D’Hanne Karin Bayer à Jean-Luc Godard, ces 5 choses que vous ne savez pas sur Anna Karina

D’Hanne Karin Bayer à Jean-Luc Godard, ces 5 choses que vous ne savez pas sur Anna Karina

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© Pierrot le fou

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Par Lucille Bion

Publié le

“Tous les prêtres et les évêques criaient au blasphème. On avait l’impression d’avoir commis un crime. Pourtant, Jacques Rivette était un homme très pur, émouvant et droit. Il ne cherchait pas du tout à faire scandale. Nous étions dans les journaux tous les jours, pendant un temps fou. Ça a duré le temps que ça a duré mais quand le film est sorti, il y avait des Belges, des Allemands, des Italiens et des Anglais qui sont venus en bus aux Champs-Élysées. Ça a été une drôle d’histoire.”

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#1. Son père, ce grand absent

Anna Karina commence sa vie sans la présence de son père, un capitaine qui a rapidement quitté sa mère et fondé une nouvelle famille. En tout et pour tout, elle ne le voit que trois fois, dont deux fois à l’étranger lorsqu’elle est en tournage et que les journaux médiatisent ses déplacements.
Elle le rencontre pour la première fois juste après la guerre, à l’âge de quatre ans. Ils se retrouvent ensuite à Londres lorsqu’elle tourne She’ll Have to Go puis à Barcelone, où elle se trouve pour jouer dans Le Voleur du Tibidabo :

“À Londres, la première chose qu’il m’a dite c’était qu’il me manquait un bouton sur ma chemise. Ça m’a rendue folle de rage. Ça faisait presque 19 ans que je ne l’avais pas vu et je suis partie en pleurant. La troisième et dernière fois que je l’ai vu, c’était à Barcelone. J’ai reçu un coup de fil : ‘C’est ton père, veux-tu que l’on se voie ?’ J’hésite et je demande conseil à mon amie maquilleuse en lui expliquant que c’était atroce la dernière fois que l’on s’est vu.
Je finis par le rejoindre et cette fois, je rencontre un homme extrêmement cultivé. Il était extraordinaire : il parlait toutes les langues, connaissait presque tout sur moi… Après s’être beaucoup amusé, je lui demande son numéro de téléphone. Il me répond qu’il va plutôt prendre le mien et que c’est LUI qui me passera un coup de fil. J’attends toujours, depuis 30 ans. C’est une grande blessure.”

#2. L’école buissonnière

Enfant, Anna Karina vit chez ses grands-parents maternels, avant de retourner habiter chez sa mère couturière. Travaillant souvent tard, cette dernière lui accroche la clé de la porte d’entrée au cou pour qu’elle puisse vaquer à ses occupations.
La comédienne suit ensuite un parcours scolaire classique jusqu’à ses 14 ans :

“Je n’ai pas quitté l’école parce que j’étais nulle mais parce que je me suis cassé le bras deux fois à l’athlétisme et j’étais obligée d’écrire avec la main gauche. Comme je suis droitière et que l’on devait écrire à l’encre, c’était impossible, je me suis laissée aller. Lorsque l’on m’a dit que je devais redoubler, c’était la honte. Je suis alors allée dans des bibliothèques et j’ai travaillé l’algèbre, l’histoire, les langues. J’ai fait beaucoup de progrès et je suis passée presque la première de la classe. Mes profs pensaient que j’avais triché.”

#3. Des grands magasins au dessin

Elle entre alors dans la vie active, ne pouvant pas intégrer un conservatoire ou une école de théâtre avant d’être majeure. Pendant trois mois, elle officie en tant que liftière dans un grand magasin :

“J’ai tenu 3 mois car je ne supportais pas. Des mecs me touchaient les fesses tous les jours et j’avais 14 ans. Je n’osais pas leur mettre une claque car j’étais jeune. J’ai donc fugué mais je rentrais à l’heure, comme si j’avais travaillé, chez ma mère.”

#4. Quand Hanne devient Anna

À 17 ans, elle rejoint Paris en train et en stop, sans un sou en poche. Un prêtre d’une église protestante, située près des Champs-Élysées, lui trouve une chambre de bonne. Un jour, elle se fait un jour aborder par une jeune femme alors qu’elle est assise dans un café :

“Elle me demande si je veux faire des photos de mode. J’avais peur que ce soit un coup monté. Quand j’ai su que c’était payé, j’ai accepté à la seule condition qu’elle vienne avec beaucoup de monde car j’avais peur. Elle a éclaté de rire parce que quand on fait des photos de mode il y a les costumiers, les coiffeurs, les maquilleurs, les photographes… Ils sont venus me chercher à une petite quinzaine et on a fait les photos pour Jour de France. “

Cette session lui ouvre un grand nombre de portes et les shootings deviennent de plus en plus fréquents, même si la fortune n’est pas encore au rendez-vous. Elle rencontre Coco Chanel, une “grande dame assez dominatrice”, qui vient la voir alors qu’elle est en pleine séance de maquillage. La créatrice, qui a été interpellée par son ambition de devenir comédienne, lui conseille de changer de nom pour prendre celui d’Anna Karina.

5. Petits et grands écrans

Après ce changement de patronyme, Anna Karina est castée à de nombreuses reprises, et enchaîne les propositions de publicités, tout en travaillant son français. C’est d’ailleurs dans une annonce pour un savon que Jean-Luc Godard repère sa future muse et femme :

Séduit, le jeune cinéaste lui propose un rôle secondaire dans À Bout de souffle. Celle qui rêve de devenir comédienne décline pourtant son offre, car le rôle implique de se déshabiller pour les besoins d’une scène. Jean-Luc Godard finit tout de même par la diriger dans son film suivant, Le Petit Soldat :

“Il m’a envoyé un télégramme disant : voulez-vous venir pour le premier rôle ? Comme il venait d’avoir beaucoup de succès avec À Bout de souffle j’y suis allée, un peu inquiète car j’avais refusé le rôle la première fois. Il me regarde et tourne autour de moi et me dit : ‘C’est d’accord, vous avez le premier rôle féminin et c’est un film politique’. Je lui ai répondu que ce n’était pas possible pour moi de tenir un discours politique, comme je savais à peine parler français. ‘Ne vous inquiétez de rien, m’a-t-il rassuré, vous n’aurez qu’à faire ce que je vous dis de faire.'”