temps à sniffer de la coke et à rendre visite aux filles de joie. Rien de bien méchant, au fond, mais ces petits cracks des salles des marchés se comporte alors comme des gangsters, non comme des petits soldats du capitalisme. Bad boys cools gagnant des millions en s’éclatant.

La crise des subprimes en 2007 met définitivement à mal cette image de réussite et de coolitude. Et fait basculer le trader du côté obscur de la force, certainement parce qu’il est le symptôme le plus visible de l’immoralité des banques. Le documentaire Inside Job de Charles Ferguson, en 2008, démontre avec brio que les banques savaient exactement ce qu’elles faisaient en commercialisant des produits financiers toxiques.

Si le système se casse la figure, ce sont les autres qui paieront est un bon résumé de l’état d’esprit qui régnait alors dans les cercles de décision de Wall Street. Le clou est enfoncé en 2011 avec Margin Call qui décrit la faillite de Lehman Brothers et la cupidité de ses dirigeants. Le loup de Wall Street en 2013, qui parle de l’ascension irrésistible d’un trader joué par Leonardo DiCaprio, puis de sa chute et de sa rédemption, ne parvient pas à sauver grand chose non plus.

Dernière étape en date donc, avec The Big Short qui dépeint un système d’escroquerie à grande échelle. Là, le trader est un vrai méchant. Corrompu, menteur, déloyal. Le Docteur Michael Burry, ancien neurologue devenu gestionnaire d’un fond de placement, comprend en corrélant des informations sur les produits immobiliers qu’un désastre se rapproche. Lui vient alors une idée folle : parier contre les banques sur leur défaut de paiement.

Le trader, un danger pour la société

Michael Burry est bientôt rejoint par trois outsiders de la finance qui sont également persuadés que le système va s’effondrer, et notamment par Mark Baum, dirigeant comme lui d’un fonds de placement, qui mène une croisade contre l’immoralité des banques. Pour vérifier si l’hypothèse d’un effondrement est sérieuse, ils vont plonger au cœur de Wall Street.

Ces nouveau méchants contrôlent les leviers de la finance et leur pouvoir est énorme. Ils peuvent détruire des entreprises, mettre des gens au chômage, faire perdre des millions voire des milliards de dollars. Derrière cette image très négative, se cache également en pointillés l’idée que le trader est dangereux : sa cupidité va le mener à sa perte et nous avec.

Symptomatique de la perception que se fait la société du monde de la finance, l’image du trader s’est dégradée au fil du temps. Preuve que le sujet est d’actualité, Billions, la nouvelle série de Damian Lewis visible dès le 17 janvier prochain sur Showtime, décrit également un monde de la finance peu reluisant.

Hollywood a modelé un nouveau méchant, aux antipodes du symbole de réussite des années Reagan. Il joue le rôle de catalyseur de toutes les frustrations et de la colère qui se sont fait jour quand les gens se sont rendus compte qu’ils s’étaient fait arnaquer par les banques. Alors gageons que ce nouveau méchant a, malheureusement, encore de beaux jours devant lui.