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50 ans après, le Los Angeles Times reconnaît son rôle dans la chute de Jean Seberg

50 ans après, le Los Angeles Times reconnaît son rôle dans la chute de Jean Seberg

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Par Louise Leboyer

Publié le

À l'approche de la sortie du film Seberg, qui retrace l'emprise du FBI sur l'actrice, le LA Times revient sur sa responsabilité.

Le 8 septembre 1979, Jean Seberg était retrouvée morte à l’arrière de sa voiture dans le XVIe arrondissement de Paris. Une surdose de barbituriques, d’alcool, un mot d’adieu pour son fils, et l’enquête conclut au suicide. Une fin tragique qui met un terme à la longue descente aux enfers de l’actrice américaine. 

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Alors que le réalisateur Benedict Andrews s’apprête à dévoiler un biopic sur Jean Seberg, le Los Angeles Times revient sur son rôle dans l’affaire qui a fait basculer la vie de l’actrice. 50 ans après les faits, le quotidien éclaircit son implication dans la chute de l’actrice et sur la genèse d’un article diffamatoire étroitement liée à l’acharnement orchestré par le FBI. 

Un engagement polémique

Alors qu’elle n’est âgée que de 14 ans, Jean Seberg adhère à la National Association for the Advancement of Colored People (l’organisation américaine de défense des droits civiques). C’est donc naturellement que, devenue une actrice reconnue, l’Américaine utilise sa notoriété pour servir ses valeurs. À la fin des années 1960, Jean Seberg, désormais icône de la Nouvelle Vague, s’engage publiquement auprès du Black Panther Party, alors qualifié de “menace la plus sérieuse à la sécurité interne du pays” par le directeur du FBI John Edgar Hoover. Dans le cadre du programme d’espionnage COINTELPRO du FBI, Jean Seberg sera mise sur écoute de manière permanente. Parmi les innombrables tentatives pour discréditer l’actrice et salir sa réputation, le FBI enverra, le 27 avril 1970, un élément clé au LA Times

© À bout de souffle

Le 19 mai, Joyce Haber, chroniqueuse de la rubrique à scandales du LA Times, publie une information dans laquelle elle explique, sans la nommer mais en donnant assez de détails pour l’identifier, que l’actrice Jean Seberg, alors mariée à Romain Gary, serait enceinte d’un membre des Black Panthers. 50 ans plus tard, le LA Times le reconnaît : “Les informations étaient malveillantes, manipulatrices et probablement fausses. Le FBI ne savait pas si c’était exact (les conclusions étaient basées sur la retranscription d’un appel sur écoute) et le Times non plus.” Une allégation destructrice pour la jeune femme, comme l’écrit Nicholas Goldberg pour le Times :

“À une époque où une relation entre une femme blanche mariée et un amant afro-américain radical aurait été désapprouvée dans de nombreux cercles, cette affirmation était d’une efficacité dévastatrice.” 

L’élément déclencheur

Par la suite, explique le Times, l’actrice accouche prématurément et sa fille meurt deux jours après sa naissance. Lors des funérailles, Jean Seberg fera en sorte que la peau – blanche – du nourrisson soit visible de tous. Cette épreuve marque le début d’une “cascade de désastres.” 

“Qu’elle soit vraie ou fausse, et les preuves suggèrent qu’elle était fausse, l’information du FBI n’aurait jamais dû être publiée. Pourquoi le Times publiait des ragots non pertinents, sans source et non vérifiés sur les activités sexuelles et conjugales des gens à la demande du FBI, et en particulier d’une manière aussi raciste ? Honte à nous.”

Jusqu’à sa mort en 1970, la vie de l’actrice sera marquée par la dépendance à l’alcool et aux médicaments, la dépression et les tentatives de suicide. Bien qu’il soit impossible d’établir un lien direct entre le suicide de l’actrice et cette affaire médiatique, le Times rapporte les propos de son ex-mari au sujet de sa mort : “Jean Seberg a été détruite par le FBI.

Une leçon pour l’avenir

© Los Angeles Times, 14 septembre 1979

Cet épisode médiatique, ses conséquences, et la prise de responsabilités aujourd’hui enseignent un certain nombre de leçons. Sur l’immixtion dramatique des médias dans la vie privée des célébrités, mais également sur l’éthique journalistique et l’indépendance des médias, indispensable à la démocratie. Un parallèle avec l’actualité que Nicholas Goldberg, auteur de l’article, n’hésite pas à faire. Il attaque Trump qui “élabore des attaques infondées et des théories du complot, et il n’a pas besoin d’un directeur du FBI ou d’un éditeur de presse complaisant pour les diffuser, il peut le faire lui-même auprès de ses 80 millions de followers sur Twitter.” 

Jean Seberg n’est malheureusement qu’un exemple parmi les célébrités dont le traitement médiatique a mené à la perte. Dans cette affaire, c’est la préoccupation pour la vie privée d’une personnalité et son potentiel impact politique qui a mené à la publication d’une chronique désastreuse. L’implication désormais assumée du quotidien californien incite à tirer les leçons du pouvoir des journalistes et des médias, et leur impact, parfois tragique, comme ce fut le cas pour Jean Seberg. 

Seberg de Benedict Andrews, avec Kristen Stewart, Yvan Attal et Anthony Mackie, sera disponible à partir du 23 juillet sur Prime Video.