Portrait d’Andy Samberg, le (faux) crétin d’Hollywood

Portrait d’Andy Samberg, le (faux) crétin d’Hollywood

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Par Manon Marcillat

Publié le , modifié le

À 43 ans, l’acteur américain n’a jamais été aussi cool.

Andy Samberg vient de fêter ses 43 ans mais il est toujours ce même cool kid de la comédie, sorte de poète moderne qui transforme les blagues en dessous de la ceinture en alexandrins percutants. Intello à lunettes le jour, imbécile heureux la nuit, il est resté relativement méconnu de ce côté-ci de l’Atlantique, jusqu’à son rôle de détective Peralta dans la bien connue sitcom Brooklyn Nine-Nine. Pourtant, Andy Samberg œuvre pour la comédie américaine depuis plus de vingt ans et certains de ses coups de maître les plus fameux comptabilisent aujourd’hui plusieurs centaines de millions de vues sur YouTube.

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YouTube, son tremplin vers le succès justement. En décembre 2005, pour le Saturday Night Live, il écrit et joue le rap enlevé “Lazy Sunday”, évoquant tour à tour les cupcakes de Magnolia Bakery et Les Chroniques de Narnia. Cette même semaine, le trafic vers un tout nouveau site d’hébergement de vidéo, un certain YouTube, bondit de 80 %.

Le rap (parodié) et le SNL sont les deux fondements de son succès. Depuis toujours, Andy, né David, Samberg fantasme l’émission et a organisé toute sa vie dans le but d’intégrer un jour ce club très sélect qui a lancé de nombreuses carrières. De l’université de Santa Cruz, il rejoint le programme cinéma de NYU, se lance dans le stand-up et passe des auditions qu’il qualifiera “d’humiliantes” pour un obscure comédie-théâtre qu’il imaginait alors comme un levier vers le célèbre Studio 8H à New York. À tort.

Le succès viendra d’ailleurs, lorsqu’en 2000, diplômé de la section film expérimental de la Tisch School of the Arts, il retrouve ses camarades du lycée de Berkeley High, Akiva Schaffer et Jorma Taccone. Ensemble et un peu paumés, ils réfléchiront à un médium original pour les blagues qu’ils ne cessent d’écrire. Ayant bouffé du rap US des années 1980, ce dernier s’est imposé comme un “merveilleux pourvoyeur de blagues” et le trio infernal mettra alors en ligne ses parodies de clips, très bien produites, sous le pseudo de The Lonely Island, du nom de leur miteux appartement à Los Angeles.

Très vite, leur ligne éditoriale s’affine : ils se moquent de la réalité – et en particulier du show-business – par le vrai, raison pour laquelle leur production est souvent jusqu’au-boutiste, la comédie étant prise très au sérieux chez eux. “Je crois en la comédie et je pense qu’elle peut, et elle est, une forme d’art très noble. Tu ne fais pas de la comédie pour être nominé. […] Soit tu excelles et tu es Jim Carrey dans Eternal Sunshine ou Robin Williams dans Good Will Hunting, ou alors tu es les autres”, affirme Samberg.

Ils grandiront et s’appliqueront ensuite à interroger la masculinité à travers un faux machisme exacerbé en s’imposant une règle unique : être la cible de leurs blagues. “Le cœur de métier de Lonely Island est devenu une sorte de charge contre les boys clubs blancs”, statuait l’acteur, qui confiait au New York Times avoir pleuré devant Portrait de la jeune fille en feu et binge-watché Queer Eye pendant le confinement.

Les trois boute-en-train se sont ainsi créé une petite notoriété sur le Web puis seront engagés par Jimmy Fallon pour écrire les pitreries de la cérémonie des MTV Movie Awards en 2005. Le présentateur vedette recommandera ensuite Samberg à Loren Michaels, le créateur du SNL, qui l’embauchera dans son équipe. Taccone et Schaffer rejoindront de leur côté l’équipe de scénaristes de l’émission.

Mais Fallon n’est pas leur unique bienfaiteur. Les GAFA auront également œuvré à leurs côtés puisque, pendant leurs années au SNL, YouTube n’a cessé de se déployer, transformant leurs clips soignés aux guests de plus en plus célèbres, d’Akon à Nicki Minaj en passant par Lady Gaga, en véritables phénomènes viraux, “Dick in a Box”, featuring Justin Timberlake en tête. Prenant leur mission très au sérieux, les trois compères sortiront également quatre albums de leurs hits.

