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Des déchets en BD : trois histoires dans les dépotoirs

Des déchets en BD : trois histoires dans les dépotoirs

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Par Aurélien Chapuis

Publié le

Pour la journée sans plastique, retour sur des récits dessinés qui prennent comme décors nos décharges et nos détritus.

Les déchets sont un sujet passionnant pour les auteurs de BD. Entre engagement, constat ou tout simplement esthétisme pervers, les ordures ont inspiré de nombreux récits en tant que décors, enjeux ou même personnes à part entière. Voici trois bande dessinées très réussies qui prennent les dépotoirs comme défouloirs.

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Trashed, de Derf Backderf (2015)

Derf Backderf est un spécialiste de la BD immersive, entre autobiographie et thèmes de société. Connu pour son strip The City diffusé dans de nombreux journaux aux États-Unis, l’auteur a ensuite traité ses années punks dans Punk Rock & Trailer Parks puis son passage au lycée dans la même classe qu’un tueur en série dans Mon ami Dahmer en 2012. Avec son humour grinçant habituel et ses questionnements constants, Derf Backderf s’est ensuite attelé à Trashed, un roman graphique basé sur le quotidien d’un éboueur, qui était en fait le sien pendant quelques mois, avant de devenir dessinateur. 

À l’arrière d’un camion poubelle, Derf raconte ses anecdotes personnelles sur la vie pas toujours (et même jamais) rose de ceux qui s’occupent de nos déchets au jour le jour. Au fur et à mesure que le récit avance, il se complait avec ses potes dans un boulot peu gratifiant, s’engueulant avec le voisinage et esquivant les colères noires de son chef. Avec un regard désabusé sur la société de consommation, Derf Backderf nous plonge dans nos propres décharges, celles où on met à l’écart les emballages de nos produits et les laissés-pour-compte de notre système. Trashed est une bonne façon – satirique – de voir notre réalité en face.

Gunnm de Yukito Kishiro (1990)

Gunnm est un manga mythique tendance cyperpunk paru entre 1990 et 1995. Il raconte l’histoire de Gally, jeune cyborg au visage de poupée, abandonnée dans une immense décharge à ciel ouvert, monde perdu pour tous les marginaux de cet univers post-apocalyptique. Remise sur pied par un scientifique amoureux, Gally deviendra une guerrière fantastique, se battant contre les injustices et la dévastation.

Imaginée par Yukito Kishiro et adaptée au cinéma par James Cameron (Alita), cette fable met en place Zalem, une cité flottante toute puissante qui nourrit toutes les passions pendant que le reste de la planète est devenu un grand dépotoir à ciel ouvert où les déchets de la cité sont déversés allègrement et dans l’indifférence la plus totale. En dessinant avec détails cette accumulation de déchets, Kishiro influencera les plus grandes œuvres de science-fiction jusqu’au Mad Max Fury Road de George Miller. Une vision noire dont ressort pourtant un espoir éclatant, un bon rappel de la dystopie qui nous attend si nos décharges deviennent plus hautes que nos immeubles.

La Complainte du marin moderne, de Nick Hayes (2010)

Nick Hayes s’intéresse lui aux déchets en mer avec sa relecture d’un célèbre poème de Samuel Taylor Coleridge, l’un des premiers romantiques anglais. Écrite en 1797, “La Complainte du vieux marin” fut l’une des toutes premières fables écologistes. La version moderne de Nick Hayes créée en 2010 se déroule principalement dans l’Atlantique Nord et résonne comme un cri d’alarme pour sauver les océans de la pollution engendrée par l’homme.

Avec un texte plus simple que celui de Coleridge, Nick Hayes met surtout du corps dans ses illustrations et donne une dimension très graphique à une aventure désarmante. Un jeune divorcé vivant dans une ville polluée rencontre un vieil et étrange marin qui va bouleverser sa vie en lui racontant son odyssée, celle d’une chasse en mer qui se transforme en constat de dégoût face au gâchis créé par l’homme. Avec ce style mythologique, Nick Hayes croise Ulysse et Thoreau (encore un poète engagé) pour une BD quasi parfaite dans sa composition, son rythme et son propos. Une façon plus onirique de se soucier de nos décharges flottantes.