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Quand le cinéma se barre sur le petit écran

Quand le cinéma se barre sur le petit écran

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Par Etienne Dang

Publié le

1. Plus de libertés sur le petit écran ?

Si Soderbergh a fait Liberace sur HBO, c’est que c’était un projet qui n’attirait pas les envies des studios américains. HBO a une grande liberté que n’a plus le cinéma, mais c’est une chaîne qui est devenue un espace d’expression friand de grands noms. Ce sont des gens qui viennent terminer d’asseoir la télévision comme égale du cinéma, parce qu’il y a encore une envie d’avoir des grands noms aux commandes de séries ou de téléfilms.

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Le petit écran serait alors un échappatoire pour le cinéma, qui continue son processus d’uniformisation, et cherche en priorité la rentabilité : quitte à mettre de l’argent dans un film, autant en mettre beaucoup, à condition qu’il en rapporte beaucoup plus. À voir les films produits par Hollywood cette année – qui sont en majorité des suites et de moins en moins des projets originaux – peu d’entre eux permettent au réalisateur (ou au scénariste) une liberté totale.
Pierre Langlais poursuit :

On note clairement un essoufflement des idées originales, et les studios ont une crainte de faire de l’audience à tout prix, pour les grandes chaînes. Maintenant qu’ils ont pompé tous les bouquins, ils se tournent désormais vers le cinéma.

2. Plus de moyens ?

  • Game of Thrones (l’une des plus chères) : environ 5 millions de dollars par épisode;
  • Breaking Bad : 3,2 millions de dollars par épisode;
  • The Walking Dead : 2,8 millions de dollars par épisode (3,4 pour la première saison).

D’accord il y a des séries qui sont chères, mais qu’en est-il des nouvelle séries, adaptées du cinéma ? Disposent-elles de budgets adéquats ? La réponse est oui. Quelques exemples :

  • Bates Motel (inspiré du tueur de Psychose d’Hitchcock): 1 million de dollar par épisode;
  • Taxi Brooklyn South inspirée du film Taxi : 2 millions d’euros par épisode;
  • Le Transporteur inspirée du film homonyme : 4 millions d’euros par épisode.

3. La télévision, plus rentable que le cinéma ?

Difficile de mesurer le succès d’une série. Son audience ? Le nombre de téléchargements illégaux ? On peut difficilement savoir combien une série télé rapporte. Un seul indice : si elle est reconduite, c’est qu’elle est plutôt rentable.
Ainsi, Hannibal – show télévisé inspirée des films Le Silence des Agneaux ou Hannibal – reviendra avec une deuxième saison, tout comme House of Cards de David Fincher.

Pierre Langlais nous rappelle cependant que c’est avant tout une affaire de rentabilité :

C’est donc à la base une idée marketing, mais ça peut déboucher sur une bonne série. Ce sont avant tout des hommes d’affaires, ils pensent en terme de produits mais peuvent aussi avoir une certaine ambition artistique. […]. Qu’est ce qui peut fonctionner ? Bates Motel, série tout à fait honnête. S’ils avaient appelé ça John’s Motel (donc sans référence à l’oeuvre Hitchcock), ça aurait eu moins de succès et beaucoup moins de journalistes en auraient parlé.

À en croire tous les projets qui émergent, la migration des films vers le petit écran devrait connaître un essor important les prochaines années. Sélection de quelques projets, plus ou moins avancés :

  • Le Dernier des Mohicans par FX;
  • L’Armée des Douze Singes par SyFy;
  • L’Exorciste, pas de chaîne encore associée au projet;
  • Gomorra par Sky Italia;
  • Fargo par FX;
  • American Psycho par  FX;
  • Fargo par FX.

4. La télévision est une occasion de diversifier l’offre

Pour aider et renforcer ce phénomène, de plus en plus de cinéastes se mettent à réaliser des séries ou seulement des pilotes (disposant en général de budgets conséquents). C’est le cas notamment de David Fincher, qui signe la série House of Cards , ou encore de Martin Scorsese, qui a réalisé le pilote de la série qu’il produit : Boardwalk Empire.
L’occasion pour un cinéaste d’adopter un format différent de celui « imposé » par le cinéma : développer ses idées, avoir une trame narrative plus complexe, disposer d’avantage de personnages, les explorer plus en profondeur au fil des épisodes.
Pierre Langlais déclare à ce sujet :

La plupart de ces projets de “remakes” ne sont pas sur HBO, AMC, mais sur d’autres chaînes, qui ont besoin d’un plus gros public. Cela pose toujours le même problème des remakes : il faut réussir à capter l’attention de ceux qui ont vu l’original et aussi ceux potentiellement attirés par le nouveau “produit”. En seulement 1h30 ou 2 heures de film, c’est difficile de développer une idée de façon complète. La série est donc une opportunité pour détailler son propos, par exemple pour adapter un bouquin de manière plus poussée.

Dans un interview pour Telerama, David Fincher expliquait :

Je réfléchissais depuis longtemps à faire une série, mais j’avais du mal à trouver l’histoire et le format qui me conviendrait. Depuis l’explosion du câble, il y a déjà plus de dix ans, les séries se racontent en saisons de douze ou treize épisodes. Cela m’a donné envie de développer des histoires que j’avais en tête mais qui ne rentraient pas sur deux heures de film. A l’inverse de la télévision, le cinéma a perdu de sa richesse. On a de plus en plus d’argent pour faire s’écraser des avions, mais de moins en moins de temps pour bâtir des personnages.

On a notamment appris qu’Alfonso Cuarón (pilote de Believe), Nicolas Winding Refn (Barbarella), Night Shyamalan (mini-série Wayward Pines), Guillermo del Toro (pilote de The Strain) ou encore Ridley Scott (pilote de The Vatican) allaient se frotter au monde du petit écran. On s’en réjouit d’avance.
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Bande-annonce de House of Cards, dont les premiers épisodes étaient de David Fincher

À en croire le nombre d’adaptations de films vers la télévision, et la volonté des réalisateurs de cinéma à toucher un peu au monde du petit écran, la télé a encore un grand avenir devant-elle. À ce jour, on compte parmi ces séries Hannibal, Taxi Brooklyn, Le Transporteur, Bates Motel, Nikita, Romanzo Criminale ou encore Stargate.