Mais au fait, il sert à quoi le Festival de Cannes ?

Mais au fait, il sert à quoi le Festival de Cannes ?

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Par Ariane Nicolas

Publié le

Vous en avez marre d’entendre “Cannes ! Cannes !” partout dans les médias ? Pourtant, si on parle autant du festival, ce n’est pas pour rien…
“Elles sont toutes blondes, elles sont toutes bonnes, c’est toutes des blondes en silicone”, chantait M dans son Festival de connes. À une lettre près, le rendez-vous des amoureux du cinéma sur la Croisette a de quoi susciter quelques réticences. Pourquoi s’extasier devant cette armée de flashs, ces talons aiguilles kilométriques, ces sourires contrits, ces discours pompeux, ces soirées invisibles, bref, un événement réservé aux happy fews et à quelques cinéphiles courageux ?
C’est qu’à Cannes, n’en déplaise aux rageux, il n’est pas seulement question de paillettes et d’alcool. Le festival brille pour d’autres raisons. À l’occasion de la 69e édition – précisons par souci de transparence que Konbini est partenaire de la Quinzaine des réalisateurs –, nous vous expliquons pourquoi Cannes reste incontournable.

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1. Le premier marché du film au monde

De l’autre côté des marches, échappant aux caméras, se trame ce qui est, pour les professionnels du secteur, l’intérêt numéro 1 de Cannes : le Marché international du film (MIF). C’est tout simplement le premier au monde.
Sorte de salon de l’agriculture pour les producteurs et distributeurs, il permet de mettre en contact des professionnels qui n’auraient, sinon, jamais l’occasion de se serrer la pince. L’an dernier, près de 12 000 personnes ont été accréditées, dont plus de 1 800 acheteurs et 5 000 sociétés représentées, pour un total de 1 400 projections, selon les chiffres officiels.

Cela en fait, des cartes bleues prêtes à acquérir le prochain chef-d’œuvre de Haneke ou Bonello. Jérôme Paillard, son directeur, précise dans La Croix :

“Le MIF marche sur deux pieds. Le premier concerne les échanges traditionnels entre vendeurs et distributeurs. Le second, en plein développement, encourage le financement international des films.”

Le rôle de son équipe, c’est donc “d’optimiser les rencontres” à travers différents événements : petits déjeuners, cocktails, et même des “mixers”, qui “rassemblent jusqu’à 500 personnes autour d’un intérêt commun”.

2. Une vitrine unique pour des (petits) films

Ah, la Palme d’or… Elle en a fait tourner, des têtes. Et pour cause, recevoir la récompense suprême, c’est s’assurer une exposition médiatique (quasi) gratuite, à la fois prestigieuse et internationale. Sans la breloque, Winter Sleep (2014), film turc de trois heures quinze, aurait-il attiré 360 000 spectateurs en salles ? Idem pour Le Goût de la cerise (1997), Oncle Boonmee (2010) ou plus anciennement Quand passent les cigognes (1958), drame soviétique qui avait attiré 5,4 millions de curieux en France.

Une simple sélection, même sans prix, peut changer le destin d’un film. Pour Vodkaster, un monteur raconte une triste anecdote :

“Le distributeur qui était intéressé par le film pendant les rumeurs n’a pas rappelé le producteur après l’annonce officielle. Le producteur espérait sortir son film sur 150 à 200 salles. Il espère maintenant une sortie sur 5 salles. Et n’est pas sûr de l’obtenir.”

L’obtention d’une Palme d’or n’est pas nécessairement synonyme de carton interplanétaire. En témoigne l’exemple du réalisateur Jacques Audiard, qui a obtenu la récompense suprême avec Dheepan, un film moyen qui n’a récolté que 550 000 entrées, alors qu’il aurait davantage mérité pour Un prophète, qui fut un succès en salles.

3. Un baromètre du 7e art

Dans le petit monde des festivals de cinéma, Cannes occupe une place privilégiée. Non seulement par son ampleur, on l’a vu, mais aussi par son éclectisme. Grâce, notamment, aux sélections parallèles (Un certain regard, La Quinzaine des réalisateurs, La Semaine de la critique, etc.), le spectre est large, en termes de genres, de budget comme de provenance géographique. Un éclectisme avec lequel seul le festival de Toronto peut rivaliser, même s’il est davantage axé cinéma anglo-saxon.
Thierry Frémaux, directeur délégué du Festival de Cannes qui visionne près de 1 500 films pour établir la sélection officielle, résume dans Next :

“Cannes est important parce qu’on y voit 70 % des films majeurs de l’année, ceux qu’on attend et ceux qu’on découvre.”


Une analyse partagée par Télérama, qui tisse un lien entre l’histoire du cinéma et l’histoire du festival :

“La Palme a couronné des auteurs qui méritaient de l’être parce que leur place est essentielle dans la chronologie du 7e art (de Coppola à Kurosawa ou Fellini), elle a accompagné des mouvements (le cinéma politique italien, les ‘angry young men’ qui ont bousculé le cinéma britannique, la cinquième génération de réalisateurs chinois). Elle en a raté d’autres : la Nouvelle vague ou Ingmar Bergman n’ont pas été couronnés.”

Bref, Nobody’s perfect, mais les ratés n’englobent pas non plus la majorité des cas.

4. Une usine à souvenirs magiques

S’il est bien un art qui accorde une place essentielle aux souvenirs, c’est le cinéma. Les images, les sons, la musique, les situations… Le Festival de Cannes est à cette image. Chaque année ou presque, il laisse une empreinte dans l’esprit des festivaliers, qu’ils soient artistes, journalistes ou simples spectateurs.

Ainsi, l’histoire du cinéma ne serait pas tout à fait la même sans l’annulation du festival en 1968, la Palme d’or remise par Quentin Tarantino à Michael Moore, l’accolade entre Isabelle Huppert présidente du jury et Michael Haneke, le scandale La Grande bouffe, le bustier JPG de Madonna, le boycott d’Isabelle Adjani par les paparazzis, la hargne de Maurice Pialat, la gouaille de Roberto Benigni. Rien que pour ça, Cannes vaut le coup !