Clueless a 25 ans et continue toujours d’influencer la pop culture

Clueless a 25 ans et continue toujours d’influencer la pop culture

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(© Paramount Pictures)

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Par Manon Marcillat

Publié le , modifié le

À l'occasion de son anniversaire, retour sur l'héritage pop de Clueless.

Retour 25 ans en arrière, en 1995. Les teens américains, puis leurs voisins d’ailleurs, voient débarquer sur leurs écrans de cinéma Cher Horowitz, une lycéenne de Beverly Hills au physique avantageux et pétrie de bonnes intentions qui, lassée de s’entendre reprocher sa prétendue superficialité, va décider de faire le bien autour d’elle à grand renfort de make-over et de coups arrangés.

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Le succès commercial et critique de Clueless sera immédiat et le film deviendra un objet de pop culture à part entière qui continuera à asseoir son influence plus de vingt ans après sa sortie.

Pourtant, le destin de Clueless a failli ne jamais s’écrire. Le film fut d’abord refusé par 20th Century Fox qui jugeait le casting trop féminin et donc sans véritable potentiel commercial. Sur grand écran, la mode du moment était alors aux Buddy Movies portés par des duos masculins, de Bill and Ted’s Excellent Adventure à Dumb and Dumber. La réalisatrice Amy Heckerling fut donc priée de réécrire son scénario en offrant la part belle aux personnages masculins. Elle refusera et Clueless finira par trouver refuge chez Paramount Pictures.

Et le studio fut alors bien inspiré puisque 25 ans plus tard, les faits sont là : Clueless est toujours considéré comme un des meilleurs Teen Movies jamais réalisés et infuse sa Teen Touch dans toute la pop culture, du cinéma à la musique, en passant par la mode, les séries, les comédies musicales, la bande dessinée, les applications et autres mèmes. Pur produit de son époque, Clueless n’a toujours pas pris une ride et n’est visiblement pas près de disparaître de l’inconscient collectif. La preuve par trois.

Sa descendance sur grand écran

Sous ses airs de satire de la superficialité des rich kids de Los Angeles, Clueless est également tout autre chose et met en lumière un personnage féminin complexe et ambivalent, que l’on aime autant qu’on le déteste. Cher Horowitz est aussi belle qu’obsédée par son apparence mais néanmoins bienveillante, fine connaisseuse d’Hamlet, championne en négociation et en réthorique (ses répliques et autres “As if!” font désormais partie intégrante du langage courant).

Son demi-frère Josh, sous les traits du très sympathique Paul Rudd, est aussi plaisant qu’il est parfois risible, comme lorsqu’il dégaine son essai de Nietzsche tel un accessoire de mode. Dans Clueless, les téléphones portables avaient la taille de cabines téléphoniques mais même sans selfie, la mise en scène de soi était déjà bien là et tout le monde en prenait alors pour son grade.

Cher et Josh sont les Emma et Mr. Knightley d’Emma de Jane Austen et Clueless une intelligente adaptation de l’œuvre d’Austen qui a célébré ses 200 ans la même année que le film soufflait ses vingt bougies. Intelligente car elle est parvenue à transposer le sous-texte du roman à Beverly Hills tout en capturant l’essence des 90’s.

Le roman et le film nous livrent un récit d’apprentissage où les héroïnes pensent faire le bien autour d’elles en imposant leur vision des relations à leur entourage et finiront par se remettre en question en comprenant que ce sont en réalité elles les débutantes en la matière. L’un des (nombreux) points forts de Clueless est d’être parvenu à retranscrire dans un Teen Movie l’aspect incestueux de la relation entre Cher/Emma et Josh/Mr. Knightley sans édulcorant mais néanmoins sans malsanité.

Les succès successifs du Teen Movie Clueless en 1995, devenu une référence du genre et de Scream, son équivalent dans le genre du slasher en 1996, ont forcé Hollywood à s’intéresser d’un peu plus près à son audience adolescente afin de lui proposer des œuvres ancrées dans son époque.

En réussissant cet exercice d’équilibriste entre chef-d’œuvre de la littérature classique et Teen Movie hollywoodien, Amy Heckerling a également ouvert la voie à une série d’adaptations cinématographiques de classiques de la littérature à destination des adolescents. En 1996, Baz Luhrmann proposa une adaptation électrique et rock’n’roll de Roméo et Juliette avec un tout jeune Leonardo DiCaprio et aux côtés de Claire Danes qui sont ainsi devenus Romeo + Juliette.

Shakespeare continuera d’avoir la cote à Hollywood avec Dix bonnes raisons de te larguer en 1999, une adaptation très libre de La Mégère apprivoisée du dramaturge anglais. La même année, Sexe Intentions, adaptation des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et She’s All That (Elle est trop bien), relecture moderne de la pièce de théâtre Pygmalion du dramaturge George Bernard Shaw, viendront compléter le triptyque. 

Mais on retrouvera également du Clueless plus tard, dans Lolita malgré moi en 2004. Dans As If! The Oral History of ‘Clueless’, la journaliste spécialiste de la pop culture Jen Chaney explique l’influence du film d’Amy Heckerling sur celui de Tina Fey, qui a détourné un à un chacun des codes de Clueless en inversant les points de vue.

“Je pense que Mean Girls est un mélange de Clueless et Heathers. […] Je ne sais pas si Tina Fey a consciemment voulu réinventer Clueless lorsqu’elle a écrit Mean Girls mais il y a quelque chose dans ces deux films — que la Paramount a d’ailleurs regroupé ensemble dans un coffret DVD — qui nous fait les appréhender comme s’ils étaient connectés. Rien que dans l’esthétique des films et dans les relations entre femmes, il y a des ressemblances. Même si les relations féminines dans Clueless sont bien plus positives que dans Mean Girls.

