Avec Dune, Denis Villeneuve signe un grand film de science-fiction

Publié le par Louis Lepron,

Le nouveau long-métrage de Denis Villeneuve impressionne.

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Le premier mot qui vient à l’esprit après la projection est “imposant”, tant les décors, le casting et la maîtrise de la mise en scène participent à la qualité de ce premier volet qui vient présenter l’univers de Dune. Il y a aussi cette sensation d’un certain jusqu’au-boutisme.

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Un jusqu’au-boutisme inscrit dans un cadre hyper précis, coordonné par une rythmique de montage implacable, et une montée en puissance d’une histoire autour de laquelle le spectateur tourne pour mieux l’agripper le temps venu, à l’image de ces multiples plans de mains que Denis Villeneuve nous propose, métaphore d’un destin que doit choisir Paul Atreides (Timothée Chalamet), centre névralgique de ce long-métrage tant attendu dont la durée dépasse les 2 h 30. 

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Héritage

Mais revenons un peu en arrière. Derrière Dune, il y a avant tout l’écrivain Frank Herbert qui a produit un livre monument, un roman culte, ayant traversé la littérature comme la pop culture. Car c’est non seulement le roman de science-fiction le plus vendu au monde mais aussi les prémices du fameux “cycle Dune” enclenché dès 1965 par l’écrivain, alors qu’il écrivait un article sur une étendue de dunes aux États-Unis dans l’Oregon (les Oregon Dunes). Un cycle littéraire qui se terminera en 1985.

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Dix ans après la sortie du premier livre, le cinéaste mexicain Alejandro Jodorowsky essaiera de l’adapter, sans succès, mais laissant une trace culturelle importante dans le milieu de l’industrie du cinéma. Une histoire racontée par le génial documentaire Jodorowsky’s Dune (2013), qui insinue que s’il avait pu être réalisé et sortir dans les salles avant Star Wars, il aurait changé la face de l’industrie du cinéma.

Quelques années plus tard, après la sortie de la saga de George Lucas, David Lynch s’essaie à l’adaptation, mais se plante. L’histoire est comme ébouriffée, trop complexe et le film, désormais difficile à regarder, n’a pas résisté au temps.

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55 ans après sa sortie en librairie, c’est donc au tour de Denis Villeneuve, auréolé d’une très bonne filmographie qui l’a amené autant vers le thriller (Prisoners) que la science-fiction (Premier Contact, Blade Runner 2049), de se pencher sur son adaptation. Au scénario, il est aidé par deux habitués des projets difficiles et parfois de genre : Eric Roth (Forrest Gump, Munich, L’Étrange Histoire de Benjamin Button) et Jon Spaihts, derrière notamment Prometheus et le moyen Passengers.

Du plus petit au plus grand 

Si Blade Runner 2049 conviait à des espaces étouffés par la pollution, la nuit et des lumières désertiques laissant planer des menaces inconnues, Dune, de la même manière que le grandiose Mad Max : Fury Road, laisse place à des paysages immenses (et sans fonds vert) pour illustrer la dangereuse Arrakis, inscrivant son tournage en Jordanie dans son désert de Wadi Rum. Voilà l’histoire d’une famille, celle des Atreides, obligée à venir sur la plus dangereuses des planètes, colonisant (à nouveau) des terres qui ne sont pas les siennes.

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Piochant dans un vivier de personnages, Denis Villeneuve s’attache à créer sa mythologie de Dune, concentrant grandement ses efforts sur les personnages de Paul et de sa mère, dame Jessica, tout en n’oubliant jamais les seconds couteaux, que ce soit Jason Momoa, Josh Brolin, Javier Bardem et, évidemment Stellan Skarsgård, dont la seule présence suffit à incarner le baron. 

Car Denis Villeneuve, comme à son habitude, triture l’espace et les corps pour leur offrir une part de mystère. Ils sont souvent dans l’ombre, cachés, détaillés à travers des mains qui touchent l’eau, effleurent le sable ou se posent sur une nuque. En quelques intentions visuelles, on se saisit de la psychologie de personnages évoluant dans un scénario parfaitement maîtrisé et dont l’élan, le rythme, fascine. Par-dessus cette couche, la composition sonore appuie des séquences visuelles captivantes. Hans Zimmer vient ici renouveler ses créations, appuyant une “ambiance” de la planète Dune. 

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Un Timothée Chalamet au sommet

Dans cette première partie, Timothée Chalamet est de presque tous les plans. Droit comme un “i”, fin comme une brindille, fragile d’apparence, l’acteur franco-américain au regard acéré impressionne, à l’instar d’un personnage souvent pris de haut par ses proches comme les Fremen. Il incarne adroitement un Paul en apparence dépassé mais dont l’intuition et les rêves le sauvent de la mort qui ne cesse de le suivre. 20 ans après la sortie de Matrix, il est le nouveau Neo, l’élu, avec qui on découvre les dessous stratégiques, et mortifères, dans un univers régi par un empereur du nom de Padishah Shaddam IV.

Le grand pari de ce film se lit entre les lignes du livre : celui de créer à la fois un film immense, pour mieux aborder ces mondes imaginaires, tout en s’attachant à être au plus près des émotions de Paul, ce jeune prince, coincé entre son devenir royal, une mère qui l’a touché d’un enseignement œuvrant à surpasser ses facultés et un destin qui le dépasse et le perturbe.

Avec Dune, première partie, le pari est largement réussi. Le nouveau long-métrage de Denis Villeneuve donne l’impression d’incarner à lui tout seul une forme d’apothéose des blockbusters “raffinés” des années 2010, dans la lignée du travail de Christopher Nolan. Du casting aux costumes en passant par le travail musical, le montage, l’attachement aux détails pour mieux raconter ce qui est grand, le cinéaste canadien ouvre une nouvelle porte cinématographique qu’on n’a plus envie de refermer, aidé par le travail photo de Greig Fraser (à qui on doit notamment Rogue One, et ce n’est pas anodin en termes de création d’univers) et le talent de ses acteurs.

“Fear is the mind killer” annonce dame Jessica : la phrase pourrait être exactement celle qui a dû traverser l’esprit de Denis Villeneuve à l’idée même d’adapter cette histoire. On peut désormais le confirmer : Denis Villeneuve a du Paul Atreides dans le sang.