En Hongrie, la comédie musicale Billy Elliot a été annulée pour ne pas “rendre les garçons homosexuels”

En Hongrie, la comédie musicale Billy Elliot a été annulée pour ne pas “rendre les garçons homosexuels”

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Par Arthur Cios

Publié le

Un média proche des idées du Premier ministre ultraconservateur Viktor Orbàn s’est attaqué à la comédie musicale Billy Elliot, forçant l’Opéra de Hongrie à annuler le reste des représentations prévues.

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En 2000, le cinéaste britannique Stephen Daldry sortait son premier long-métrage, qui fut salué par les critiques du monde entier : Billy Elliot. On y suivait un jeune Jamie Bell, qui jouait le fils d’un mineur, qui vit dans une petite ville de l’Angleterre des années 1980 et qui se prend de passion pour la danse classique. Une histoire sur les clichés sur la danse et le machisme de l’époque, qui était assez avant-gardiste et rencontra un véritable succès.

Au point qu’un certain Elton John a composé la musique de l’adaptation en comédie musicale. Une pièce qui tourne depuis 13 ans maintenant, qui a lancé la carrière du petit Tom Holland, et qui a reçu des dizaines de récompenses, dont dix Tony Awards (l’équivalent des Molières aux États-Unis). La pièce a été un carton un peu partout dans le monde, sauf en Hongrie.

Alors que l’Opéra national de Budapest avait prévu des dizaines de dates, voilà que l’on apprend grâce à nos confrères des Inrocks que ces dernières ont été annulées. En cause ? Un article assassin d’un média proche du pouvoir, Magyar Idok. Ce dernier a provoqué une chute des ventes de places, forçant Szilveszter Okovacs, le directeur de l’institution hongroise, à annuler le reste des représentations.

“Propagande gay”

Le papier en question, écrit par Zsofia N. Horvath, proclame haut et fort que la comédie musicale est de la “propagande gay”. Tout simplement. Elle explique ainsi :

“Chacun […] peut voir que le garçon danse avec [un autre] petit garçon plutôt qu’avec [des filles]. […] Il y a une scène dans laquelle le garçon essaye de trouver des vêtements pour femmes avec son petit ami, et des [lumières] arc-en-ciel apparaissent derrière eux.”

Selon l’auteure de cet article, la pièce contient un message “subliminal” poussant la jeunesse à devenir gay, notamment en défendant le concept “d’oser être soi-même”, qui serait une “évidente” référence à l’homosexualité.

Mais plus encore, Horvath utilise un argument très surprenant sur la politique démographique du pays, selon lequel mettre en avant cette “propagande” nuirait à la politique menée par le gouvernement pour inciter les citoyens à avoir plus d’enfants — sur fond de xénophobie ambiante :

“Comment est-ce qu’une institution nationale si importante qu’est l’Opéra peut aller à l’encontre des objectifs de l’État et utilise la performance faite pour des jeunes d’environ dix ans, au moment où ils sont le plus fragiles, pour faire une telle propagande gay […] ?

Promouvoir l’homosexualité ne peut pas être un objectif national dans une situation où la population vieillit et diminue, et que notre nation est menacée par une invasion étrangère.”

Une politique peu LGBT-friendly

Malheureusement, Magyar Idok est particulièrement influent. Ainsi, à la suite de la publication de cet article le 1er juin, les ventes d’entrées ont chuté. Au point que le directeur de l’Opéra a dû annuler les 15 dernières dates.

Celui-ci s’est défendu dans un article paru dans le même titre, en expliquant que “ce n’est pas parce que quelque chose faisant indéniablement partie de la vie apparaît sur scène que cela signifie que nous le promouvons”. Mais cela n’a pas suffi à sauver la pièce.

Néanmoins, pour le gouvernement, l’article n’est pas la cause directe de l’annulation de ces 15 dates. “Les performances n’ont pas été annulées à cause de la polémique dans la presse, mais en raison de la baisse d’intérêt causée par les critiques”, écrit l’Office de la communication internationale du gouvernement, dans un communiqué relayé par le Daily Beast.

Pour rappel, depuis l’arrivée au pouvoir en 2010 du populiste eurosceptique Viktor Orbàn, les droits des LGBTQ+ ont reculé en Hongrie — le pays était pourtant jusque-là l’un des plus avancés en la matière en Europe centrale et de l’Est. Viktor Orbàn a fait ratifier une loi sur “la défense de la famille” en 2011, avant de faire adopter une nouvelle constitution la même année où il est écrit noir sur blanc que le mariage est l’union d’un homme avec une femme.

Son dernier coup d’éclat remonte à quelques jours, quand il a donné une conférence à la réunion annuelle de l’International Organisation of the Family, une ONG qui promeut des lois contre les intérêts des personnes LGBTQ+. Le nom du rassemblement de cette année ? “Building Family-Friendly Nations: Making Families Great Again”.

Le ton est donné.