5 choses à savoir sur Le Voyeur, le chef-d’œuvre de Michael Powell qui ressort en salles

5 choses à savoir sur Le Voyeur, le chef-d’œuvre de Michael Powell qui ressort en salles

Image :

( Studio Canal )

photo de profil

Par Lucille Bion

Publié le

Le Voyeur a presque 60 ans et ressort au cinéma, en version restaurée. Voici cinq choses que vous ne saviez peut-être pas sur le classique de Michael Powell.

À voir aussi sur Konbini

Ce classique du septième art est un moment phare de la carrière de Michael Powell, mort incompris. Hué puis sauvé par le grand Martin Scorsese, Le Voyeur est aujourd’hui considéré comme un chef-d’œuvre (dont Gaspar Noé se réclame, pour ne citer que lui). Mieux encore, à en croire Pedro Almodóvar, ce long-métrage serait le premier “snuff movie”, ce sous-genre de films qui mettent en scène la violence à l’état pur : torture, meurtres, suicides, viols…

Le Voyeur suit un personnage dérangeant et dérangé nommé Mark Lewis. Ce tueur en série passionné de photo souffre de scoptophilie. Autrement dit, notre “héros” est voyeuriste, un pervers de l’image. Au prétexte d’un projet documentaire, il approche des femmes afin de les effrayer et de les tuer, en enregistrant le tout sur la pellicule de sa caméra munie d’une lame. Michael Powell a d’ailleurs bien pris soin de donner une fonction phallique à cette invention diabolique.

Retour en cinq points sur ce film mal-aimé, qui vient de ressortir en version restaurée dans les salles obscures.

#1. Un film “néfaste et malfaisant”

Lorsque Le Voyeur est présenté à la presse britannique en 1960, c’est un carnage. Les critiques parlent de “film répugnant”, “néfaste et malfaisant” et “d’offense à la nation”. Michael Powell venait de réaliser une terrible et symbolique mise en abyme : le cinéaste utilisait sa caméra pour filmer un réalisateur meutrier, qui filme ses victimes lorsqu’il les tue. Cette analyse alambiquée semblait moins choquante que l’interprétation attachante du tueur par Karlheinz Böhm, un comédien à l’allure de gendre idéal.

En résulte donc un accueil assassin, qui aura un impact sur la carrière de Michael Powell. En dépit de la vingtaine de films qu’il avait déjà réalisés avec son complice Emeric Pressburger, le cinéaste britannique connaîtra par la suite de grandes difficultés financières. Du vivant de son créateur, Le Voyeur n’aura jamais vraiment connu le succès escompté.

#2. Cinés porno et clandestins

Massacré par la presse, Le Voyeur ne trouvera plus aucun soutien chez ses producteurs qui, sous le coup de la panique, décident de suspendre sa sortie. À l’époque, un critique demande même l’interdiction de ce film “malsain”, alors que l’un de ses confrères évoque l’idée de jeter les bobines dans une cuvette de WC et de tirer aussitôt la chasse.

Les producteurs décident de le revendre aux exploitants du circuit porno et semi-clandestin de l’époque. La légende raconte qu’à New York, en 1962, le film était présenté en noir et blanc dans une salle un peu craignos de la 42e rue spécialisée dans les films érotiques. Ainsi écarté des circuits traditionnels, le long-métrage est jugé trop soft par les amateurs de porno et peine, là encore, à séduire le public.

Avec cette stratégie marketing désastreuse, Le Voyeur devient alors presque impossible à découvrir.

#3. Le coup de cœur de Martin Scorsese

Presque 20 ans plus tard, un certain Martin Scorsese (déjà connu pour Mean Streets et Taxi Driver), décide de clamer haut et fort que Le Voyeur est un chef-d’œuvre, notamment parce que l’œuvre a selon lui l’intelligence d’explorer “l’objectivité et la subjectivité du processus cinématographique, ainsi que la confusion qui règne entre les deux”.

Le maître new-yorkais, avide de films susceptibles de choquer le bourgeois puritain, décide de retrouver le réalisateur banni des studios. Il part en Angleterre pour remettre sur pied un Powell dépressif et démuni, afin de le ramener en Amérique. Scorsese décide ensuite de claquer 5 000 dollars (une somme assez importante à l’époque) pour projeter de nouveau Le Voyeur, en couleurs. Nous sommes en 1977 au Festival de Telluride, dans le Colorado, et le film connaît un second souffle.

Si le film sort cette année en version restaurée, c’est grâce à Thelma Schoonmaker. Après avoir été l’assistante iconique de Martin Scorsese, elle a épousé Michael Powell lorsqu’il est revenu sur le devant de la scène. Depuis la mort de son mari, elle est très investie dans la restauration de ses films, rapporte Télérama.

#4. “Que diriez-vous de réaliser un film sur un jeune homme qui tue des femmes avec sa caméra ?”

L’histoire de la naissance du film est aussi passionnante que celle de sa résurrection. En effet, le scénariste Leo Marks se serait présenté un matin, tout frétillant, au domicile de Michael Powell et lui aurait lancé : “Que diriez-vous de réaliser un film sur un jeune homme qui tue des femmes avec sa caméra ?”

Le réalisateur prépare à ce moment-là, en solo, un film sur Sigmund Freud. Mais son confrère américain John Huston planche de son côté sur un long-métrage similaire. Comprenant qu’il allait être difficile de rivaliser avec ce cinéaste réputé, il accepte de lire le scénario de Leo Marks. Il commence alors à approcher quelques acteurs, tels que Laurence Harvey et Dirk Bogarde pour le rôle-titre, mais ceux-ci refusent catégoriquement, effrayés par le sujet. C’est finalement l’acteur austro-allemand Karlheinz Böhm qui accepte ce rôle à haut risque.

#5. Tournage en famille

Une fois l’acteur principal déniché, Michael Powell a terminé son casting en s’entourant de ses proches. Son fils Columba joue par exemple le fils de Mark Lewis. Et pour parfaire sa mise en scène ingénieuse, il s’est attribué le rôle du père de Mark Lewis, que l’on voit furtivement.

Aussi, certaines scènes auraient été tournées dans une maison londonienne dans laquelle le cinéaste a grandi.

Le film est projeté dans quelques salles en version restaurée, depuis le 23 mai.