Objectif Lune : un petit pas pour l’homme, un grand pas pour le cinéma

Objectif Lune : un petit pas pour l’homme, un grand pas pour le cinéma

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Par Eléna Pougin

Publié le

Du Voyage dans la Lune à First Man, retour sur les films les plus lunaires de la surface du cinéma. 50 ans après Apollo 11.

Le 20 juillet 1969, le programme spatial américain Apollo 11 permet à Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins de faire leurs premiers pas sur la Lune. Une avancée scientifique déterminante, censée démontrer aux yeux de tous la suprématie des Américains sur le monde. L’événement fut regardé massivement par des millions de téléspectateurs. 50 ans plus tard, cette découverte a profondément changé la vision que les hommes avaient de l’espace.

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Le cinéma a été le premier à devoir perpétuellement s’adapter aux progrès techniques, afin de proposer des longs-métrages de science-fiction toujours plus futuristes. Du Voyage dans la Lune de Georges Méliès à First Man, la Lune fascine. Mais le regard qu’on lui porte a bel et bien évolué en même temps que nous. Adieu les Sélénites et les théories du complot comme celle relatée dans Les Premiers Hommes sur la Lune, où on apprend que les Britanniques auraient mis le pied sur la Lune avant les Américains. Retour sur cinq films, qui témoignent de la fulgurante évolution de l’astronomie et de la place de choix accordée à la Lune au sein de l’imaginaire collectif.

Le Voyage dans la Lune – Georges Méliès (1902)

Depuis des siècles, la Lune est l’objet de multiples spéculations. Unique corps céleste visible à l’œil nu, elle inspire de nombreuses peintures, poèmes et récits. En 1902, quand Georges Méliès dévoile Le Voyage dans la Lune, son succès en France aussi bien qu’outre-Atlantique aide à populariser la science-fiction. Il y montre un obus spatial propulsé dans la Lune et qui s’écrase sur elle, “en plein dans l’oeil”, puisque celle-ci est représentée (ironiquement) avec un visage. 

Méliès imagine alors des tempêtes de neige sur la Lune, qui obligent les savants l’observant à se réfugier dans ses cratères pour pouvoir s’en protéger. Il donne aussi vie aux Sélénites, un peuple autochtone supposé vivre sur la Lune. Bref, un ensemble d’inventions étonnant presque 70 ans avant que les Américains ne se rendent sur le satellite naturel.

Hélas, peu des idées avancées par le film ont pu être prouvées scientifiquement lors des différentes expéditions menées par la suite sur la Lune. En tout cas, Le Voyage montrait à quel point aller sur la Lune apparaissait alors comme un idéal à atteindre. Les images de Georges Méliès prouvaient aussi que cet objectif devenait peu à peu de plus en plus atteignable. Malheureusement, Méliès est décédé en 1938, ce qui ne lui a pas permis d’assister à l’avancée lunaire de 1969 qu’on connaît.

Les Premiers Hommes sur la Lune – Nathan Juran (1964)

Dans les années 1950, le cinéma de science-fiction est en plein essor. Basées sur des romans de Ray Bradbury, Jules Verne ou encore H. G. Wells, de nombreuses grosses productions hollywoodiennes s’intéressent à la conquête spatiale et surtout à celle de la Lune. Si proche de la Terre, elle cristallise tous les fantasmes. Énormément de films évoquent l’alunissage jusqu’en 1969, quand la fiction rejoint la réalité.

Dans First Men in The Moon sorti en 1964, une bande d’astronautes atterrit sur la Lune pour ce qu’on pense être la première fois de l’humanité. Mais arrivés là-haut, ils découvrent un drapeau anglais et un document qui revendique la Lune comme territoire de la reine Victoria, décédée en 1901. L’équipe suit alors avec stupeur ses prédécesseurs et va de surprises en découvertes.

Ce film est un véritable laboratoire pour les effets spéciaux de Ray Harryhausen en Dynavision, après ses exploits sur Jason et les Argonautes, L’Ile Mystérieuse et le Septième voyage de Sindbad. On y croise de nouvelles créatures improbables – les fameux Sélénites –, et plein d’autres personnages fictionnels dont le public était très friand à cette période.

Il faudra attendre plus de 40 ans pour que la Lune redevienne source d’élucubrations folles avec Iron Sky. Sorti en 2012, ce film de série B assumée part d’une hypothèse géniale : les nazis ont quitté la Terre en 1945 pour se réfugier sur la face cachée de la Lune et attendent leur moment pour reconquérir le monde. Space opera, théorie du complot technologique et méchants ultimes, tout est réuni pour jouer sur le meilleur du pire. Avec toujours la Lune en faire-valoir, une source d’inspiration intarissable pour l’humanité. Iron Sky 2 est sorti en début d’année 2019.

