Akira, pierre angulaire culte de la pop culture

Akira, pierre angulaire culte de la pop culture

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Par clara hernanz

Publié le

Alors qu'il ressort dans les salles françaises, retour sur le chef-d'œuvre de Katsuhiro Otomo.

Il y a parfois des films, des séquences, des plans, des images, qui restent gravés à jamais dans vos rétines, dans votre cervelle de cinéphiles et dont le souvenir est toujours aussi frais des années après. Quiconque ayant vu Akira de Katsuhiro Otomo sait de quoi nous parlons. S’il n’est pas le seul film de ce genre (la liste peut être longue), rarement un film d’animation aura su être aussi précurseur, définissant à la perfection la notion de “tarte dans la tronche”.

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Sorti en 1988, ce film japonais a un héritage à en faire pâlir plus d’un. C’est peu dire qu’il a marqué nombre de cinéastes et d’artistes. Il a marqué une génération entière, voire plusieurs. Alors qu’il ressort aujourd’hui, pour notre plus grand plaisir, dans les salles françaises en version 4K, replongeons-nous un peu dans ce qui est considéré par beaucoup comme le meilleur film d’animation de l’histoire, et sur son influence colossale sur la pop culture de ces 30 dernières années.

Akira commence comme un simple film d’action. Année 2019 : Neo-Tokyo, une ville reconstruite après la Troisième Guerre mondiale, croule sous la corruption, la pauvreté et le crime. Kaneda et ses amis passent le temps à faire courir leurs motos, se bagarrer et sécher les cours de l’institution pour orphelins qu’ils fréquentent. Un jour, Tetsuo, un membre du groupe, est blessé lors d’une confrontation avec un autre gang. Au lieu d’être emmené à l’hôpital, il est capturé par le gouvernement, qui va l’utiliser comme cobaye pour un projet ultra-secret.

Une grande diversité de thèmes sont abordés dans le film : la guerre et l’instabilité politique, la délinquance juvénile, l’addiction aux drogues, l’apocalypse ou encore l’origine de l’univers. Akira est le genre de film auquel on trouve un nouveau sens à chaque visionnage tant il y a de détails et de récits qui s’entremêlent. 

Mais la richesse du film se retrouve peut-être plus encore dans sa présence dans le reste de la pop culture. Exploration des influences les plus importantes de l’histoire.

Des personnages qui ont marqué la science-fiction

Il y a les thèmes, l’ambiance cyberpunk et des séquences entières qui ont infusé le septième art durant les décennies qui ont suivi la sortie d’Akira, bien sûr. Rien qu’avec les protagonistes, cela paraît évident.

La ressemblance, par exemple, entre Tetsuo et Neo de Matrix (1999) est flagrante. La scène dans laquelle Tetsuo s’échappe de l’hôpital où il est retenu prisonnier est similaire à celle dans laquelle Neo prend conscience de son pouvoir à la fin du film des sœurs Wachowski. Dans les deux cas, les deux personnages découvrent leurs nouveaux pouvoirs et les essaient pour voir ce qu’ils peuvent en faire.

<em>Matrix</em> vs <em>Akira.</em>

D’ailleurs, la scène où Neo rencontre les enfants “potentiels” dans l’appartement de l’Oracle est aussi empruntée à une scène très similaire de la fin d’Akira. Pour ne citer que ceux-là. On sait que Matrix est sans doute le film où l’influence d’Akira est la plus palpable. Mais il n’est pas le seul à avoir puisé dans cette imagerie.

Lors d’un Ask Me Anything sur Reddit, le directeur Rian Johnson a attribué l’inspiration pour son film Looper (2012) à Akira : “Les mangas Akira et Dômu de Katsuhiro Otomo étaient une grande influence”, a-t-il déclaré sur le site. Bizarrement, le personnage de Joe – joué par Joseph Gordon-Levitt – ressemble physiquement à celui de Tetsuo.

