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Grandir avec Lara : Tomb Raider, miroir du jeu vidéo

Grandir avec Lara : Tomb Raider, miroir du jeu vidéo

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Par Pierre Depaz

Publié le

Lara Croft est de retour. Après 9 jeux développés par les canadiens du studio Core Design, deux films et plusieurs comics, Crystal Dynamics avait pris le relai avec quatre autres titres -Underworld, Anniversary, Legend et The Guardian of Light. Le dernier opus en date, publié par Square Enix (Final Fantasy, Hitman, Sleeping Dogs), est un nouveau départ, sobrement intitulé Tomb Raider, sorti le 5 Mars dernier. Non seulement c’est un très bon jeu, mais c’est aussi le reflet d’une industrie du jeu vidéo qui change de plus en plus.

Tomb Raider Cover
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Le début du jeu nous fait retrouver une Lara Croft fraîchement diplômée en archéologie, et sur le point de s’embarquer à bord de l’Endurance -vers sa toute  première aventure. Surpris par une tempête, le navire s’échoue sur une île non-répertoriée et Lara se retrouve séparée du reste de l’équipage. La première chose qu’on remarque alors qu’on prend en main l’héroïne pour la première fois est qu’elle est loin d’être une archéologue en mini-short,  expérimentée et endurcie, prête à éclater des têtes avec ses doubles flingues. Cette Lara Croft-là est jeune, terrifiée, et veut seulement rentrer chez elle.

Tout au long du jeu, on découvrira comment est-ce qu’elle devient, pas à pas, la Lara Croft qu’on a toujours connu. Comment est-ce qu’elle apprend à surmonter sa peur des mercenaires russes et des créatures antiques, à déjouer des pièges millénaires et des énigmes et à découvrir les vérités qui se cachent derrière des légendes. La trame narrative est donc bien d’avantage focalisée sur le développement de personnages que sur la découverte d’un artefact antique.

Cela montre à déjà à quel point les joueurs de Tomb Raider, ceux qui ont joué aux premiers jeux (et qui étaient persuadés que ce foutu code pour la foutre à poil devait exister), à quel point ils ont grandi et veulent désormais autre chose que des formes généreuses sur leur écran; ils veulent une intrigue qui tienne la route, avec ou sans des temples en ruine et des pieux en bois au fond de chaque trou. Au fur et à mesure que le joueur découvrira l’île et son passé, il lèvera aussi le voile sur ce qui a forgé la personnalité de l’héroïne, et les épreuves dont elle a triomphé pour devenir la Croft que nous connaissons tous.

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Les mécaniques de jeu en eux-même reflètent ce public de joueurs de plus en plus vieux. L’histoire principale se termine plutôt facilement, sans avoir à passer des heures à recharger la même sauvegarde. Il y a toujours des puzzles, mais ils se sont simplifiés, notamment grâce au ‘Sens de Survie’ (i.e. appuie sur Y pour voir que les objets importants s’illuminent). Les séquences de plateforme sont également incroyablement plus faciles.

Dans les jeux précédents, Lara pouvait sauter exactement l’équivalent d’un bloc (plus ou moins un mètre), et si elle loupait l’arrivée, ne serait-ce que d’un centimètre, c’était la mort assurée. Dans le jeu de Crystal Dynamics, Lara saute aussi aisément des failles de cinquante centimètres que des fossés de deux mètres, ce qui ôte un poids considérable dès qu’on commence à prendre son élan; et cette simple modification montre bien le changement de paradigme dans les jeux vidéos.

Les premiers opus étaient considérablement difficiles parce qu’elles étaient jouées par un petit nombre de joueurs compétents, qui voulaient que leur jeu puisse durer le plus longtemps possible (il y en avait encore relativement peu sur le marché), et qui appartenaient à des cercles sociaux dont ces jeux étaient le centre de discussions sans fin, dans la cour de récré comme autour de la machine à café.

En fin de compte, Tomb Raider fait véritablement son entrée dans l’entertainement et le divertissement moderne. Il est beau, avec une direction artistique sobre mais efficace et des graphismes qui n’ont rien à envier au reste du marché. Les doublages sont très corrects (pour des doublages, s’entend). Le design des niveaux est exact (ni trop petit, ni trop grand, avec une bonne doses d’indices pour que le joueur ne se perde pas) et, surtout, la jouabilité est des plus fluides.

La raison de cette baisse de difficulté n’est pas des plus complexes: la grande majorité des personnes qui ont joué, jouent ou joueront à Tomb Raider ne veulent pas se retrouver à galérer sur un seul niveau pendant deux heures alors qu’ils rentrent à peine du travail.

N’oublions pas non plus que les jeux vidéos deviennent de plus en plus populaires -et qu’avec un public de plus en plus grand vient toujours, d’une manière ou d’une autre, une baisse de standards. A noter que, pour ceux d’entre nous qui sont vraiment à la recherche d’un challenge, il est toujours possible d’essayer de finir le jeu à 100%, en pillant chaque tombe, allumant chaque torche et en complétant chaque défi, ce qui demande une bonne dose d’entêtement et d’après-midi pluvieux.

Bienvenue dans le monde moderne

Le jeu en lui-même reste toujours néanmoins une expérience grand public. Les designers aux-mêmes semblent avoir consciemment emprunté mécaniques et tendances au jeu vidéo moderne. Pour le meilleur ou pour le pire, Tomb Raider inclut donc un système de couverture à la Gears of War, des quick-time events à la Heavy Rain, une prédominance de l’arc dans la communication du jeu, un monde ouvert bourré de trucs à collectionner et un mode multi-joueur en ligne -auquel personne ne joue, mais personne ne veut financer de jeu qui n’a pas de multi. Avec toutes ces nouveaux ajouts, Tomb Raider est définitivement un jeu de son époque.

Tomb Raider (in-game screenshot)
Traquée et tapie dans l’ombre: capture d’écran ingame