En 2015, soit vingt ans après la sortie de Clueless, le jeune réalisateur anglais Charlie Lyne tentera de réhabiliter le Teen Movie, un genre qu’il trouve trop mésestimé, dans un documentaire sous forme de déclaration d’amour intitulé… Beyond Clueless. Une nouvelle preuve que le film d’Amy Heckerling est bel et bien une clé de voûte du genre fermement ancré dans l’imaginaire collectif.

Une BO symbole d’une époque, qui traverse les générations

La BO du film est également le reflet d’une époque. Entre les Supergrass, une reprise des Cranberries en passant par Radiohead, tout y est. Les musiques du film collent parfaitement à cette génération scotchée devant MTV, une génération à la pointe de la mode et pour qui l’argent n’est pas un problème.

Du moins pour Alicia Silverstone alias Cher. Désabusée par les garçons, aux petits soins pour son père et pratiquant l’art de la manipulation avec brio, on suit les manigances de l’adolescente sur un fond musical en accord avec cette jeunesse, en commençant par les Supergrass.

Le morceau “Alright” va très vite accompagner des scènes cultes de Teen Movies. Ici, pendant la scène de séance photos devant la fontaine du lycée ou encore plus récemment dans LOL de Lisa Azuelos, sorti en 2009, qui a marqué une toute une génération d’ados. Le voyage en Angleterre, toujours avec les Supergrass est devenu un passage mythique du film et donne un peu – beaucoup – envie de retourner au lycée pendant les voyages de classe.

La version acoustique de Radiohead, avec “Fake Plastic Trees” apporte une mélancolie en demi-teinte à Clueless, lorsque Cher et Josh se retrouvent dans la cuisine pour s’échanger des amabilités, comme à leur habitude. La BO va inspirer bien d’autres Teen Movies par la suite. D’abord quatre ans plus tard en 1999 dans She’s all that de Robert Iscove avec une reprise des Cranberries par Sixpence None the Richer.

Mais l’influence du film sur la musique ne s’arrête pas là. Encore aujourd’hui, l’industrie de la pop se nourrit de ce Teen Movie devenu culte. Certaines stars s’inspirent des tenues de l’héroïne pour leurs clips ou vont même jusqu’à recréer des scènes entières du film.

Des costumes cultes qui envahissent la scène pop

Les costumes, confectionnés par Mona May, sont devenus iconiques après le film et encore aujourd’hui, certains redeviennent tendance, même 25 ans après. (Après tout la mode n’est-elle pas qu’un éternel recommencement ?) Exit les jeans troués de l’époque, ils ont été troqués contre un tailleur jaune à carreaux, celui que Cher porte le jour de la rentrée. Pas de doute, Cher Horowitz est toujours aussi stylée.

Mais pour être stylé·e, il faut du budget. Et le style dans Clueless est primordial, il reflète la personnalité de chaque personnage. L’enveloppe costumes n’était pourtant pas énorme, 200 000 dollars seulement pour trouver des pièces d’exception. Mona May a dû ruser en trouvant certaines pièces en friperie et les acteur·ices devaient même ramener ce qu’ils et elles possédaient dans leur propre garde-robe. Rien que pour le personnage de Cher, 60 tenues ont été choisies, sans parler de sa fidèle acolyte, Dionne, son double féminin, dont les tenues vont de pair avec celles de sa meilleure amie.

“Je travaillais comme créatrice de mode et costumière à la fois, parce que je prédisais les tendances”, explique Mona May dans une interview accordée à Uproxx. Et même 25 ans après, certaines stars raffolent encore des tenues de Cher.

La rappeuse australienne Iggy Azalea s’est donc inspirée du film en recréant de A à Z certaines scènes cultes, comme celle d’ouverture avec l’exposé en classe ou celle en cours d’EPS, pour son clip Fancy, sorti en 2014. Les looks d’Alicia Silverstone sont repris à la perfection, dont le fameux ensemble jaune à carreaux. L’ordinateur de bord du dressing dans le film se transforme en tablette dans le clip, les téléphones portables qui rappellent les fameux Nokia 3310 deviennent des smartphones.

Mais elle n’est pas la seule à avoir flashé sur la pièce maîtresse jaune à carreaux qui a fait fureur. La chanteuse Tinashe a également repris la tenue et l’a revisitée version 2018 et cours de tennis, pour son clip “Me so Bad”. Autre reprise de la tenue avec une autre artiste. Cette fois c’est Ariana Grande qui a rendu hommage au film lors de son “Sweetener Tour”. Un hommage apprécié par la costumière du film, Mona May :

Mais les fans apprécient d’autres looks que ceux d’Alicia Silverstone. Le personnage de Dionne, la meilleure amie de Cher, n’a pas laissé Lupita Nyong’o indifférente. Son chapeau extravagant reconnaissable entre mille, qu’elle porte le premier jour de cours, et son sac à main mythique ont inspiré l’actrice pour son costume d’Halloween en 2018. Elle reprend totalement le look du personnage et va même jusqu’à se procurer une fausse dreadlocks, un joli clin d’œil à la scène de ménage entre Dionne et son petit ami.

Cinéma, musique, mode, Clueless se rappelle régulièrement à nos bons souvenirs et cristallise en son sein la nostalgie d’une époque.

Article écrit par Lisa Drian et Manon Marcillat