Claire Bretécher, autrice française culte de BD, est décédée

Claire Bretécher, autrice française culte de BD, est décédée

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Claire Bret√©cher lors d’une s√©ance de d√©dicace au ‘Pen Club’ √† Paris le 14 d√©cembre 1974, France. (Photo by William KAREL/Gamma-Rapho via Getty Images)

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Par Arthur Cios

Publié le

Celle qu'on connaît pour Agrippine ou Les Frustrés était le premier grand nom féminin du 9e art.

Agrippine est orpheline. La célèbre autrice Claire Bretécher est décédée ce lundi 10 février à l’âge de 79 ans comme nous l’a appris les éditions Dargaud.

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Avec son humour féroce et son coup de crayon assassin, l’artiste a épinglé les tics et les modes d’une époque à travers des personnages souvent ridicules, ces “frustrés” qui ont fait d’elle la première vedette féminine de la BD, la première à se faire un nom dans cet art très masculin jusque-là, et la première femme à recevoir en 1982 le Grand Prix d’Angoulême.

Quadragénaires bavards, femmes larguées, adolescentes insupportables… La dessinatrice a souvent pioché ses cibles dans son entourage. Cette “gauche caviar” des années Mitterrand, ces snobs, intellos bidons et leurs ados geignards qu’elle côtoyait.

Claire Bretécher, c’est d’abord un don d’observation exceptionnel : “Je passe mon temps à regarder les gens. Leur tronche, leur allure”. Une façon unique de repérer leurs travers et leurs manies et de les mettre en boîte.

Avec un sens de la dérision que cette solitaire, qui a toujours fui les interviews télévisées, s’applique d’abord à elle-même.

Une chroniqueuse des mœurs

Née à Nantes le 17 avril 1940, elle voit vite dans le dessin la possibilité d’échapper à un milieu provincial étriqué qu’elle abhorre. Direction Paris, où elle place ses premières planches dans les magazines Tintin, Spirou, puis Pilote pour lequel elle crée en 1969 le personnage de Cellulite, une princesse aux grands pieds et au nez carré flanqué d’un père libidineux.

Seule femme dans le milieu alors très masculin de la BD, elle impose son style et son humour. Mais le cadre est déjà trop étroit pour elle. En 1972, elle crée L’Écho des savanes, avec Marcel Gotlib et Nicolas Mandryka, qui marque sa période la plus libre. Un an plus tard, elle publie sa première planche des Frustrés, point de départ d’une longue collaboration avec Le Nouvel Observateur.

Chaque semaine, Claire Bretécher y passe une petite société à la moulinette. Avec ses couples effondrés dans un canapé, ses cadres stressés, ses copines complexées… Elle s’y moque en vrac des faux rebelles et des conformistes, des sexistes ou des féministes, de leurs angoisses et de leur prétention.

Rarement un auteur de BD a autant collé à son époque. Sa chronique est la plus lue de l’hebdomadaire et Roland Barthes la qualifie en 1976 de “meilleure sociologue de l’année”. Réaction de l’intéressée qui n’a jamais eu la grosse tête :

“C’est vraiment n’importe quoi !”

Cinq tomes des Frustrés paraîtront de 1975 à 1980. Des albums qu’elle édite elle-même — ce qui est alors exceptionnel — pour garder le contrôle de son travail et pour qu’on lui “foute la paix”. D’autres personnages suivront : les Mères (1982), Monique (1983) ou le Docteur Ventouse, spécialiste en “bobologie” (1985), sans oublier Thérèse d’Avila (1980) dont elle fait un irrésistible personnage de BD.

Une trentaine d’albums au total, dans lesquels la dessinatrice bombardée chroniqueuse des mœurs ne s’embarrasse pas des convenances :

“Je parle toujours plus ou moins de moi-même, et mes personnages se moquent beaucoup de mes propres travers”.

Plus sa notoriété s’envole, plus Claire Bretécher se fait discrète, repliée dans son appartement de Montmartre où elle peine, dit-elle, à venir à bout de ses albums. Avec le personnage d’Agrippine (1988), elle s’attaque au “jeunisme” de l’époque : “Quoi qu’ils fassent, même si c’était des conneries, leurs parents les trouvaient géniaux”. Huit albums au total, jusqu’en 2009, dans lesquels elle décortique les mœurs et le jargon des adolescents, dignes rejetons de leurs “frustrés” de parents.

Compagne du constitutionnaliste Guy Carcassonne (disparu en 2013) pendant plus de 25 ans, avec qui elle a eu un fils, cette grande lectrice, férue de littérature, était aussi peintre. Des portraits, des visages d’enfants, d’amies, des toiles très colorées qu’elle expose occasionnellement.

Mais son truc, c’était d’abord le dessin.

“Pour peindre, il suffit d’avoir une idée sommaire de ce que l’on va représenter. Faire une bande dessinée suppose de trouver une histoire, de bosser comme un chien”, résumait-elle, ravie de gagner sa vie “en faisant un truc marrant, classé comme un sous-genre, un art mineur”.

Konbini avec AFP.