Les Misérables, la claque française du Festival de Cannes arrive au cinéma

Les Misérables, la claque française du Festival de Cannes arrive au cinéma

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Par Louis Lepron

Publié le

Avec son tout premier long-métrage, Ladj Ly avait bousculé la Croisette, entre La Haine et Training Day.

Au cours du Festival de Cannes, Konbini vous fait part de ses coups de cœur. 

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Les Misérables, c’est quoi ?

“L’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage.” Il y a presque 25 ans, résonnait La Haine au Festival de Cannes, sélectionné en compétition officielle. Dans son sillage, les talents du réalisateur Mathieu Kassovitz et de ses trois acteurs Hubert Koundé, Vincent Cassel et Saïd Taghmaoui. On est en 1995 et deux ans avant Ma 6-T va crack-er, la France proposait enfin un film à la hauteur de son histoire contemporaine, faite d’une violence policière omniprésente et d’une vie de quartier parfois paisible, parfois violente, toujours humaine.

Les Misérables de Ladj Ly pourrait en être la suite, tant les changements demandés n’ont jamais été entrepris. Une possible suite qui se déroule dans les semaines qui suivent la victoire de la France à la Coupe du monde 2018, 13 ans après les émeutes de 2005. Une possible suite qui traverse le quartier de Montfermeil dans le 93, bourlinguant des mecs d’une brigade anticriminalité.

Damien Bonnard, Alexis Manenti et Djebril Didier Zonga.

Là aussi, trois personnages sont mis en exergue, à travers les gueules de Damien Bonnard, Alexis Manenti et Djebril Didier Zonga. Un film sur les flics façon Polisse ? Pas vraiment. Ladj Ly n’utilise pas qu’une seule perception de la réalité : les flics ne sont qu’un prétexte pour mieux se saisir d’une réalité sociale, économique et politique complexe et inflammable, parcourant les différentes facettes d’une pièce composée des “grands frères”, des gamins de quartiers et des religieux du coin.

Impossible de ne pas penser au travail de Mathieu Kassovitz qui aurait rencontré, au détour du XXIe, le Training Day (2000) d’Antoine Fuqua et de son duo de flics composé de Denzel Washington en baroudeur expérimenté des quartiers de Los Angeles et de sa nouvelle recrue Ethan Hawke.

La nouvelle recrue s’appelle ici Stéphane (Damien Bonnard) et son destin va être comprimé entre deux journées. Celle où tout va commencer, puis celle où tout va basculer. Entre ces deux journées, le fil d’une violence, mais pas seulement.

À l’origine du scénario des Misérables, une interpellation virulente dont Ladj Ly a été le témoin le 14 octobre 2008, qu’il n’hésite pas à filmer. On y voit un jeune du quartier des Bosquets, menotté, être frappé par deux policiers.

Mais c’est bien ?

Les Misérables est un coup de poing cinématographique et Ladj Ly en est le chef d’orchestre. Celui qui incarne la génération Koutrajmé aux côtés des figures de Kim Chapiron, Romain Gavras ou JR est devenu par la force des choses “l’homme à la caméra”. Si La Haine est une claque pour le jeune d’alors 17 ans, les émeutes de 2005 vont cristalliser son envie de devenir réalisateur. Il le sera en 2007, pour un documentaire puissant, 365 jours à Clichy-Montfermeil.

Avec Les Misérables, aboutissement d’une connaissance sans faille d’une violence “périphérique”, Ladj Ly enfonce le clou. Sans jamais juger ses personnages, équilibrant toujours ses rapports de force cinématographiques dans un contexte social éminemment complexe, le cinéaste donne à penser une partie de la société soumise à des mécanismes transformant une broutille de routine en une escalade d’actes qui vont aboutir à une brutalité glaçante.

Pour en rajouter une couche, l’impressionnant trio d’acteurs est servi par des personnages secondaires tout aussi brillants comme “le maire”, joué par Steve Tientcheu, ou le gamin au cœur des évènements, incarné par Issa Perica.

Qu’est-ce qu’on retient ?

L’acteur qui tire son épingle du jeu : Damien Bonnard

La principale qualité : une puissance visuelle au service d’un scénario sans faille

Le principal défaut : on cherche encore

Un film que vous aimerez si vous avez aimé : Training Day d’Antoine Fuqa, La Haine de Mathieu Kassovitz, Polisse de Maïwenn

Ça aurait pu s’appeler : Les Yeux dans la haine

La quote pour résumer le film : “Puissant”