On a parlé avec le réalisateur d’À voix haute, un docu sur l’apprentissage de l’éloquence dans le 93

On a parlé avec le réalisateur d’À voix haute, un docu sur l’apprentissage de l’éloquence dans le 93

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Par Mejda Dihi

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Le documentaire À voix haute, sorti le 12 avril, s’intéresse au concours Eloquentia, qui récompense chaque année le meilleur orateur du 93. Le réalisateur Stéphane de Freitas a répondu à nos questions.

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À voix haute de Stéphane de Freitas et Ladj Ly est sorti le 12 avril. Ce documentaire traite du concours Eloquentia, qui récompense chaque année le meilleur orateur de Seine-Saint-Denis. On y suit 30 candidats, filmés au quotidien durant leur apprentissage de l’art rhétorique, de leurs premiers échanges avec les formateurs (un avocat, un slameur et un metteur en scène) au jour fatidique devant le grand jury. Stéphane de Freitas, fondateur du concours Eloquentia et coréalisateur du docu À voix haute, a bien voulu répondre à nos questions.

Konbini | Qu’est-ce que le concours Eloquentia ?

Stéphane de Freitas| Il s’agit en réalité d’une prise de parole et non d’éloquence. L’éloquence c’est quand on se regarde parler, dans le concours Eloquentia on rappe, on fait du slam et des alexandrins. L’idée est de créer quelque chose là où on s’y attend le moins, en Seine-Saint-Denis. Le but est de créer une agora bienveillante, où la jeunesse que l’on ne voit pas peut se faire une place – bien plus qu’on peut l’imaginer.

Quel est l’objectif du concours ?

Il y a deux objectifs à ce concours. Le premier est de gagner confiance en soi, en prenant position face aux autres. Il s’agit d’un combat intérieur, d’une sorte d’introspection. L’objectif est de donner un point de vue et de le défendre face aux autres et de découvrir ce que l’on peut provoquer chez les autres.

Le second objectif est de supporter le regard des autres. Offrir une agora à la Seine-Saint-Denis c’est permettre de s’écouter, ce qui est contraire à notre utilisation quotidienne des smartphones ou des réseaux sociaux. L’objectif est d’être à l’écoute des autres.

Pourquoi organiser un concours d’éloquence dans une université de banlieue et pas ailleurs ?

Je suis moi-même originaire de Seine-Saint-Denis et j’en avais marre des clichés sur la banlieue selon lesquels on deale du shit ou on casse des bagnoles. J’en ai eu ras-le-bol et j’ai voulu décloisonner ces idées en donnant la parole à ces jeunes. Leur donner confiance, c’est permettre de faire émerger des talents. Le concours s’est étendu à des grandes villes de province (Limoges, Grenoble…) et on espère nous étendre plus encore.

En quoi la rhétorique est un art important à maîtriser ?

L’art de la rhétorique est fondamental, mais ce qu’on recherche avant tout, c’est ce que l’on a dans le cœur et dans les tripes, et se défendre avec sincérité. Le but est de réussir à formuler ses rêves et de prendre le temps de les défendre en plus de 140 caractères.

Comment les élèves ont évolué au fil du temps ?

Eddy Moniot a tourné dans le film Ouvert la nuit d’Édouard Baer, qui l’a découvert en tant que membre du grand jury. Il a aussi bossé pour l’émission de Frédéric Lopez Mille et une vies. Elhadj Touré tente de faire du développement écologique en Afrique. Quant à Leïla Alaouf, elle donne des conférences sur le féminisme, elle qui souhaitait justement mettre l’art oratoire au service de cette cause.

Qu’est-ce qu’un bon orateur, selon vous ?

Selon moi, un bon orateur c’est celui qui s’exprime avec congruence. La congruence c’est quand t’es en harmonie avec ta tête, ce que tu penses, ton cœur et ce que t’as dans les tripes. Pour moi il s’agit des trois valeurs les plus importantes.