L’année 2012 a vu un autre film s’inspirer d’Akira : Chronicle de Josh Trank. À la sortie du film, de nombreux articles de presse l’ont comparé, en faisant une sorte de Akira américain. Télékinésie, adolescence tourmentée, désir de revanche : autant de thèmes qui reviennent dans ce thriller américain et font écho au long-métrage japonais. Dans une interview avec le site américain Gizmodo, le réalisateur expliquait ainsi :

“En grandissant, j’avais l’habitude d’utiliser l’expression ‘Je vais faire une Akira’ (‘I’m gonna go Akira on them’). Alors quand Max [le scénariste, ndlr] et moi on parlait du scénario, avant même que ce soit écrit, on disait : ‘Et alors, à ce moment-là, il [le personnage principal, ndlr] va juste faire une Akira.'”

De nombreux personnages avec des pouvoirs psychiques ont suivi l’exemple d’Akira : Murdoch de Dark City (1998), Andrew de Chronicle (2012), et même Eleven dans Stranger Things. Dans la fameuse série Netflix, c’est aussi un groupe secret qui entraîne un enfant pour utiliser ses pouvoirs mentaux comme une arme létale. Vous voyez le lien ?

Des scènes cultes

Il n’y a néanmoins pas que Tsetsuo au cœur de ce récit, mais aussi son environnement, sa ville ravagée par le cataclysme. Dans les décennies qui ont suivi la sortie d’Akira, des longs-métrages comme Dark City (1998) et Inception (2010) ont repris, en particulier, les scènes de destruction où des bâtiments délabrés semblent s’effriter alors qu’une force surnaturelle réduit la ville au néant. Le directeur Alex Proyas a ainsi confirmé que les dernières scènes de Dark City étaient un “hommage” à Akira.

<em>Inception</em> vs <em>Akira.</em>

Des scènes comme le dérapage à moto de Kaneda ont été reprises des dizaines de fois, comme en témoigne ce post de clips compilés par des fans. D’ailleurs, la moto rouge de Kaneda fait peau neuve dans le dernier Spielberg, Ready Player One (2018), film-orgie de références pop culture, de Shining au Géant de fer, et donc à Akira.

(© Ready Player One, 2018)

Mais pour tous les cinéastes qui vouent un culte à ce film d’animation, Akira a touché bien d’autres sphères artistiques. En témoigne Kanye West. Le rappeur avait d’ailleurs proclamé – dans un tweet supprimé depuis – qu’Akira était “son film préféré de tous les temps”, ainsi que There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson. Dans le clip de “Stronger” (2007), extrait de son album Graduation, il interprétait lui-même le rôle de Tetsuo.

<em>Akira</em> vs “Stronger” de Kanye West.

<em>Akira</em> vs “Stronger” de Kanye West.

Une claque esthétique

Ce n’est pas que pour la beauté visuelle que tous ces plans ont été repris. Akira est un film monstrueux autant sur le fond que sur la forme. Visuellement, on a rarement vu un film d’animation aller aussi loin dans son travail sur l’esthétique – à l’époque en tout cas.

Akira a représenté un travail colossal en termes de production car il a été réalisé “à l’ancienne”. L’équipe dessinait chaque image à la main pour obtenir une animation en 24 images par seconde (contre 12 à 16 images par seconde pour les animes de l’époque), soit le même nombre d’images qu’un film des années 1990.

C’était tellement d’avant-garde qu’une cinquantaine de couleurs – parmi les 327 couleurs différentes du film – ont été créées spécialement pour le long-métrage. L’usage de la lumière par Otomo est aussi exceptionnel, comme le montre cette vidéo réalisée par Evan Puschak, aussi connu comme NerdWriter.

Ce film a toujours été sublime, mais il ne l’a jamais autant été qu’avec cette remastérisation en 4K. S’il vous fallait une raison de plus d’aller le voir en salle…