“Tout le monde a eu peur” : les boulangers impuissants face à la hausse du prix du beurre

“Tout le monde a eu peur” : les boulangers impuissants face à la hausse du prix du beurre

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Par Konbini Food

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"Notre marge se réduit comme peau de chagrin."

“Tout le monde a eu peur de manquer.” En pleine effervescence autour des galettes des rois, le prix du beurre n’est pas près de fondre et les boulangers, artisanaux comme industriels, s’inquiètent de son approvisionnement. Après la fève, le beurre est la star de la galette à la frangipane : il représente 50 % du feuilletage et un quart de la crème d’amandes. C’est 30 % de la recette pour les croissants.

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“C’est pour ça que c’est bon”, résume Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF), qui rassemble 33 000 artisans boulangers français. Ces derniers ont vu la facture de l’ingrédient s’envoler (+57 % sur un an pour le beurre industriel, selon l’interprofession laitière française Cniel) et leurs fournisseurs habituels à la peine pour le livrer.

“Tout le monde a eu peur”, affirme Lionel Bonnamy, boulanger du 14e arrondissement de Paris, qui s’est vu décerner l’an dernier le prix de la meilleure galette du Grand Paris. Courant décembre, sur trois fournisseurs potentiels, aucun n’était en mesure de lui fournir du beurre de tourage, qui sert aux pâtes feuilletées et se présente en plaque de 2 ou 2,5 kg. “J’ai dû prendre du beurre cube” : 25 kg et moins facile à travailler.

“Cela ne va pas changer grand-chose gustativement, mais automatiquement le croissant est moins beau”, explique-t-il. Depuis, “c’est revenu à peu près à la normale en termes d’approvisionnement”, mais le prix du beurre de tourage n’a pas dégonflé : près de 10 euros le kilo contre autour de 6,50 auparavant.

En magasin, ses galettes se sont renchéries d’un euro, à 22,50 euros pour six personnes. “Quand on fait tout maison, si les matières premières augmentent, on n’a pas d’autre levier que de répercuter”, regrette le boulanger, qui a aussi relevé le prix de ses viennoiseries et certains pains face à l’augmentation de la farine de blé.

“C’est tendu”

Le beurre, comme les autres ingrédients laitiers absorbés par l’industrie agroalimentaire, augmente du fait d’une demande ferme et d’une offre mollassonne, selon l’interprofession laitière. “Compte tenu des collectes de lait française, européenne et mondiale, qui devraient être limitées sur cette fin d’année, voire en début d’année 2022, les disponibilités en beurre pourraient rester faibles et les cours se maintenir à des niveaux élevés”, souligne le Cniel dans une note de conjoncture, constatant que cette tension touche aujourd’hui “principalement” les industries agroalimentaires.

À l’automne 2017, la crainte de manquer de beurre, sur fond de cours élevés et de bras de fer entre industriels et distribution, avait fait exploser les ventes et vidé les rayons des supermarchés. “Contrairement à ce qu’il a pu se passer en 2017, une hausse marquée des prix et des pénuries de beurre ne sont pour l’instant pas perçues en grandes surfaces”, constate le Cniel.

Les boulangers artisanaux et industriels – CNBPF et la Fédération des entreprises de boulangerie/pâtisserie (FEB) – ont demandé dans un courrier au gouvernement de “réunir d’urgence l’ensemble des acteurs de la filière (agriculteurs, laitiers, artisans, industriels et distribution) afin de sécuriser les approvisionnements et de convenir de mesures communes pour garantir un prix convenable aux consommateurs et permettre à nos adhérents de vivre décemment de leur travail”.

“Pour l’instant, on a encore du beurre, mais c’est tendu. Il y a des boulangers qui stockent un peu, d’autres qui passent d’un fournisseur à l’autre”, rapporte le président de la CNBPF, M. Anract. Du côté des industriels, “on a des adhérents qui ont des difficultés à s’alimenter en beurre. Il faut mettre le prix, jongler entre différentes centrales d’achat, c’est une galère”, indique Paul Boivin, délégué général de la FEB.

En pleine période de négociations commerciales annuelles avec la grande distribution, l’organisation attend des supermarchés qu’ils paient plus cher leurs produits pour absorber les hausses des ingrédients, mais aussi de l’énergie, des emballages, des salaires… “Notre marge se réduit comme peau de chagrin”, souligne M. Boivin.

Konbini food avec AFP