Mais Andy Samberg le reconnaît sans difficulté, ses sept années au SNL, dont il est sorti épuisé physiquement et mentalement, furent également les plus difficiles :

“Le ‘SNL’, c’est tout ce que j’ai toujours voulu dans ma vie. C’était mon rêve d’enfant. Tu lis partout que c’est très difficile, mais c’est quand même ce que tu veux. Si tu aimes le SNL, tu l’aimes vraiment. J’étais jeune donc j’étais OK avec ça. Mais on a des emplois du temps à l’opposé du reste du monde. Je restais éveillé toute la nuit et je dormais le jour. J’étais épuisé tout le week-end et puis je recommençais”, a confié l’humoriste à ‘Deadline‘.

Il choisira de ralentir le rythme et quittera l’émission de ses rêves en 2013. Mais le repos sera de courte durée puisque, la même année, il rejoindra le casting de la série Brooklyn Nine-Nine, dont il est également coproducteur, pour huit saisons. Pendant huit ans, il enfilera donc son uniforme de sale gosse volontairement provocateur mais appliqué et passionné par son métier de flic. Un rôle sur-mesure et à son image, qui lui vaudra un Golden Globe du Meilleur acteur dans une série comique en 2014.

Statuette en poche, il poursuivra sa route à l’ombre des projecteurs trop aveuglants pour ne faire uniquement ce qui l’amuse, parfois pour le pire mais souvent pour le meilleur. En 2012, il partageait l’affiche avec la reine du cool Rashida Jones dans la très jolie comédie de divorce Celeste and Jesse Forever, qui derrière une façade inoffensive, soulevait des problématiques justes et bien réelles sur les ruptures. Avec une alchimie évidente, les deux comiques interprétaient un couple fraîchement divorcé en lutte pour conserver la précieuse amitié qui les lie tout en pataugeant dans leurs contradictions.

Quatre ans plus tard, Akiva Schaffer et Jorma Taccone le filmeront aux côtés d’une flopée de stars de la chanson dans le très drôle mockumentaire Popstar: Never Stop Never Stopping, où ils s’adonnent une nouvelle fois à leur activité favorite, parodier le show-business. Comme une sorte de compilation savante du meilleur des clips de Lonely Island, imbriqués dans le quotidien de la pop star Conner4Real, ils réalisaient un faux documentaire à la gloire d’un artiste sans talent, en reprenant au pied de la lettre les codes du genre.

(© Universal Pictures)

En 2020, une toute nouvelle notoriété lui est tombée dessus. Avec Cristin Milioti (How I Met Your Mother), il a été le visage de Palm Springs, une comédie indé bénie des dieux du cinéma. Comme Bill Murray avant lui et les couples du monde entier au moment de sa sortie l’an dernier au cœur de la pandémie, Andy Samberg se retrouvait coincé dans un jour de mariage sans fin que la présence féminine a finalement rendu plus supportable.

Ce remake moderne d’Un jour sans fin produit à la sauce Lonely Island avait battu le record de l’acquisition la plus chère à Sundance et Hulu en avait été l’heureux propriétaire après avoir déboursé près de 18 millions de dollars. Le week-end de sa mise en ligne, il a également réalisé le plus gros score d’audience de l’histoire de la plateforme et il est dans le même temps devenu la production originale Hulu la plus discutée sur les réseaux sociaux.

Grand admirateur d’Adam Sandler, avec qui il partage d’ailleurs beaucoup – l’affiche d’un navet (Crazy Dad), le judaïsme, les plateaux du SNL et un patronyme semblable –, Andy Samberg serait, pour sûr, flatté de lire les propos de Max Barbakow, le réalisateur de Palm Springs, dans les colonnes de GQ :

“On a parlé de films comme ‘Eternal Sunshine’ et ‘Punch-Drunk Love’ [avec Adam Sandler, ndlr] et de leur casting de comiques connus pour faire rire à qui on a demandé quelque chose de différent. Et Samberg a ce quelque chose de différent. Il peut devenir vulnérable et brut.”

Andy Samberg a 43 ans mais on espère qu’une boucle temporelle l’empêchera lui aussi de vieillir pour que jamais il ne se départît de son sourire d’imbécile heureux, et qu’il continue de cultiver son humour faussement crétin.