Bonnie and Clyde : les 50 ans d’un film éternel

Bonnie and Clyde : les 50 ans d’un film éternel

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© Warner Brothers/Seven Arts

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Par Mehdi Omaïs

Publié le

Coups de feu, sexe, violence… En 1967, lors de sa sortie, Bonnie et Clyde a provoqué un immense tsunami sur les terres du cinéma. Le classique d’Arthur Penn fête son 50e anniversaire.

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Pas besoin d’antirides ou de botox. En ce mois d’août, Bonnie and Clyde affiche 50 années au compteur. Et, n’en déplaise aux méfaits des horloges, le long-métrage culte d’Arthur Penn présente toujours le visage de la jeunesse éternelle. Une œuvre au pouvoir intact, qui cristallise dans son ADN les pierres fondatrices du Nouvel Hollywood. En 1967, les gros studios hollywoodiens vacillent. Le pouvoir change de main. Deux films s’extirpent alors des décombres du déjà-vu et s’affranchissent des normes narratives en vigueur pour placer l’art et le regard du cinéaste au centre de tout.

C’est ainsi que Le Lauréat et Bonnie et Clyde font souffler un vent nouveau, rebattant la kyrielle de cartes racornies qui gisent alors sur les bureaux rutilants des nababs. Très vite, ces deux électrons libres engendreront une pléthore de chefs-d’œuvre et amorceront l’avènement de metteurs en scène majeurs. De Taxi Driver à French Connection en passant par Rosemary’s Baby ou Macadam Cowboy, la créativité déploie ses ailes. Il faut dire que le contexte appelle au renversement, à la révolution, à la refonte du monde. Les États-Unis sont englués dans une guerre du Vietnam traumatisante. Les esprits s’échauffent. Les consciences bougent. Les lignes aussi.

De ce terreau de tensions naît Bonnie and Clyde, de la plume de David Newman et Robert Benton, deux scénaristes férus de François Truffaut et de la Nouvelle Vague. Arthur Penn en est conscient : le film en question s’apprête à lâcher un cri primal dans un environnement déliquescent. Raison pour laquelle le cinéaste souhaite qu’il ne souffre d’aucune aseptisation. Il doit être raw, brut, à l’image de l’histoire vraie sur laquelle il est basé. Celle de Bonnie Parker et Clyde Barrow, deux amants qui ont multiplié les attaques à main armée dans le Sud-Central d’une Amérique cancérisée par la Grande Dépression.

Couple mythique pour destin mythique

2017. Le sourire qu’ils affichent au moment de la bourde de l’Oscar du meilleur film (La La Land donné gagnant en lieu et place de Moonlight) marque une belle complicité. Et pourtant, tout n’était pas rose à la fin des sixties. Faye Dunaway et Warren Beatty, les interprètes respectifs de Bonnie et Clyde, ne s’entendaient pas du tout au moment du tournage. Heureusement pour l’Histoire, ils ont réussi à passer outre leurs différends pour construire à l’écran l’une des idylles sauvages les plus stimulantes de la frise du cinéma. De casses en crissements sur l’asphalte, ils se sont mués en icônes d’une jeunesse passée reine dans l’art d’envoyer bouler la société bien-pensante.

Si Bonnie and Clyde a autant marqué les esprits, c’est sûrement par sa volonté de ne jamais donner au spectateur ce qu’il a l’habitude de brouter comme un mouton de Panurge. Ici, entre rupture de tons et variation de rythme, les frontières entre le bien et le mal sont brouillées. Jamais les héros tumultueux ne sont traités comme les bad guys de l’histoire. Bien au contraire, Arthur Penn, par la voix d’un scénario réformateur, transforme les acteurs de l’establishment en méchants. En l’occurrence, les flics et tous ceux qui se mettent en travers du destin du couple de braqueurs. Un combat entre deux mondes qui finit dans le sang, tragiquement, sous les yeux hagards du public d’hier et d’aujourd’hui.

Film politique, instantané sociétal, Bonnie and Clyde est, sans surprise, devenu le porte-drapeau messianique d’une jeunesse libertaire – celle de Mai 1968, des grandes contestations. Laquelle l’a directement porté aux nues, n’en déplaise aux critiques de glamourisation portant sur le duo star et sur l’apologie de la violence (“Ils sont jeunes, ils sont amoureux, ils tuent des gens”, était l’argument de départ du film). Il s’est également taillé un positionnement matriciel, avec la triade art-violence-sexe, dans le monde du cinéma et, par extension, dans la pop culture. Cinquante ans après son émergence, l’œuvre d’Arthur Penn n’a jamais cessé d’influencer les réalisateurs, à l’image de Terrence Malick (La Balade sauvage), Oliver Stone (Tueurs nés), Tony Scott (True Romance) ou, plus récemment, Ben Wheatley (Touristes). Si vous ne l’avez jamais vu, souhaitez-lui sans tarder un joyeux anniversaire.