2001, l’Odyssée de l’Espace – Stanley Kubrick (1968)

Entre deux films noirs et chaotiques (Doctor Folamour et Orange Mécanique), Stanley Kubrick a réalisé un film très dépaysant sur l’origine de l’homme et son devenir. Il y a 50 ans, lorsque le film est sorti au cinéma la science-fiction est encore peu exploitée. Comme Stanley Kubrick est un génie, mais obsessionnel et mégalomane, il veut repousser les limites du genre et bouleverse ainsi, à jamais, les codes de la SF grâce à sa vision du monde inédite. 

Validé par les scientifiques et les astrophysiciens, mais pas par les critiques au moment de sa sortie, cet emblème du cinéma est considéré comme une œuvre très réaliste, très documenté. Pendant 4 ans, le cinéaste a fait énormément de recherches sur cet univers, notamment parce que ce projet était un défi personnel pour s’approcher au plus près de la vérité, quitte à surpasser l’Histoire puisque 2001 : l’odyssée de l’espace est sorti un an avant la mission Apollo 11.

Il a donc amassé de nombreuses connaissances scientifiques pour les mettre au service du cinéma. Son film, avare en dialogues, met en avant des scènes spatiales magnifiques, sublimées par une musique mythique. Un itinéraire inoubliable de la Terre à la Lune, en direction de Jupiter.

Moon – Duncan Jones (2009)

Sacré meilleur film indépendant britannique en 2010, Moon eut pourtant un succès relatif lors de sa sortie l’année précédente. En France, il ne sort même pas au cinéma, si ce n’est dans quelques salles lors d’événements, à l’image du Festival international du film fantastique de Gérardmer. Il regroupe un ensemble de croyances autour du futur de l’humanité, du clonage jusqu’à la possibilité d’installer des bases sur la Lune.

Dans cette dystopie, l’entreprise capitaliste Lunar Industries extrait le gaz présent sur la Lune parce qu’il est nécessaire pour vaincre une crise énergétique qui a lieu sur Terre. Sam Bell, astronaute envoyé pour une durée de trois ans sur la Lune afin de concrétiser cet objectif, apprend qu’il est en réalité un clone que l’entreprise souhaite désintégrer à la fin de son contrat. Un Sam Bell identique a donc eu la même mission avant lui, et naturellement (ou pas), un autre Sam Bell lui succédera.

Avec Moon, les univers de Star Wars et Star Trek, qui ont longtemps diffusé une vision rocambolesque et unifiée du futur, se retrouvent déconstruits. La peur des modifications génétiques y transparaît, et le film dresse un portrait alarmant des dérives de l’astronomie, qui pourraient bien permettre à l’humanité d’exploiter, en dépit des conséquences, d’autres astres et corps célestes. Bref, sans aliens et artifices, Moon reflète un début des années 2000 qui a conscience de certaines réalités astronomiques, mais qui se demande encore ce qu’il va advenir de ces découvertes amassées depuis 1969.

First Man – Damien Chazelle (2018)

Le plus récent, le plus réaliste jamais tourné et peut-être bien le film le plus sous-coté de 2018. Snobé aux Oscars, First Man envoie un solide Ryan Gosling sur la Lune. Devant les caméras de Damien Chazelle et sur la musique somptueuse de Justin Hurwitz (duo inséparable, des bancs de Harvard à La La Land en passant par Whiplash), l’acteur canadien se glisse dans la combinaison de Neil Armstrong pour une mission historique : devenir le premier homme à fouler la surface de la Lune. 

Autour de la fameuse mission Apollo 11, c’est la vie meurtrie de l’astronaute le plus populaire de l’Histoire qui est racontée, entre solitude, idylle et vie de famille. Un entraînement intensif, des échecs et plusieurs morts plus tard, le temps du décollage final est arrivé. Jusqu’au moindre boulon qui tremble, la reconstitution d’un véritable engin spatial et la proximité établie avec nos courageux astronautes relèvent du génie. 

L’alunissage. “The Landing” en anglais, ou l’intitulé d’une des plus belles musiques de la bande originale du film. Une chanson qui monte en intensité, accompagnant parfaitement l’étape finale de ce voyage-suicide, tout au long d’une séquence de cinq bonnes minutes à couper le souffle. Une course contre la montre au bout de laquelle on parvient enfin à un silence absolu. Filmés dans un désert sous la puissance lumineuse d’un seul et énorme projecteur, on est médusés devant les premiers pas d’Armstrong et de son coéquipier Buzz Aldrin qui parcourent une partie de la surface de l’objet céleste dans une ambiance poétique. Le temps de contempler une minuscule Terre, et récolter quelques roches lunaires dans un film qui l’est tout autant. 

Cet article a été rédigé par Eléna Pougin, Lucille Bion, Aurélien Chapuis et Rachid Majdoub.